Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

Ignace de Loyola (saint) (suite)

Le « Pèlerin » : de Loyola (1521) à Rome (1537)

Convalescent au château de Loyola, Íñigo ne dispose pas de ces romans de chevalerie dont il est friand. Il en est réduit à lire la Vie du Christ de Ludolphe le Chartreux et la Légende dorée de Jacques de Voragine. Alors, le désir s’empare de lui « d’imiter les prouesses des saints ». Guéri, il part, à l’insu des siens, pour Jérusalem : il veut s’établir là, face aux musulmans, et escompte la gloire du martyre. À l’abbaye bénédictine de Montserrat, il fait sa « veillée d’armes » comme un chevalier et troque ses habits de gentilhomme contre les hardes d’un mendiant. Continuant sa route, il passe par Manresa, où il ne pense rester que quelques jours. En fait, il y demeure onze mois : c’est son « désert » de jeûnes, de pénitences, de prières. Dieu l’« illumine » (vision du Cardoner).

De ce séjour à Manresa datent sans doute la « substance » des Exercices spirituels et la conception ignatienne de l’action mystique. En 1523, Íñigo gagne enfin Jérusalem ; le gardien des franciscains ne l’autorisant pas à rester aux lieux saints, il rentre en Europe, étudie à Barcelone, puis à Alcalá de Henares et à Salamanque (1526-27), enfin à Paris (1528-1535). Là, séduits par son idéal et sa personne, quelques « maîtres » ou étudiants se groupent autour de lui : Pierre Favre, François Xavier, Diego Laínez, Alfonso Salmerón, Nicolas de Bobadilla, Simón Rodríguez. Avec eux, le 15 août 1534, à Montmartre, il fait le vœu de vivre dans la stricte pauvreté et de partir pour Jérusalem. Mais cet engagement comporte une clause : si le voyage se révèle impossible pendant l’année qui suivra la fin de leurs études, les compagnons iront se mettre à la disposition du pape pour quelque mission que ce soit « chez les fidèles ou les infidèles ». L’année suivante s’adjoignent au groupe Claude Le Jay, Jean Codure, Paschase Broët et Diego de Hoces (qui mourra bientôt). Au printemps de 1537, les compagnons se retrouvent à Venise. Plusieurs, dont Íñigo (qui prend alors le nom d’Ignace), sont ordonnés prêtres. Le départ pour la Terre sainte s’avérant impossible, ils s’acheminent par groupes, en missionnant, vers Rome, selon le vœu de Montmartre : les voici de nouveau ensemble en novembre 1537.


Le missionnaire immobile

Déjà le pape, qui agrée les services de cette poignée de prêtres réformés, s’apprête à les disperser dans le monde. Des problèmes se posent alors aux compagnons : doivent-ils se lier entre eux pour rester unis malgré la séparation ? Pourront-ils s’agréger de nouveaux compagnons ? En bref, convient-il de fonder un ordre nouveau dans l’Église ? La délibération est ardue. Finalement, ils décident de fonder une « compagnie » qui portera le nom de « Jésus ».

Le projet est long à mettre en place. En 1556, à la mort d’Ignace, les Constitutions définitives ne seront pas encore approuvées par la Compagnie. Cependant, lui-même a été élu « préposé général » en 1541, et, le 22 avril de la même année, les compagnons présents à Rome, et Ignace d’abord, ont fait leur profession solennelle à Saint-Laurent-hors-les-Murs. À partir de 1537, Ignace ne quitte plus Rome, sauf pour deux absences brèves. Il s’occupe de créer ou d’animer des œuvres de charité ou d’enseignement, forme les nouvelles recrues, orientant l’action apostolique du jeune ordre. Il meurt le 31 juillet 1556, en plein travail, alors que la Compagnie compte déjà mille membres répartis en douze provinces. Béatifié le 27 juillet 1609, il sera canonisé le 12 mars 1622.


L’œuvre écrite

Ignace de Loyola n’est pas un écrivain au sens littéraire du terme ; cependant, les écrits que nous avons gardés de lui continuent à marquer fortement les esprits. Cette survie, cette présence à notre temps est due incontestablement à la spiritualité caractéristique d’Ignace ; Ignace nous livre une expérience et une conception de l’action mystique qui transcende les temps : grâce et liberté, prière et action, tradition et créativité, amour de Dieu et amour du monde s’harmonisent dans sa vision de l’univers.

• L’Autobiographie. Ignace dicte ce texte en 1553-1555 à Luis Gonçalvez de Câmara.

• Les Exercices spirituels. Le noyau primitif date de Manresa ; Ignace l’enrichit d’apports nouveaux et le remanie, avec l’aide de certains compagnons, jusqu’à ce que les Exercices spirituels soient présentés au pape Paul III, en 1547-48.

• Les Constitutions de la Compagnie de Jésus. Une première rédaction des Constitutions est soumise aux profès de l’ordre à la fin de 1550 : on souhaite que la présentation soit améliorée. À la mort d’Ignace, le travail est pratiquement achevé, mais le texte définitif n’est approuvé qu’en 1558.

• Le Journal spirituel. Le fragment conservé s’étend du 2 février 1544 au 27 février 1545.

• Ignace de Loyola laisse environ sept mille lettres, dont un grand nombre écrites par Polanco.

Quelques textes de saint Ignace

Exercices spirituels. Préambule à la contemplation « Pour obtenir l’amour »

« Il est bon de remarquer deux choses :
« 1. L’amour doit se mettre dans les actes plus que dans les paroles ;
« 2. L’amour consiste dans un échange réciproque : celui qui aime communique à celui qu’il aime tout ou partie de ce qu’il a ; de même en retour celui qui est aimé à celui qui l’aime. Ainsi, si l’un possède la science, il la communique à celui qui ne l’a pas ; de même les honneurs ou les richesses. Et ainsi l’un à l’autre, tour à tour.

« Telles sont les lois fondamentales de l’amour ou de l’amitié authentiques. »

Offrande finale : « Prenez, Seigneur, et recevez toute ma liberté, ma mémoire, mon intelligence et toute ma volonté, tout ce que j’ai et possède. Vous me l’avez donné : À vous, Seigneur, je le rends. Tout est vôtre. Disposez-en selon votre entière volonté. Donnez-moi votre amour et votre grâce ; c’est assez pour moi. »

Journal spirituel

« Pendant la messe, larmes en plus grande abondance que le jour passé, longtemps, et avec perte de la parole, une fois ou quelquefois, sentant même des intelligences spirituelles — au point qu’il me semblait avoir une compréhension telle qu’il n’était quasi pas possible d’en savoir davantage sur ce sujet de la très Sainte Trinité. »

« En préparant l’autel (pour la messe) venant à penser à Jésus, mouvement en moi pour le suivre, me paraissant intérieurement que lui étant la tête de la compagnie, c’était un meilleur argument pour choisir la totale pauvreté, que toutes les raisons humaines. »