Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Hongrie (suite)

 C. B. Levenson, le Jeune Cinéma hongrois (Serdoc, Lyon, 1966). / I. Nemeskürty, Word and Image : History of the Hungarian Cinema (Budapest, 1968). / Ungarische Spielfilme (Francfort, 1968). / M. Estève (sous la dir. de), le Nouveau Cinéma hongrois (Lettres modernes, 1970). / Cinéma 72, numéro spécial (no 165, 1972).


L’art en Hongrie

Partie intégrante de l’empire de Rome, sous le nom de Pannonie, la Hongrie conserve des vestiges de l’art romain, notamment à Aquincum près de Budapest. Venu de la région de l’Oural, le peuple hongrois pratiquait dans ses longues migrations, depuis le ve s. av. J.-C., un art très riche de l’orfèvrerie, de style oriental : témoin le trésor d’or de Nagyszentmiklós, conservé au Kunsthistorisches Museum de Vienne.


Moyen Âge et Renaissance

Après le couronnement du premier roi de Hongrie, saint Étienne, l’art de ce pays s’inscrit résolument, au xie s., dans l’aire de la culture occidentale. Pendant les cinq siècles du Moyen Âge, une brillante civilisation chrétienne s’est développée, malheureusement ravagée d’abord, en 1241-42, par l’invasion mongole, puis détruite en majeure partie par l’occupation turque. Sauf quelques ruines et vestiges, il n’en subsiste guère de monuments que dans les régions périphériques, soustraites à l’invasion turque, l’actuelle Slovaquie et la Transylvanie, aujourd’hui unie à la Roumanie.

L’art roman, florissant pendant trois siècles, a créé d’importantes abbatiales, dont on a une idée par celles qui subsistent à Pécs, Ják, Zsámbék, Gyulafehérvár (auj. Alba-Iulia, en Roumanie), édifices à trois nefs, sans transept, avec de massives tours carrées. Influences d’abord lombarde et bavaroise, ensuite des ordres français, Cisterciens et Prémontrés ; riche décoration sculptée des portails, dont les fouilles d’Esztergom révèlent la haute qualité. Des arts décoratifs, il reste la chape du sacre des rois de Hongrie (1031), en soie brodée d’or sur fond pourpre, des pièces d’orfèvrerie, dont une série de très curieux aquamaniles conservés au Musée national hongrois de Budapest, des croix en émail champlevé.

L’art gothique s’est développé avec le règne de Louis Ier le Grand (1342-1382). Le plus important monument subsistant est la cathédrale de Kassa (auj. Košice, en Tchécoslovaquie), commencée vers 1380, avec chœur à déambulatoire. L’architecture civile a édifié des donjons et des châteaux forts à Visegrád et à Diósgyőr, des maisons bourgeoises aussi à Sopron et à Buda. La sculpture a produit des œuvres de haute qualité, dont les pièces capitales sont la grande statue équestre de saint Georges, à Prague, due à Martin et Georges de Kolozsvár, monumentale pièce de bronze marquant une date dans l’art européen (1373), le reliquaire en argent doré de saint Ladislas, à Győr (v. 1400), plusieurs statues en bois polychrome du xve s., de style onduleux et gracieux.

La peinture gothique, dont le chef-d’œuvre au xive s. est la Chronique illustrée du miniaturiste Miklós Meggyesi, connut une floraison remarquable de 1400 jusque vers 1550. Elle servait à décorer les retables, parfois de 10 m de haut (celui du maître-autel de Kassa avait 48 panneaux), particulièrement nombreux dans les églises de haute Hongrie. On distingue dans cette région trois écoles successives, celle des cités minières, celles de Kassa et du Szepesség (en tchèque Spiš). Art influencé par les régions voisines, mais d’une vigueur originale et harmonieuse. Les maîtres dominants sont Thomas de Kolozsvár, actif vers 1427, dont le style élancé et pur se rattache au gothique international, le Maître raffiné de la Madone à la rose de Kassa (musée des Beaux-Arts de Budapest) et, le plus grand, le Maître M. S., dont les six panneaux de l’autel de Selmecbánya (auj. Banska Štiavnica, en Tchécoslovaquie), partagés entre les musées d’Esztergom et de Budapest, attestent l’originalité, la subtilité lyrique et surtout le pathétique bouleversant.

La brillante cour du roi Mathias Corvin (1458-1490), à Budapest, fait succéder au gothique finissant (somptueux calvaire du roi, en or et matières précieuses, au trésor d’Esztergom) le style de la Renaissance italienne. Celui-ci s’impose dans les précieux manuscrits — dits « corvinas » — de la bibliothèque de ce souverain, qui fut l’une des plus riches du monde. Même influence italienne dans la sculpture (chapelle Bakócz d’Esztergom, 1507, et Madone Báthory, 1526, Musée national hongrois de Budapest) et dans l’architecture, par exemple au château de Frics (auj. Fričovce, en Tchécoslovaquie). L’échange d’artistes entre la Hongrie et l’Italie fut alors constant, et l’on connaît un peintre hongrois, Michele Pannonio, qui fit carrière à Ferrare.


xviiie siècle

La défaite de Mohács, en 1526, arrêta l’art hongrois pendant près de cent cinquante ans, et l’occupation turque fit des ravages incalculables dans la plaine hongroise. Quand le pays fut enfin libéré, la reconstruction se fit dans le nouveau style baroque. De nombreuses églises s’édifièrent, avec des tours à coupoles superposées (Sainte-Anne à Buda ; église universitaire à Nagyszombat [auj. Trnava, en Tchécoslovaquie] ; église des Franciscains à Eger ; église des Bénédictins à Győr, celle-ci avec un intérieur d’un luxe éclatant). Des palais d’un style classique fort élégant s’élevèrent dans tout le pays, à Pozsony (auj. Bratislava), Veszprém, Esterháza (auj. Fertőd), Gödöllő, avec colonnades, frontons, balustrades ornées de statues. Les sculpteurs vinrent surtout alors de Vienne, tel Georg Raphaël Donner (1693-1741). Les peintres aussi, bien qu’il y eût parmi eux quelques Hongrois de talent : le portraitiste Ádám Mányoki (1673-1756), Jakab Bogdány (v. 1660-1724), auteur de savoureuses natures mortes. Mais l’urbanisme, surtout, fut alors remarquable, et des villes entières ont conservé d’excellents ensembles du xviiie s. : Eger, Sopron, Székesfehérvár, où la taille de la pierre et l’art du fer forgé produisirent des chefs-d’œuvre. Il en fut de même des arts décoratifs, céramique, orfèvrerie, tissus, qui continuèrent à se développer dans les classes paysannes. Celles-ci, enrichies au xixe s., créèrent jusqu’en plein xxe s. un art populaire (meubles de bois peint, vêtements brodés, menus objets sculptés) qui est l’un des plus riches de toute l’Europe.