Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

impôt (suite)

Dans le domaine des comportements ou des incitations, on a souvent dénoncé les effets sur les choix formulés par les individus entre l’accroissement de leur travail productif ou l’augmentation de leurs loisirs, et sur l’utilisation de leur revenu, notamment son partage entre épargne et consommation. On s’est demandé dans quelle mesure l’accroissement de la charge fiscale pouvait amener le contribuable à travailler moins en diminuant ses efforts et son rendement (effet de substitution), ou, au contraire, incitait le contribuable à compenser par un effort accru ce qui avait été prélevé sur son revenu : en réalité, les observations empiriques ne semblent pas prouver que l’impôt ait l’effet négatif supposé par la théorie économique. Différents facteurs de compensation peuvent intervenir : liberté très réduite de pouvoir diminuer le nombre d’heures de travail pour des raisons institutionnelles ; rôle des aspirations à un niveau de revenu supérieur, calqué sur les habitudes des classes de revenu plus élevées (effet de démonstration) ; motivations non monétaires (recherche du prestige, de la considération, de la puissance, etc.). En définitive, l’augmentation des taux d’imposition que l’on dénote depuis 1945 ne semble pas s’être traduite par une diminution de l’effort productif ni du revenu réel.

Dans le domaine de l’épargne des ménages, on a souvent prétendu que l’impôt limitait les possibilités d’épargne, soit en poussant l’épargnant à la consommation, soit en le détournant vers des placements de sécurité au détriment de placements plus aléatoires mais plus productifs. En réalité, cette relation entre l’impôt progressif et la diminution de l’épargne des ménages ne semble pas davantage affirmée, en raison de différentes circonstances comme le fait qu’il existe une large différence entre les taux théoriques d’imposition et les taux réels (ce qui laisse à l’épargne de larges possibilités de formation), ou encore que l’aménagement de la fiscalité en faveur de l’épargne permet aux revenus les plus élevés de conserver de larges possibilités d’épargne (en réalité, le traitement préférentiel, ou la non-imposition, des gains en capital constitue une détaxation de l’épargne).

Enfin, l’influence de la fiscalité se fait sentir dans le domaine du financement de l’entreprise : ainsi, en raison de l’existence de diverses provisions et dotations admises par le fisc en franchise d’impôt et surtout en raison des possibilités d’utilisation des dotations d’amortissement du capital, l’autofinancement* peut être avantagé par la politique fiscale.


L’impôt et la croissance économique

Afin que l’impôt ne fasse pas obstacle aux progrès de l’économie, les pouvoirs publics se sont efforcés de favoriser la neutralité fiscale, c’est-à-dire une forme de fiscalité qui n’exercerait pas de discrimination entre les produits ou entre les activités et qui n’affecterait pas négativement les comportements ou l’efficacité des agents de l’activité économique.

Le cas le plus typique reste celui de la taxe sur la valeur ajoutée (T. V. A.). L’adoption du système de la T. V. A. devait permettre d’éliminer toutes les dispositions qui, dans le régime précédent de la taxe à la production, pénalisaient les entreprises réalisant des investissements*. Ce régime de la taxe à la production ne correspondait qu’imparfaitement au principe de la taxe à la valeur ajoutée : en effet, chaque producteur avait le droit, pour le calcul de l’impôt, de déduire de la taxe calculée sur ses ventes la taxe payée aux échelons antérieurs sur ses achats de matières premières physiquement intégrées dans le produit, mais non pas, par contre, la taxe incluse dans ses achats d’équipement et ses frais généraux. Cette législation aboutissait, suivant M. Lauré, promoteur de la T. V. A., à une surcharge très préjudiciable à l’investissement. Le mécanisme de la taxe à la valeur ajoutée a autorisé la déduction financière (c’est-à-dire la soustraction de la taxe calculée sur les ventes, des taxes payées sur les machines et les frais généraux), qui vient ainsi s’ajouter aux déductions physiques. On estime que cette législation a permis un large développement de l’investissement. D’autres mesures (comme l’action sur les taux d’amortissement du capital ou des équipements) pourraient être citées comme exemple de recherche de la neutralité fiscale par les pouvoirs publics.

G. R.

➙ Budget / Douane / Enregistrement.

 J. Cailloux, les Impôts en France. Traité technique (Pichon et Durand-Auzias, 1896-1904 ; 2e éd., 1911 ; 2 vol.). / L. Formery, les Impôts en France (P. U. F., 1946 ; 2 vol.). / H. Laufenburger, Histoire de l’impôt (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1954). / M. Lauré, Traité de politique fiscale (P. U. F., 1960). / A. de Lattre, Politique économique de la France depuis 1945 (Cours de droit, 1961 ; nouv. éd., 1972). / M. Duverger, Finances publiques (P. U. F., 1963 ; nouv. éd., 1965). / L. Trotabas et J.-M. Cotteret, Finances publiques (Dalloz, 1964 ; nouv. éd., 1970). / J. Rivoli, Vive l’impôt (Éd. du Seuil, 1965). / P. Beltrame, l’Imposition des revenus (Berger-Levrault, 1970). / G. Ardant, Histoire de l’impôt (Fayard, 1971-72 ; 2 vol.).
On peut également consulter les statistiques et études financières établies par le ministère de l’Économie et des Finances.


L’impôt en France depuis la Révolution de 1789

La Révolution fonde une nouvelle fiscalité sur des principes opposés à ceux de la fiscalité de l’Ancien Régime.

L’égalité devant l’impôt, traduction de l’égalité politique, est posée dans la Déclaration des droits de l’homme. L’évaluation d’après les signes extérieurs procède du principe de la liberté excluant tout arbitraire, notamment tout contrôle de déclaration. L’impôt unique est un impôt foncier ; pour les révolutionnaires comme pour les physiocrates, il convient de calquer le système fiscal sur l’économie et donc de condamner les impôts indirects pour ne retenir qu’un impôt unique sur la richesse foncière.