Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
H

Himālaya (suite)

Cette diversité ethnique est la cause fondamentale du partage des pays himalayens entre plusieurs aires de civilisation. Mais il faut aussi tenir compte des facteurs d’isolement : la barrière glacée des hautes montagnes en Asie centrale ; la forêt impénétrable de l’Assam et celle du terai (tarāi), qui frange les Siwālik de l’Himālaya central. Les Tibétains ont imposé leur civilisation, caractérisée par un certain type d’économie, mais aussi par le bouddhisme lamaïque, dans toutes les régions d’étage froid, depuis le Ladakh jusqu’à l’Himālaya de l’Assam. Mais le bouddhisme s’est répandu dans plusieurs régions plus basses, notamment au Népal ; il domine le Sikkim et le Bhoutan. Les populations d’origine indienne ont fait prévaloir la culture hindoue, avec la société organisée en castes, au Népal et dans une grande partie de l’Himālaya occidendal (Kumāon, Garhwāl, Himāchal Pradesh), au-dessous de 2 000 m d’altitude. Cependant l’islām s’est imposé dans les régions les plus occidentales de l’Himālaya (Pendjab, Cachemire) et de la zone transhimalayenne (Dārdistān, Baltistān). Quant à l’animisme primitif, il ne s’est guère maintenu que dans l’aire isolée de l’Himālaya assamais.

Le découpage politique ne tient aucun compte de la carte ethnique ou culturelle. Le Tibet, en effet, est loin d’englober l’ensemble des populations de race et de culture tibétaines. L’Inde, qui doit ses frontières à l’expansion de la puissance britannique, occupe une partie de l’Himālaya hindou (à l’ouest du Népal), mais aussi des territoires de culture tibétaine (Ladakh, Lahoul, Spiti), un territoire musulman (Cachemire) et l’aire animiste de l’Assam. Des États himalayens ont pu conserver soit l’indépendance (Népal), soit une autonomie contrôlée par l’Inde (Sikkim, Bhoutan). Cette situation fut ou est encore à l’origine de contestations frontalières : le Pākistān, occupant la plupart des territoires musulmans, n’a pas reconnu l’occupation du Cachemire par l’Inde ; la Chine, qui contrôle le Tibet depuis 1950, ne reconnaît pas la frontière appelée « ligne McMahon », établie par un accord anglo-chinois de 1914 qui n’a jamais été ratifié par le gouvernement chinois.


L’économie

L’étagement joue un rôle capital dans la différenciation des types d’économie. C’est vers l’altitude de 2 000-2 500 m que se situe la transition entre deux milieux dont l’écologie et la vie économique diffèrent radicalement.

Au-dessous de ce niveau règnent des climats tempérés chauds, et même tropicaux au-dessous de 1 000 m, dans lesquels l’absence d’hiver froid permet de faire deux récoltes annuelles. C’est l’étage à population dense, où de gros villages font de l’agriculture sur des versants aménagés en terrasse ou sur les hautes plaines du Cachemire et du Népal. Le riz est la culture dominante d’été ; mais il est souvent supplanté par le maïs, qui exige moins d’eau. L’hiver, on peut cultiver des plantes comme le blé, la pomme de terre. L’élevage est peu important, sauf dans quelques tribus pastorales qui transhument à travers l’Himālaya occidental. Certaines régions, toutefois, ont des types d’agriculture particuliers, notamment les oasis des pays arides (Dārdistān, Baltistān, Kohistān) et l’aire assamaise d’agriculture sur brûlis.

Au-dessus de 2 500 m, on observe généralement un certain vide démographique et économique, correspondant aux crêtes boisées du Moyen Himālaya. C’est au-dessus de 3 000 m, dans l’étage à hiver froid, que s’impose l’économie de type tibétain. Les villages sont plus clairsemés, exploitant de rares terres arables sur les fonds de vallée. Le climat ne permet qu’une seule récolte par an : blé, orge, sarrasin, pommes de terre, cultures qui s’élèvent plus ou moins haut selon les régions. Bien que l’orge et la pomme de terre puissent se cultiver jusque vers 4 500 m, l’étage agricole se limite pratiquement à 3 500 m. Au-dessus, s’étend un étage pastoral : des groupes tibétains, qui transhument en été jusqu’aux approches de 5 000 m, vivent exclusivement d’activités pastorales (élevage de moutons, chèvres, yacks).

En raison de l’isolement, les villages himalayens pratiquent surtout des cultures vivrières et vivent en autarcie. Il y a cependant des courants d’échanges continus, soit par portage humain (surtout dans l’étage inférieur à 2 500 m), soit par animaux de bât, mulets, yacks (surtout dans l’étage tibétain), ou encore en utilisant les troupeaux de chèvres et de moutons qui font leur transhumance en portant des bissacs. Une grande partie du commerce est assumée par les paysans eux-mêmes, qui fréquentent les bazars. Aussi la circulation est-elle assez active sur les chemins de montagne. Elle s’organise de plus en plus sur des routes modernes, fréquentées par les camions et les autobus, qui relient les principaux centres à la plaine Indo-Gangétique. Ce trafic nouveau s’est développé au détriment de l’ancien trafic qui reliait le Tibet aux régions du Moyen Himālaya à travers la Grande Chaîne, l’occupation du Tibet par la Chine ayant interrompu ces relations traditionnelles.

Les progrès de la circulation et du commerce favorisent le développement des villes. Parmi celles-ci, les plus importantes restent les capitales traditionnelles : Katmandou, capitale du Népal ; Srinagar, capitale du Cachemire, seul centre industriel important. Plusieurs stations d’altitude, créées par les Britanniques, ont ajouté à leur attrait touristique des activités commerciales et culturelles ; c’est le cas notamment de Darjīling et de Simla. Mais les villes situées au contact de la plaine et de la montagne se développent plus que les bourgades difficilement accessibles de la montagne ; c’est le cas de Hardwār, au débouché du Gange, Dehra Dūn et Kāngra, dans les vallées des Siwālik. La plupart des régions restent cependant à l’écart de la vie économique moderne (en exceptant les plantations de thé du Bengale, le barrage de Bhakra-Nangal sur la Satlej et quelques centres exportateurs). Ce sont essentiellement les considérations stratégiques qui poussent l’Inde, le Pākistān et la Chine à doter les pays himalayens d’un réseau de communications qu’ils n’avaient jamais eu.

J. D.

➙ Alpinisme / Bhoutan / Cachemire / Chine / Inde / Népal / Pākistān / Sikkim / Tibet.