Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
H

Hongrie (suite)

L’étincelle, si l’on se place du moins au niveau strictement artistique, sera de courte durée. De 1949 à 1953, la Hongrie se stalinise à outrance : c’est l’époque des procès politiques, de la guerre froide. L’art sera réaliste-socialiste ou ne sera pas. Le Jdanov hongrois se nomme József Révai. Le schématisme idéologique est absolu. Le héros positif seul a droit de cité sur les écrans. Le réveil n’a lieu qu’un an après la mort de Staline et la mise à l’écart de Révai. Liliomfi (1954), de Károly Makk, et surtout Un petit carrousel de fête (1955), de Zoltán Fábri, annoncent une véritable renaissance du cinéma en Hongrie. Renaissance du cinéma mais aussi naissance de véritables auteurs, comme Makk, Fábri, Félix Máriássy et plus modestement László Ranódy. Les événements de 1956 ne vont pas entièrement réduire à néant les tentatives entreprises pour créer un cinéma résolument moderne, engagé et responsable. Mais la crise morale a des répercussions indéniables sur les cinéastes, et les œuvres tournées entre 1957 et 1962 reflètent d’une manière plus ou moins voilée les angoisses de la « génération moyenne », dont la vie a suivi les méandres tragiques de l’histoire. Favorisé par un contexte politique plus libéral, le « nouveau cinéma hongrois » commence à s’imposer dès 1962. La création du studio Béla Balázs, en 1960, permet aux jeunes réalisateurs d’éprouver leur talent en tournant des courts métrages selon une formule qui se révélera particulièrement heureuse (décision prise en commun des scénarios à tourner, gestion financière de l’entreprise — les fonds leur étant confiés par l’État — assurée par les membres du studio). En quelques années, plusieurs metteurs en scène s’imposent, notamment : Miklós Jancsó* (Cantate, 1963 ; Mon chemin, 1964 ; les Sans-Espoir, 1965 ; Rouges et blancs, 1967 ; Silence et cri, 1968 ; Ah ! ça ira, 1968 ; Sirocco d’hiver, 1969 ; Agnus Dei, 1970 ; Psaume rouge, 1971), István Gaál (Remous, 1964 ; les Vertes Années, 1965 ; les Faucons, 1969 ; Paysage mort, 1971), András Kovács (Jours glacés, 1966 ; les Murs, 1968 ; Course de relais, 1970), Ferenc Kósa (les Dix Mille Soleils [Tizezer nap, 1966], Jugement [Itélet, 1970]), István Szabó (l’Âge des illusions, 1964 ; Père, 1966 ; Un film d’amour, 1970), Péter Bacsó, Imre Gyöngyössy, Pál Zolnay, Ferenc Kardos, Márta Mészáros, Tamás Rényi, Sándor Sára (également opérateur), Zsolt Kézdi-Kovács, Zoltán Huszárik, tandis que les réalisateurs qui ont débuté avant 1960 (Fábri, Makk, Ranódy, Máriássy, Révész) continuent à tourner sans qu’il y ait une véritable « rupture » entre les deux générations. Certains d’entre eux signent des œuvres remarquables, ainsi : Vingt Heures, de Zoltán Fábri, ou Amour, de Károly Makk. Le « jeune cinéma hongrois » a pris le relais du jeune cinéma polonais et du jeune cinéma tchécoslovaque, et sa notoriété internationale ne s’est guère démentie depuis 1964.

Malgré la diversité des éléments qui la composent, on peut néanmoins parler d’une véritable école cinématographique hongroise dans la mesure où les buts recherchés sont les mêmes : remuer, troubler, déranger, inquiéter le spectateur, le forcer à s’interroger sur le sens général de la vie et de l’histoire, dénoncer en même temps l’humiliation de l’homme par l’homme et exalter ce qui en lui reste inexpugnable : sa dignité.

J.-L. P.


Quelques grands réalisateurs hongrois


Zoltán Fábri

(Budapest 1917). Il fut tour à tour comédien, décorateur et metteur en scène de théâtre. Son troisième long métrage, Un petit carrousel de fête (Körhinta, 1955) fut particulièrement remarqué au Festival de Cannes. Depuis, il a tourné notamment le Professeur Hannibal (Hannibál, tanár úr, 1956), Anna (Édes Anna, 1958), Deux Mi-Temps en enfer (Két félidő a pokolban, 1961), les Ténèbres du jour (Nappali sötétség, 1963), Vingt Heures (Húsz óra, 1965), Arrière-Saison (Utószezon, 1966), la Fourmilière (Hangyaboly, 1971).


Pál Fejós

(Budapest 1898 - † New York 1963). De 1919 (Pán) à 1923 (les Étoiles d’Eger [Egri csillagok]). Fejós travaille en Hongrie. Il poursuit ensuite une carrière cosmopolite. Aux États-Unis, il signe, après le Dernier Moment (The Last Moment, 1928), film expérimental, une œuvre qui restera l’un des sommets du réalisme intimiste, Solitude (Lonesome, 1928), puis Broadway (1929) et les versions française et allemande de The Big House (1930). Il partage ensuite ses activités entre la France (Fantomas, 1932), la Hongrie (Marie légende hongroise [Tavaszi zápor, 1933] et Tempêtes [Ítél a Balaton, 1933]), l’Autriche (Gardez le sourire [Sonnenstrahl, 1934]), l’Allemagne, le Danemark, Madagascar, l’Inde, le Siam et le Pérou.


István Gaál

(Salgotarjan 1933). Il est l’un des meilleurs et des plus sensibles réalisateurs du « nouveau cinéma hongrois », auteur de Remous (Sodrásban, 1964), les Vertes Années (Zöldár, 1965), Baptême (Keresztelő, 1967), les Faucons (Magasiskola, 1969), Paysage mort (Holt vidék, 1971).


Miklós Jancsó.

V. l’article.


Mihály Kertész.

Voir à États-Unis (les grands réalisateurs [Michael Curtiz]).


András Kovács

(Kide, Roumanie, 1925). Après avoir dirigé le service des lectures de scénarios de 1951 à 1957, il aborde la mise en scène en 1960. Principaux films : les Intraitables (Nehéz emberek, 1964), Jours glacés (Hideg napok, 1966), les Murs (Falak, 1968), Course de relais (Staféta, 1970).


Károly Makk

(Berettyóújfalu 1925). L’un des artisans de la renaissance du cinéma hongrois en 1954-1958 avec Fábri et Máriássy. Principaux films : Liliomfi (1954), la Maison au pied du roc (Ház a sziklák alatt, 1958) ; les Obsédés (Megszállottak, 1961), Amour (Szerelem, 1970).


István Szabó

(Budapest 1938). Diplômé en 1964, il fut l’un des plus brillants élèves du studio Béla Balazs. Il est l’auteur de l’Âge des illusions (Álmodozások kora, 1964), Père (Apa, 1966), Un film d’amour (Szerelmesfilm, 7970).