Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Hohenzollern (suite)

La branche franconienne, protestante, apparaît en 1191, quand l’empereur confie le comté de Nuremberg à un membre de cette famille. À partir du xive s., elle développe de manière systématique sa politique territoriale, et Frédéric V († 1398) devient prince d’Empire pour sa terre d’Ansbach. Mais la fortune de la dynastie est liée à l’acquisition de l’électorat de Brandebourg (1415). La Dispositio Achillea assure en 1473 l’indivisibilité de l’électorat et réserve les deux duchés franconiens d’Ansbach et de Bayreuth aux branches cadettes, clause qui restera en vigueur jusqu’à la fin du xviiie s. Ces duchés passent très tôt à la Réforme, et le margrave Joachim Ernest d’Ansbach (1603-1625) joue un rôle décisif dans la création de l’Union évangélique en 1608-1610.

Au Brandebourg*, les margraves pratiquent aux xve et xvie s. une politique d’extension territoriale, de reconquête de territoires perdus et de centralisation politique aux dépens des nobles et des villes. Mais leur politique de luxe ruine les finances publiques. Ils placent leurs cadets dans le haut clergé : ainsi, Albert (1490-1545) devient archevêque de Magdeburg (1513) et de Mayence (1514), puis cardinal (1518), et Albert de Brandebourg-Ansbach (1490-1568), grand maître de l’ordre Teutonique (1511). Celui-ci sécularise en 1525 les terres des chevaliers Teutoniques et crée ainsi une nouvelle branche régnante en Prusse, dont l’extinction aboutit en 1618 à l’annexion de la Prusse au Brandebourg. La Prusse voit se développer entre 1525 et 1660 le pouvoir des États et un luthéranisme rigide, qui éloigne le duché de plus en plus de la Pologne catholique voisine pour l’amarrer au protestantisme germanique. L’université de Königsberg connaît un grand éclat. Après 1618, malgré l’union personnelle avec le Brandebourg, la Prusse garde une position particulière, due à la force des États et à sa dépendance à l’égard de la Pologne, qui ne sera levée qu’en 1660, quand le traité d’Oliva accorde à la Prusse son indépendance, ce qui va entraîner une réduction progressive de son autonomie au profit de la centralisation pratiquée depuis Berlin.

Sur le plan religieux, la branche brandebourgeoise se caractérise par des fluctuations. Alors que Joachim Ier (1484-1535, Électeur de 1499 à 1535) reste un partisan convaincu de l’Église romaine, son fils Joachim II (1505-1571, Électeur de 1535 à 1571) se montre très timoré face à la Réforme, avant de devenir après 1555 un luthérien convaincu, au point que le Brandebourg tend à devenir un satellite de la Saxe. La Réforme permet aussi de substantiels gains territoriaux par la sécularisation de trois évêchés. Mais Jean Sigismond (1572-1619, Électeur de 1608 à 1619) embrasse le calvinisme, qu’il essaie en vain d’imposer en Prusse et au Brandebourg, où il suscite des troubles et ne crée que d’infimes minorités réformées.

Parallèlement à l’extension vers l’est s’opère en 1614 une première poussée en direction de l’ouest par l’acquisition des duchés de Clèves et de Mark, situés sur le Rhin. Durant la guerre de Trente* Ans, les margraves connaissent des situations difficiles et voient la plupart de leurs territoires dévastés par les armées et les épidémies, au point de sentir menacée l’existence même des territoires de la dynastie. Les traités de Westphalie (1648) apportent d’importants gains territoriaux : évêchés de Halberstadt et de Minden, Poméranie orientale et l’expectative de Magdeburg. Toutefois, malgré ce brusque accroissement territorial, les Hohenzollern ne sont encore maîtres que de domaines pauvres, dispersés, sans lien autre que dynastique et certains difficiles à défendre, s’étendant du Rhin au Niémen.

Frédéric-Guillaume (1620-1688), dit le Grand Électeur (1640-1688), s’efforce de transformer ces possessions hétérogènes en un grand État moderne. Brutal, mais intelligent, laborieux, tenace, c’est un souverain consciencieux qui ne connaît que la raison d’État. Il unifie l’administration de ses territoires, institue un gouvernement centralisé, crée des impôts permanents et constitue une armée solide de mercenaires disciplinés. Pour stimuler la vie économique et repeupler les campagnes, il entreprend de grands travaux de bonification et pratique une politique d’immigration, accueillant en particulier 20 000 huguenots au lendemain de la révocation de l’édit de Nantes. Sa politique extérieure est moins heureuse : malgré une victoire sur les Suédois à Fehrbellin (1675), qui révèle les qualités de la jeune armée prussienne, il ne peut acquérir la Poméranie occidentale. À deux reprises, il a tenté d’obtenir la couronne de Pologne.

Son fils Frédéric III (1657-1713), qui lui succède en 1688, très vaniteux, monnaie sa participation aux guerres de la ligue d’Augsbourg et de la Succession d’Espagne contre le titre royal que l’empereur Léopold Ier l’autorise à prendre en Prusse. Frédéric Ier — comme roi de Prusse — est solennellement couronné à Königsberg le 18 janvier 1701.


Les Hohenzollern souverains

Par le couronnement de 1701, la maison des Hohenzollern entre, bien que ce soit par une porte dérobée, dans la famille des rois. Il faudra cependant attendre patiemment que le nouveau rang soit reconnu généralement pour que les Hohenzollern se hissent au niveau des Welfes, qui deviendront rois d’Angleterre, et des Wettin, devenus rois de Pologne. Si, aux yeux de certains, la Prusse peut passer pour une terre germanique, cette région reste hors des frontières du Saint Empire. Les Hohenzollern savent profiter de la confusion qui s’instaure ainsi, mais ils restent, aux yeux d’un grand nombre, des étrangers dans la mesure où la Prusse, en tant que concept géographique et historique, paraît se situer hors des limites, très floues d’ailleurs, du monde proprement germanique.

Parallèlement à la ligne principale et « royale », les lignes de Souabe et de Franconie subsistent pendant un laps de temps relativement important, surtout en ce qui concerne les Souabes. Deux rameaux de la branche principale se maintiennent moins longtemps : celui de Schwedt (jusqu’en 1788) et celui de Sonnenburg (jusqu’en 1744).