Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
H

hébraïque (musique) (suite)

En Europe occidentale, l’émancipation et l’assimilation de plus en plus fréquente de formes musicales empruntées à la musique savante conduisent à une dépersonnalisation de la musique juive. En Europe orientale, on assiste en revanche, dès le milieu du xviiie s., à l’éclosion d’un nouveau chant religieux populaire, le chant hassidique, qui, bien que tributaire d’influences étrangères, slaves notamment, présente une personnalité propre. Le hassidisme, mouvement religieux mystique, réserve une place importante à la musique. Pour approcher Dieu, il faut atteindre « la joie », et c’est grâce à la mélodie (le niggoun) que l’on y accédera par phases successives.

« Apercevant un jour un vieillard qui, visiblement, ne comprenait rien à son sermon, Rabbi Zalman Chnéour de Ladi s’approcha de lui et lui dit : « Peut-être tout ce que je viens de dire n’est-il pas très clair, mais écoute ce que je vais te chanter, et tu sauras comment t’attacher à Dieu ». Et Rabbi Zalman Chnéour se mit à psalmodier une mélodie sans paroles, et le cœur de chacun sentait dans la musique frémir la Torah, vibrer l’amour de Dieu et toute la foi de l’homme. » (Texte hassidique, xixe s.)

Cette musique hassidique a eu de nos jours une certaine influence sur les œuvres de compositeurs juifs, en particulier aux États-Unis.

Avec le regroupement de juifs venus de tous les pays de la Diaspora en Israël, on assiste aujourd’hui à l’éclosion d’une musique savante originale. Certains compositeurs israéliens s’inspirent plus particulièrement des thèmes et des modes appartenant à la tradition orale des communautés orientales.

S. A.

 A. Z. Idelsohn, Hebräisch-orientalischer Melodienschatz (Jérusalem, Leipzig et Vienne, 1914-1932 ; 10 vol.). / A. Sendrey, Bibliography of Jewish Music (New York, 1951). / E. Werner, The Sacred Bridge (New York, 1959). / P. Gradenwitz, Die Musikgeschichte Israels (Kassel, 1961). / I. Adler, la Pratique musicale savante dans quelques communautés juives en Europe aux xviie et xviiie siècles (Mouton, 1966 ; 2 vol.).

Hébreux

Peuple de l’Orient ancien.



À l’aube de l’histoire : les traditions patriarcales

Pour les Israélites, leur histoire commence avec Abraham*, l’ancêtre du peuple hébreu. Pour l’historien, le point de départ de l’histoire ancienne d’Israël se place à l’époque où les Hébreux établis en Canaan sont devenus une nation. Néanmoins, il est légitime de se demander, au nom même de l’histoire, d’où vient ce peuple et comment il s’est formé. À cette question, les Hébreux donnaient la réponse qu’ils trouvaient dans leurs antiques traditions. Le seul problème est de savoir quel crédit l’historien peut accorder à ces vieux récits.

La lecture de ces textes appelle deux remarques.
— Ils sont une histoire populaire qui se plaît aux anecdotes et aux traits de mœurs pittoresques, sans souci de se rattacher aux grands faits de l’histoire générale. Les points de repère sont les événements majeurs du clan ou de la famille : naissance, mariage, mort.
— Ils sont aussi et surtout une histoire religieuse. Les faits sont rapportés moins pour leur valeur historique que pour leur signification théologique. Deux idées sous-tendent la rédaction de ces récits : tout ce qui arrive est l’effet de l’action directe de Dieu ; le peuple d’Israël a été choisi par Dieu, et ce choix fait du peuple élu un peuple à part.


La présentation des anciennes traditions

L’histoire patriarcale s’organise autour de trois grands noms, Abraham, Isaac et Jacob, mais il paraît bien qu’il n’y a que deux cycles de narration, celui d’Abraham et celui de Jacob, qui introduit aux événements de la sortie d’Égypte. Isaac ne joue qu’un rôle mineur : son histoire est incluse dans celle de son père Abraham et il n’a qu’une seconde place dans les récits concernant ses deux fils, Esaü et Jacob.

Entre 2000 et 1750, des tribus semi-nomades venant du désert syro-arabe et de la Mésopotamie pénètrent en Canaan. L’origine des Hébreux est à chercher parmi ces hommes du désert. Selon la Bible, Abraham, originaire de Mésopotamie, descend par la Syrie en Palestine. Dans cette région, le clan mène une vie de pasteurs errants, allant de place en place à la recherche de pâturages pour leurs troupeaux. Les pérégrinations se situent à la limite des terres cultivables habitées par les Cananéens, là où les pluies sont suffisantes et les points d’eau assez rapprochés.

Après Abraham, son fils Isaac mène dans le Sud palestinien une vie plus sédentaire.

Le second cycle de la vie des patriarches commence avec l’histoire des deux fils d’Isaac, Jacob et Esaü. Jacob est présenté comme un homme astucieux, qui souffle à Esaü son droit d’aînesse. À travers les démêlés des deux frères rivaux, on distingue deux types sociaux : Jacob, le pasteur tranquille qui réussit grâce à son habileté ; Esaü, le nomade chasseur, vivant des produits de sa chasse ou, pour compléter, du butin enlevé au cours de quelque razzia. Jacob, après avoir repris quelques années la vie nomade en Mésopotamie, au pays des ancêtres de la famille, chez son beau-père Laban, retourne dans le Sud palestinien, riche de nombreux troupeaux, de deux épouses et de plusieurs enfants.

C’est là que finit l’histoire de Jacob et que commence celle d’un de ses fils, Joseph, qui rattache les cycles patriarcaux à l’autre grand volet des traditions nationales auquel elle appartient : le séjour en Égypte.

Si l’on pense qu’Israël quitta l’Égypte sous la conduite de Moïse au xiiie s. av. J.-C. et qu’Abraham a pu vivre vers le milieu du xixe s., on comprend que les traditions bibliques sur l’époque patriarcale ne peuvent être que la schématisation d’une histoire qui a dû être plus complexe. D’Abraham à la sortie d’Égypte, la Bible parle de six générations. Mais six générations peuvent recouvrir difficilement six siècles.


Histoire ou histoires ?

Ces récits sont-ils de l’histoire ou des histoires ? Le fait qu’ils furent mis en forme à une époque où Israël était devenu une nation et que les auteurs ont vu le passé en fonction de leurs idées politiques ou religieuses ne saurait a priori enlever à ces récits toute valeur historique. Nul ne contestera que ces vieilles traditions ont charrié, en se transmettant au cours des années, des éléments légendaires ou mythiques. Le temps est passé où un historien qui se voulait sérieux et dégagé de « préjugés » religieux ne voyait dans ces pages que de « pieuses affabulations où la geste de l’ancêtre préfigurait l’histoire du peuple et justifiait ses prétentions ».