Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

immunologie (suite)

Immunologie des cancers

Le cancer* est caractérisé par la prolifération anarchique et sans frein de clones cellulaires aberrants qui constituent en fait une greffe allogénique, les tissus tumoraux ayant leurs propres antigènes ; ces néo-antigènes sont peut-être d’ailleurs ceux du Virus lui-même dans le cas de certaines leucémies.

Ces clones cellulaires ne pourraient se développer que grâce à une défaillance des systèmes homéostatiques qui normalement détruisent toutes les cellules anomales qui apparaissent chez le sujet sain ; les phénomènes d’hypersensibilité retardée jouent là un grand rôle ; certains lymphocytes sensibilisés, les lymphocytes « tueurs », sont capables par une action cytotoxique de détruire les cellules malignes.


Les agents immunosuppresseurs et le sérum antilymphocytaire

La reconnaissance d’une série de syndromes cliniques en tant que manifestations d’hypersensibilité a poussé à rechercher des moyens thérapeutiques. Depuis un certain nombre d’années déjà, on dispose des corticoïdes et des antihistaminiques pour lutter contre les manifestations d’hypersensibilité immédiate telles que les accidents anaphylactiques, l’asthme, l’œdème laryngé. Mais les syndromes relevant de l’hypersensibilité retardée, tels le rejet des homogreffes, les maladies auto-immunes, ne sont pas sensibles à ces médicaments.

On utilise alors des agents non spécifiques connus pour leur action toxique sur les cellules en voie de division et qui sont employés en cancérologie.

Il s’agit d’une part des rayons X ; l’irradiation totale supprime en effet les réactions immunitaires.

Il existe d’autre part des corps chimiques qui sont toxiques pour les cellules, en lésant notamment les acides nucléiques, tels les agents alkylants, les antagonistes de l’acide folique, les corps voisins des bases puriques constituants de l’acide désoxyribonucléique des chromosomes. Ces corps, s’ils détruisent les cellules lymphoïdes, détruisent aussi d’autres cellules sensibles et notamment les éléments du sang, ce qui rend leur emploi dangereux. Ils sont néanmoins utilisés pour éviter le rejet des greffes en même temps que les corticoïdes.

Le plus récent et l’un des plus puissants agents immunosuppresseurs est le sérum antilymphocytaire utilisé depuis 1963. Il est obtenu en immunisant un animal avec des lymphocytes humains ; il s’agit donc d’un sérum hétérologue contenant une série d’anticorps dirigés contre des antigènes de la surface du lymphocyte. Il agirait par une action cytotoxique nécessitant la présence du complément. Il inhibe la production d’anticorps à condition d’injecter le sérum avant l’antigène ; l’inhibition porte surtout en fait sur les réactions d’hypersensibilité retardée.

Le témoin le plus caractéristique de l’action du sérum antilymphocytaire est la diminution du nombre des lymphocytes dans le sang. In vitro, le sérum agglutine les lymphocytes et les détruit si l’on ajoute du complément. Son action porterait surtout sur les cellules d’origine thymique.

A. S.

➙ Allergie / Bactérie / Greffe / Immunité / Transfusion / Vaccination.

 Cours d’immunologie générale et de sérologie de l’Institut Pasteur (C. D. U., 1963). / A. Delaunay, l’Immunologie (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1969). / Advances in Immunology (Londres et New York, 1969-1971 ; 11 vol.). / J. H. Humphrey et R. G. White, Immunology for Students of Medicine (Oxford, 1970). / P. Bordet, Immunologie (Flammarion, 1972).

impérialisme

Terme polémique ou critique qui désigne les diverses formes que peut prendre la domination d’une nation sur d’autres nations.


L’usage du mot révèle en réalité deux sens très différents. Dans son usage technique, « impérialisme » désigne simplement toute politique de conquête en vue de construire un empire. Dans son usage idéologique, « impérialisme » désigne une théorie qui se veut interprétation globale du monde contemporain, de ses conflits et de ses tendances.


Les deux usages du terme « impérialisme »

Usage technique. Par définition, on entend par empire toute unité politique construite autour d’un pôle conquérant et rassemblant sous sa domination des peuples jusque-là indépendants ou de composition ethnique différente. On parlera d’empires égyptien, assyrien, macédonien, romain, chinois, mongol, russe, etc. Par-delà la diversité des temps, des lieux et des civilisations, ces empires présentent quelques traits communs. Fondée sur la conquête, leur assise est fondamentalement militaire, c’est-à-dire que l’élite dirigeante est, du moins à ses débuts, avant tout composée de guerriers. Du fait de la nécessité d’administrer de vastes espaces et des peuples divers, la stabilisation qui suit la conquête tend à développer une bureaucratie d’État : des scribes et des lettrés s’agrègent à l’élite dirigeante. Enfin, l’expérience prouve que les peuples conquis ne perdent jamais le souvenir de leur indépendance ni de la violence qui leur a été faite : dès que le conquérant s’affaiblit ou relâche sa vigilance, des insurrections explosent : il peut même arriver que l’empire se désintègre purement et simplement (empires mésopotamiens, Empire romain d’Occident, empires carolingien, mongol, ottoman, etc.). L’empire constitue ainsi un ensemble politique instable, sans cesse guetté par les convoitises extérieures, les menaces de sécession et les courants centrifuges.

Si l’impérialisme, ainsi entendu, est d’abord la projection vers l’extérieur de la puissance et de la volonté de puissance d’une entité politique, il représente aussi un des facteurs les plus puissants du changement historique. Par la conquête, il détruit des genres de vie et des organisations sociales, et, pour peu que le modèle qu’il propose soit tentant, il ouvre une immense carrière à la civilisation dont il se réclame. Alexandre le Grand a étendu l’hellénisme à l’ensemble du bassin oriental de la Méditerranée et au Proche-Orient jusqu’à l’Indus ; Rome l’a porté dans le bassin occidental, lui a acquis une partie du continent jusqu’à l’Écosse, jusqu’au Rhin et au Danube. De même, l’expansion coloniale européenne à partir du xvie s., et surtout au xixe s., a étendu le modèle européen de civilisation à l’ensemble de la planète. Il arrive, par conséquent, qu’un empire survive indéfiniment à sa dissolution, par l’intermédiaire des modèles qu’il continue à offrir à l’imitation des peuples jadis asservis.