Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
H

Himālaya (suite)

• Les mouvements postmiocènes. On admet que des mouvements tangentiels des socles (rapprochement du continent asiatique et du subcontinent indien), ajoutant leurs effets à ceux du diastrophisme local, contribuent à porter l’Himālaya à son niveau actuel au cours du Pliocène et du Pléistocène. La dalle tibétaine, qui est soulevée en se disloquant, atteint environ 5 000 m au Pliocène. Les Siwālik, avant-monts méridionaux, constitués par les matériaux détritiques accumulés dans la mer Gangétique, se soulèvent au cours du Pléistocène dans un mouvement qui se poursuit encore.

Cette orogenèse explique la disposition zonale du relief. Du sud au nord, on rencontre les éléments suivants :

• Les Siwālik ou chaînes préhimalayennes, crêtes étroites et basses, très érodées, formées de grès, argiles, sables et conglomérats, encadrant de larges vallées appelées dūn. La largeur de cette zone varie de 10 à 50 km, et l’altitude de 600 à 1 000 m en général.

• Le Moyen Himālaya, zone de nappes de charriages, au relief escarpé, formée de matériaux anciens divers. Très démantelées, ces montagnes atteignent environ 3 000 m et ne dépassent 4 000 m que dans l’Himālaya occidental.

Les nappes se chevauchent dans une grande complexité. On distingue : les nappes inférieures (de Nawakot au Népal, de Krol au Garhwāl) ; les nappes supérieures (de Katmandou au Népal, du Daling au Sikkim, du Garhwal, de Jutogh dans les pays de la Satlej [Sutlej], du Cachemire).

• Le Grand Himālaya, qui appartient au domaine tectonique des nappes, se situe plus ou moins dans la région de leurs racines. Il est l’axe le plus élevé des chaînes, dépassant généralement 6 000 m, avec un certain nombre de sommets au-dessus de 8 000 m.

• La zone transhimalayenne est formée de sédiments marins soulevés à haute altitude. Au Tibet, c’est la structure de la dalle tibétaine, donnant un haut plateau (entre 4 100 et 4 800 m autour du lac Mānasarovar), aux vallonnements monotones ; la chaîne du Zāskār (environ 6 000 m) s’accole au Grand Himālaya ; plus au nord, la chaîne du Kailās (env. 6 000 m) se développe parallèlement à l’Himālaya. Dans les régions occidentales, les hauts plateaux disparaissent, la masse montagneuse du Karakorum (qui culmine au K2, 8 611 m, deuxième sommet du monde) se trouvant rapprochée du Grand Himālaya.

La ligne principale de partage des eaux ne coïncide avec les crêtes du Grand Himālaya que dans la partie occidentale (à l’ouest de la Satlej et de la Spiti). Ailleurs, elle est formée par des alignements montagneux transhimalayens, notamment la chaîne du Ladakh, dont la surrection fut antérieure à celle du Grand Himālaya. Les eaux qui s’écoulent au nord de cette ligne se rassemblent dans les deux gouttières du haut Indus et du Zangbo (Tsang-Po) [cours supérieur du Brahmapoutre]. Au sud de la ligne de partage, les cours d’eau ne peuvent gagner l’océan qu’en traversant l’ensemble des chaînes himalayennes ; leur tracé étant antérieur au soulèvement de celles-ci, ils se sont enfoncés dans la masse montagneuse, creusant des gorges épigéniques gigantesques qui sont une caractéristique de l’hydrographie himalayenne.


Le milieu bioclimatique

Situés entre 27° et 35° de lat. N., les pays himalayens (y compris le Karakorum) sont soumis dans leur majeure partie à des conditions tropicales. Mais la position géographique introduit de grands contrastes régionaux dans cet ensemble, et l’étagement détermine, dans chaque région, une série climatique allant des conditions tropicales aux conditions de la haute montagne.

• L’Himālaya oriental (du Népal oriental à l’Assam) appartient à l’aire la plus humide des pays de mousson (3 160 mm de précipitations à Darjīling, à 2 100 m d’altitude). La saison sèche (hiver) est courte.

Au-dessous de 1 000 m domine une forêt de sāl (Shorea robusta), très humide, et, à l’est de 91° de longitude, dans les régions où la saison sèche devient insignifiante, la forêt tropicale dense à Dipterocarpus. L’étage montagnard est caractérisé par la présence d’une « forêt de brouillard », toujours verte, qui s’élève jusqu’à 3 900 m environ.

• L’Himālaya central (du Népal central au Garhwāl) appartient à l’aire des pays de mousson à saison sèche marquée (1 m de pluies à Ranikhet, vers 1 900 m d’altitude). Une forêt de sāl à feuilles caduques couvre les basses pentes au-dessous de 1 000 m. Un étage tempéré chaud (entre 1 000 et 2 000 m) est caractérisé par les forêts de pins chīr (Pinus longifolia) ou de feuillus comme les châtaigniers orientaux (Castanopsis indica). Un étage froid lui succède au-dessus de 2 000 m, avec des arbres à feuilles caduques et, dans la partie supérieure, divers conifères et des bouleaux.

• L’Himālaya occidental a un climat plus sec, dans lequel les pluies de mousson s’atténuent, tandis que prédominent des précipitations de caractère méditerranéen (hiver et printemps), ce qui donne à la végétation un aspect très différent : forêts xérophiles très dégradées sur les basses pentes, forêts de pins bleus (Pinus excelsa) au-dessus de 1 000 m, de cèdres (Cedrus deodora) au-dessus de 2 000 m et enfin de conifères variés et de bouleaux.

• La zone transhimalayenne, au sol riche, est une région de steppes (Artemisia maritima, Caragana spinosa), les forêts ne s’y développant qu’au-dessus de 3 000 m. L’étage alpin des prairies apparaît, dans la plus grande partie de l’Himālaya, au-dessus de 3 900 m (3 600 m dans l’Himālaya occidental). On rencontre les neiges permanentes, plus ou moins haut, aux environs de 5 000 m. Les glaciers descendent peu au-dessous de la limite des neiges permanentes, sauf ceux du Karakorum, alimentés par des précipitations d’hiver.


Peuplement et civilisation

Dans la préhistoire, l’Himālaya a été occupé tardivement, sauf sur les basses terrasses des Siwālik (terrasses de la Soān au Pendjab). C’est seulement au Néolithique que l’on constate l’occupation des hauts plateaux tibétains, des hautes plaines du Népal et du Cachemire. Le peuplement semble avoir une triple origine. Du Tibet, d’abord, sont venus des nomades, qui ont évolué vers une forme de vie sédentaire adaptée à la haute montagne ; les populations d’origine tibétaine (comme les Sherpas du massif de l’Everest) vivent généralement au-dessus de 3 000 m, mais ont occupé parfois des régions plus basses en adoptant une économie d’étage chaud, tels les Bhoutanais et les Newārs du bassin de Katmandou. De l’Extrême-Orient, ensuite, sont venues diverses populations mongoloïdes qui se sont répandues depuis l’Assam jusqu’au Népal, en occupant l’étage chaud au-dessous de 2 500 m. De l’Inde sont venues probablement les anciennes populations à peau foncée, comme les Doms du Kumāon ; mais ces occupants ont été asservis par des immigrants plus tardifs, appartenant à diverses castes hindoues, qui ont occupé le Népal et l’Himālaya occidental. Enfin des groupes du Moyen-Orient, de race blanche, ont pénétré dans l’Himālaya occidental.