Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
H

Hattéria (suite)

Biologie

Malgré les rigueurs du climat, qui est tempéré frais, ces animaux restent actifs toute l’année. Le climat froid explique peut-être les lenteurs de la croissance : on estime qu’un Sphenodon n’est sexuellement mature que vers l’âge de vingt ans, et sa longévité doit approcher le siècle, ce qui est considérable pour un animal de cette taille.

On connaît mal la reproduction de l’Hattéria ; l’accouplement a lieu au printemps austral, en octobre, et se fait par simple rapprochement des cloaques. Ce n’est qu’un an plus tard que la femelle pond ses œufs : il y a donc fécondation différée. La ponte comporte une douzaine d’œufs à enveloppe parcheminée, assez gros (2 cm environ). Les œufs sont déposés dans un terrier creusé dans le sol, plus ou moins profondément, et y séjournent quinze mois avant d’éclore. C’est là un temps d’incubation exceptionnellement long, qui mériterait une étude précise : malheureusement (mais heureusement pour leur survie), ces Reptiles vivent sur des îlots d’accès très difficile. Les essais de survie en captivité n’ont pas été couronnés de succès.

Les Hattérias sont nocturnes et surtout insectivores. Ils vivent dans des terriers, qu’ils creusent eux-mêmes ou qu’ils empruntent à des Oiseaux marins, les Pétrels, avec lesquels ils vivent en bonne intelligence. Leur nutrition est l’aboutissement d’une chaîne alimentaire complexe : les eaux qui baignent la Nouvelle-Zélande, riches en plancton, nourrissent de nombreux Poissons, dont les Pétrels font leur nourriture. Ces derniers nichent dans les falaises, qu’ils perforent en tous sens de leurs terriers. Ils accumulent ainsi un guano considérable, aux dépens duquel prospèrent des nuées d’Insectes, dont les Hattérias, enfin, se nourrissent eux-mêmes. C’est là un équilibre fragile, qu’a failli rompre l’introduction de Moutons et de Chèvres sur ces îles. Il a fallu exterminer ces ruminants pour que l’Hattéria soit effectivement protégé et puisse prospérer, à l’abri de toute concurrence.

À l’unique espèce actuelle, Sphenodon punctatus, les paléontologistes font correspondre l’ordre des Rhynchocéphales, qui comprend quatre sous-ordres et une dizaine de familles.

R. B.

 A. Bellairs, The Life of Reptiles (Londres, 1970 ; 2 vol.). / L. Ginsburg, « Reptiles fossiles. Rhynchocephalia », dans Traité de zoologie, sous la dir. de P.-P. Grassé, t. XIV, fasc. 2 (Masson, 1970). / J. Guibé, « Reptiles actuels. Rhynchocephalia », dans Traité de zoologie, sous la dir. de P.-P. Grassé, t. XIV, fasc. 2 (Masson, 1970).

Hauptmann (Gerhart)

Auteur dramatique allemand (Obersalzbrunn 1862 - Agnetendorf 1946).


Il est né en Silésie, dans un hôtel que tenait son père ; son grand-père était tisserand. Sa mère venait d’une famille piétiste. Il commença très jeune à faire des vers au lieu de suivre les cours du collège, qu’il abandonna dès quatorze ans. Il a raconté dans les Aventures de ma jeunesse (Abenteuer einer Jugend) les métiers, les lectures, les fugues de ses jeunes années, partagées entre la violence des passions et un penchant toujours renaissant à la rêverie. L’attrait de la méditation et la tentation du monde se combattront en lui sa vie durant.

Il devint célèbre en une soirée, celle du 20 octobre 1889, où fut donné pour la première fois Avant le lever du soleil (Vor Sonnenaufgang). Ce « drame social », comme dit le sous-titre, a pour cadre une famille de paysans enrichis : deux générations d’alcooliques avec, faisant exception, une fille élevée chez les piétistes de Herrnhut. L’ingénieur Loth, venu étudier la vie des travailleurs, qui travaillent justement pour les entreprises de la famille, s’éprend d’Hélène ; mais il renonce à elle quand il voit à quel monde elle est, malgré elle, attachée. À la dernière scène, elle se suicide. Que le jeune Hauptmann ait recueilli la leçon d’Ibsen* ne fait pas de doute, mais il apportait aussi l’expérience de sa jeunesse et un ton pathétique, une capacité égale à faire parler la brute et l’âme la plus délicate chacune son vrai langage. Drame naturaliste ou, du moins, dont les scènes sont tirées de la vie contemporaine et d’une observation précise. La transformation de la société par l’industrie, les problèmes moraux qui en découlent, les conflits — déjà pressentis par Ibsen — entre philanthropie et esprit de possession, tout cela fait une pièce hautement représentative de son temps.

Trois ans plus tard, en 1892, les Tisserands (Die Weber) confirmaient la réputation de Hauptmann par leurs dialogues pathétiques, sombres, criants de vérité : la vie des tisserands silésiens, évoquée à partir de la peinture de la révolte de 1844, était montrée dans toute sa dureté, mais aussi la volonté affirmée de ne pas supporter toujours la misère séculaire.

En même temps, une autre veine, plus secrète, affleurait, celle du conte, de la légende avec ses touchantes figures symboliques : dans Hanneles Himmelsfahrt (l’Ascension de Hannele, 1893) aussi bien que dans Und Pippa tanzt (1906), une jeune fille rêveuse et malheureuse, dans un milieu dégradé ou débauché, incarne l’aspiration vers autre chose, voire vers une transcendance. Avec Die versunkene Glocke (la Cloche au fond des eaux, 1896), le contraste était devenu si fort que l’auteur, avec ses pièces « naturalistes », fut accusé de se renier.

Son talent multiple, son sens instinctif de la vie passaient outre, allègrement, comme le montrent deux comédies : College Crampton (1892) et Der Biberpelz (le Manteau de castor, 1893). La seconde est si réussie qu’elle demeure au répertoire : les petits-bourgeois de Berlin n’ont jamais été mieux représentés.

Viennent ensuite des pièces historiques comme Florian Geyer (1896) et Rose Bernd (1903), puis un « mystère », Der arme Heinrich (le Pauvre Henri, 1902) et, de nouveau, une « tragicomédie » noire, Die Ratten (les Rats, 1911). Deux grands romans contrastés à la manière de Nietzsche, car on y retrouve quelque chose comme l’opposition entre l’aspiration apollinienne à l’esprit pur et l’ivresse dionysiaque, confirment que l’auteur puise à des sources diverses et maîtrise tous les registres de l’écriture : le premier, le Fou de Dieu Emmanuel Quint (Der Narr in Christo Emanuel Quint), est de 1910 ; le second, l’Hérétique de Soana (Der Ketzer von Soana), écrit entre 1911 et 1917, a été publié en 1918.

Prix Nobel de littérature en 1912, Hauptmann connut la célébrité mondiale quand l’Allemagne wilhelmienne était au faîte de sa prospérité et de sa puissance.

La seconde partie de sa carrière fait de lui une valeur établie et reconnue de la république de Weimar. Hauptmann connaît le Reich hitlérien un peu comme Goethe, du haut de son Olympe, avait jugé la guerre de libération de 1813.