Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

Guinée (suite)

Au xixe s., les almamis répriment, non sans peine, la violente révolution sociale des Houbbous, et c’est une société divisée, affaiblie par de nombreux mécontents, qui affronte la colonisation à la fin du siècle. Malgré la mort héroïque de l’almami Bokar Biro, elle s’effondre presque sans combat en 1896. Alfa Yaya, qui commande le Labé, dans le nord du pays, essaye alors de collaborer avec les Français, mais il est déposé et déporté un peu plus tard (1911).


La colonisation

Fréquentée par les Portugais dès le xve s., cette côte ne devient notable pour la traite des Noirs qu’au xviiie s., sans jamais atteindre à l’importance des pays du golfe de Guinée.

En 1787, les Britanniques installent une colonie de Noirs libérés à Freetown, et l’influence de la Sierra Leone va s’étendre à toute la région. Après 1815, alors que la croisière britannique donne la chasse aux négriers, le caractère difficile des « Rivières » en fait l’un des sites préférés de la traite clandestine. Celle-ci s’éteint seulement en 1861, avec la guerre de Sécession. Beaucoup de familles métisses apparaissent alors en pays soussou, où elles jouent un rôle politique considérable, bien que le christianisme les distingue des musulmans venus du haut Niger.

Depuis la fin de la traite, le commerce européen est en quête de produits légitimes, et le riz de basse Guinée approvisionne la Sierra Leone, qui la domine économiquement. Vers le milieu du siècle apparaît le commerce du Sénégal, qui favorise la culture de l’arachide. Les postes français de Boké, de Boffa et de Benty sont installés en 1866-67.

À la fin du siècle, pendant la poussée impérialiste, la France s’impose. En 1882, les Rivières du Sud reçoivent leur autonomie dans le cadre du Sénégal, et, en 1893, est constituée la colonie de la Guinée française. Avec Eugène Ballay (1847-1902), son premier gouverneur, la capitale, Konakry (l’orthographe Conakry n’apparaît qu’en 1900), s’urbanise et devient un port important, affranchi des servitudes de Freetown. La Guinée est englobée dans le gouvernement général de l’A.-O. F. en 1895 et trouve son assiette territoriale définitive en 1900, par l’annexion du haut Niger, pris au Soudan français, et en 1904, quand l’archipel de Los est cédé par l’Angleterre à la France.

Après un départ prometteur au début du xxe s., fondé sur la prospérité éphémère du caoutchouc de cueillette, la Guinée coloniale ne connaît qu’un développement assez lent jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. L’équipement du port de Conakry est médiocre, et le chemin de fer du Niger, qui atteint Kankan dès 1913, est d’un faible rendement en raison de son parcours montagneux. Les plantations de bananiers et d’ananas se développent cependant en basse Guinée, ainsi que les caféiers dans la zone forestière, dont l’éloignement restreindra cependant l’importance. La vie politique est pratiquement inexistante, et la différenciation sociale est faible, bien que le chemin de fer et le port créent un noyau de prolétariat. La hiérarchie traditionnelle du Fouta-Djalon reste forte, soutenue par l’autorité française, qui s’en sert comme instrument de domination. Les Peuls montrent pourtant de remarquables aptitudes intellectuelles dans le cadre du système scolaire colonial, ce qui leur permet d’occuper des positions importantes dans la fonction politique. Favorisés par le voisinage de Conakry, les Soussous leur font, dans une certaine mesure, concurrence, ce qui renforce un vieil antagonisme ethnique, tandis que les Malinkés réussissent surtout comme auxiliaires du commerce européen.

Après la Seconde Guerre mondiale, l’économie et, par voie de conséquence, la société vont se transformer très vite grâce à la mise en valeur des grandes richesses minières du pays, à laquelle se consacre de 1948 à 1954 le gouverneur Roland Pré. L’exploitation du fer (minière de Conakry) commence en 1953, et celle de la bauxite en 1958 (îles de Los).

La lutte pour la décolonisation va s’engager assez lentement en Guinée. Le Rassemblement démocratique africain (R. D. A.) y est d’abord peu puissant, éclipsé par des groupes de tendance loyaliste qui monopolisent la représentation parlementaire en France. Au départ, la résistance se manifestera surtout dans le cadre des syndicats d’ouvriers ou de fonctionnaires et dans la ville de Conakry, où de grandes grèves prendront un sens politique. C’est là qu’un syndicaliste malinké à forte personnalité, Sékou Touré (né en 1922), réussit à s’imposer comme leader. En 1952, il devient secrétaire du parti démocrate de Guinée (affilié au R. D. A.) et donne aussitôt à son action un dynamisme nouveau. La lutte vise non seulement le patronat colonial, mais aussi la chefferie coutumière, jugée complice des Français, surtout dans le Fouta-Djalon, où, pour des raisons en partie ethniques, le parti a du mal à s’imposer. Ce dernier triomphera à Conakry et en pays soussou, puis à Kankan, chez les Malinkés, beaucoup moins nettement en forêt.

Son chef, qui témoigne d’un véritable pouvoir charismatique, devient maire de Conakry en 1955, député à l’Assemblée nationale française l’année suivante, puis vice-président du Conseil du gouvernement en 1957, selon la formule de la loi-cadre. À ce moment, les opposants sont réduits au silence, parfois non sans violence. La hiérarchie du Fouta-Djalon se trouve démantelée.

Le 28 septembre 1958, seule de l’Afrique francophone, la Guinée vote « non » au référendum, optant ainsi pour l’indépendance immédiate (proclamée le 2 octobre). Ce geste mémorable inspirera une grande fierté aux Guinéens, dont il fonde le sentiment national. Il est certain que ses répercussions furent considérables : cette dissidence empêcha le maintien de l’ancien Empire français dans le cadre plus ou moins fédéral de la « Communauté » et poussa à une prompte indépendance, en dépit de leurs hésitation, les États de l’Ouest africain.