Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

Guinée (suite)

Une indépendance difficile

Malgré sa formation de syndicaliste, Sékou Touré est beaucoup plus un nationaliste qu’un socialiste, et l’orientation qu’il donne à la révolution guinéenne vise avant tout à la reconquête de la dignité africaine bafouée par l’ère coloniale. Il en résulte une lignée volontariste, parfois sinueuse et dont les résultats seront souvent décevants. Aucun État ne suivant la même voie, sauf le Ghāna et le Mali, avec lesquels une union théorique et éphémère est bientôt conclue, l’action de ce panafricanisme aboutit surtout à isoler la Guinée de ses voisins. La vigueur et l’originalité de son mouvement font d’ailleurs naître chez ses compatriotes un puissant micronationalisme. Les exigences du développement qui obsèdent le tiers monde sont, ici, constamment subordonnées à celles d’une fierté sourcilleuse.

Celle-ci est mise à une rude épreuve, la volonté de Sékou Touré de collaborer avec la France, en dépit du « non », s’étant heurtée à un refus méprisant, dû en partie aux pressions de la Côte-d’Ivoire. Dès septembre 1958, les fonctionnaires français sont rappelés en masse, créant un vide dangereux pour l’Administration guinéenne. Les États-Unis se tenant sur l’expectative pour ne pas déplaire à Paris, c’est vers l’U. R. S. S., les pays de l’Est et la Chine que se tourne alors la Guinée pour obtenir l’aide technique et financière nécessaire. Ce choix est conforme à une volonté d’indépendance absolue, autant qu’à une option anti-impérialiste, seule digne de l’Afrique selon Sékou Touré. Mais cette aide n’est pas désintéressée. La propagande menée par l’ambassadeur soviétique et les encouragements de ce dernier aux éléments commerçants entraînent son expulsion et l’arrestation de ses amis en décembre 1961. Pour garder sa liberté de manœuvre, Sékou Touré se rapproche alors de la Chine et surtout des États-Unis, qui renoncent à leur réserve et deviennent dès 1969 les premiers fournisseurs et les seconds clients de la Guinée. Cette situation dure jusqu’à la crise provoquée en novembre 1970 par l’échec d’un débarquement d’exilés guinéens, armés en partie par le Portugal.

Cette nouvelle orientation n’a pas fait dévier au niveau des principes la politique internationale, qui reste orientée par la lutte contre l’impérialisme et pour l’Unité africaine. L’union avec le Ghāna et le Mali étant restée fictive, la Guinée a, du moins, participé activement à l’Organisation de l’unité africaine, où elle a soutenu, jusqu’à sa chute, la tendance de Nkrumah, qui a trouvé en 1966 asile à Conakry. Malgré ses mauvaises relations avec ses voisins, elle a aussi participé, du moins de 1967 à 1970, à l’organisation des États riverains du Sénégal, mais il s’agit là d’une concertation périodique, pauvre en organismes permanents, et non d’une fédération. Par ailleurs, dès 1963, Sékou Touré a donné tout son appui aux guérillas antiportugaises de la Guinée portugaise, qui lui sont en partie redevables de leur remarquable efficacité. On comprend moins l’appui accordé en 1967 au régime croulant de sir Albert Margai en Sierra Leone. Peut-être est-ce seulement un réflexe élémentaire de solidarité entre gens en place.

Cet isolement profond de la Guinée indépendante n’est pas sans rapport avec les difficultés intérieures qu’elle n’a jamais réussi à surmonter. Son gouvernement ne manque pourtant pas de moyens. Chef d’un parti unique partout présent, le président Sékou Touré est doté des plus grands pouvoirs par la Constitution de novembre 1958, et il n’a jamais hésité à s’en servir. C’est en fait devant lui que le gouvernement, l’armée et l’Administration sont exclusivement responsables.

Sur le plan économique, une politique heurtée et contradictoire n’a pourtant pas permis d’atteindre les grandes ambitions qu’il s’était fixées : une transformation profonde de la société et un développement économique rapide.

Il en résulte un certain mécontentement et une tension constante, qui n’ont trouvé aucun exutoire démocratique pour s’exprimer. Les Guinéens ont alors quitté en grand nombre leur pays pour s’installer surtout au Sénégal et en Côte-d’Ivoire. Certains ont commencé à comploter contre le régime, parfois avec l’aide d’agents français ou portugais, ce qui a encore aggravé la situation. En raison même du monolithisme de son pouvoir, le régime a été secoué par des crises répétées et violentes : complots, arrestations, attentats, épurations. La plupart des anciens compagnons de Sékou Touré ont disparu, écartés, emprisonnés, voire exécutés.

Y. P.

➙ Afrique noire / Mali / Malinkés.

 A. Arcin, Histoire de la Guinée française (Challamel, 1911). / R. Pré, l’Avenir de la Guinée française (Éd. guinéennes, Conakry, 1951). / M. Houis, la Guinée française (Éd. géogr., marit. et coloniales, 1953). / F. Gigon, Guinée, État pilote (Plon, 1959). / B. Ameillon, la Guinée, bilan d’une indépendance (Maspéro, 1964). / La République de Guinée (la Documentation française, « Notes et études documentaires », 1965). Y. Person, Une révolution Dyula (Dakar, 1970 ; 2 vol.). / J. Suret-Canale, la République de Guinée (Éd. sociales, 1971).

Guinée équatoriale

En esp. Guinea Ecuatorial, État de l’Afrique équatoriale, sur le golfe de Guinée ; 28 100 km2 ; 285 000 hab.



La situation

C’est l’ancienne Guinée espagnole, devenue indépendante en 1968, après un référendum dont le résultat a souligné l’opposition qui existe sur les plans humain et économique entre les différentes parties de son territoire. Celui-ci comporte en effet un bloc continental, le Río Muni (26 017 km2), auquel est adjoint un archipel situé au sud du cap San Juan, dans l’estuaire ennoyé du río Temboni (îles de Corisco, d’Elobey Grande et d’Elobey Chico), et deux îles de dimensions très inégales, la minuscule Annobón (18 km2, 1 400 hab.) et surtout Fernando Poo (2 034 km2).