Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Guinée (suite)

Mais le fait essentiel est l’influence du commerce européen. Les Portugais ont, en effet, découvert la côte des Rivières, jusqu’à la Sierra Leone, en 1461-62. Bien qu’ils n’aient pas créé d’installations fixes à terre, les Européens du cap Vert s’y livrent à un trafic intense, qui s’oriente dès le xvie s. vers la traite des Noirs, tandis que leurs métis sont partout présents sur les rivières.

Les gens du haut Niger se trouvent alors attirés par la côte, qui n’était jusque-là qu’un cul-de-sac. Des Malinkés animistes sont à l’origine de l’invasion des Sumbas, qui gagne vers 1545 l’ouest du Liberia et la Sierra Leone, dont les structures politiques sont alors fortement transformées. Les commerçants ouvrent trois routes vers la mer : l’une à travers le Fouta-Djalon vers la côte des Rivières ; la deuxième du haut Niger à la Sierra Leone ; la troisième, toujours difficile, du Konyan au Liberia occidental (Robertsport). Au carrefour de ces routes, des pistes de la forêt et de l’axe du Niger grandit bientôt la ville de Kankan, qui devient à la fin du xviiie s. la métropole économique, intellectuelle et religieuse des Dyoulas de l’Ouest.

Au xviiie s., un nouvel Empire mandingue, celui des Bambaras de Ségou, étend son autorité jusqu’à Kouroussa, près de Kankan, pour contrôler ces routes commerciales. Il sera remplacé dans ce rôle, au début du xixe s., par le royaume dyalonké de Tamba (près de Dinguiraye). C’est alors l’apogée de la traite des Noirs vers l’Amérique, dont les répercussions finissent par être sensibles sur le haut Niger. Les armes à feu s’y multiplient, changeant les règles du jeu politique et militaire, tandis que la population utilise de plus en plus des importations européennes (tissus, quincaillerie). Les Djoulas, qui les diffusent, augmentent en nombre et en importance sociale, tandis que leur islām est rénové par les guerres saintes des Peuls. En 1850, El-Hadj Omar, qui vient de fonder Dinguiraye, détruit Tamba avec l’aide de Kankan et ouvre sa carrière de conquérant. Avec lui se diffuse le tiadjanisme, nouvelle forme militante de l’islām.

À partir de 1835, pour la première fois dans l’Ouest, des Dyoulas prennent les armes pour imposer leur loi aux Malinkés, animistes, parfois pour leur imposer l’islām et toujours pour supprimer les péages sur les colporteurs. Le premier de ces conquérants est Morioulé Sissé (ou Mori-Oulé Sisé) de Médina, près de Kankan, et, à partir de 1861, le rôle essentiel sera tenu par l’un de ses anciens soldats, Samory (ou Samori) Touré (v. 1830-1900), originaire du Konyan. Quoique musulman, celui-ci va prendre au départ la défense des animistes, ses « oncles maternels ». Avec un remarquable génie militaire et une grande habileté politique, il conquiert à partir de 1870 un vaste empire le long des routes commerciales qui s’orientent vers le nord depuis le Moyen Âge et vers la mer depuis le xvie s. Après la prise de Kankan en 1881, il reste seul en scène, tenant toute la haute Guinée et de vastes régions de la forêt de la Sierra Leone, du Liberia, de la Côte-d’Ivoire et du Mali moderne. C’est alors qu’il songe un moment à en faire un État musulman et à imposer l’islām à ses sujets, mais les troubles qui en résulteront lui feront abandonner cette tentative dès 1888. Ce nouvel Empire mandingue apparaît ainsi au moment précis où les Français se lancent dans la conquête impérialiste de l’Ouest africain (occupation de Bamako, févr. 1883). Samory essaie de s’entendre avec eux (traité de Bissandougou, mars 1887), mais il échoue devant le royaume de Sikasso (Mali), déjà soutenu par les colonisateurs, qui poussent les sujets du conquérant à la révolte.

Samory comprend alors qu’il faut se soumettre ou disparaître, et il se décide pour une lutte qu’il sait sans espoir, mais qu’il prépare soigneusement. L’agression d’Archinard ouvre le combat final en avril 1891 : Samory est chassé de haute Guinée et se retire en Côte-d’Ivoire, où il sera arrêté en septembre 1898. Déporté au Gabon, il y mourra en 1900.

La haute Guinée, d’abord rattachée au Soudan français, colonie militaire, est transférée à la Guinée à compter du 1er janvier 1900. Les peuples anarchiques de la forêt, surtout les Tomas, résisteront encore farouchement aux colonisateurs jusqu’en 1912, parfois soutenus par des agents du Liberia, qui souhaitait annexer la région.

• Les Peuls. L’histoire des Peuls, qui n’est pas moins complexe, intéresse l’ensemble de l’Ouest africain, où ce peuple d’éleveurs, d’origine incertaine, a trouvé sa langue. Leur spécialisation économique amenait leur dispersion en petits groupes au sein des paysans noirs, avec lesquels leurs relations n’étaient pas toujours bonnes. Leur passage massif à l’islām a marqué le moment où ils ont refusé de jouer plus longtemps ce jeu, et ils se sont alors révélés de grands conquérants et de remarquables créateurs d’États. Quand ils rencontraient un milieu écologique favorable à l’élevage, ils s’y concentraient cependant, finissant par former la majorité de la population. Tel est le cas du Fouta-Djalon, dont les hauts plateaux salubres ont attiré le bétail des Peuls dès le xve s. Vers 1500, ceux-ci participent à la formation de l’empire dényanké de Tenguéla, dont le centre est sur le Sénégal. Quand cet empire se disloque vers 1660, ils sont de plus en plus nombreux, et ceux qui viennent du Macina, déjà musulmans, convertissent les autres. Ils supportent mal l’autorité des autochtones dyalonkés.

En 1727 commence la guerre sainte, dirigée par un mystique, Karamokho Alfa. Dès le milieu du siècle, les Peuls restent les maîtres, organisant une société musulmane pseudo-féodale, entièrement hiérarchisée, où les vaincus, écrasés et assimilés, sont mêlés à des esclaves achetés au-dehors pour former la masse des cultivateurs dans les rounde, au fond des vallées. Ils demeurent dans les foulasso, sur les plateaux, et le pays est divisé en missidi, ou paroisses, et diwe (sing. diwal), ou provinces. À la suite de féroces guerres civiles, la famille de Karamokho Alfa se divise en deux branches : les Alfaya et les Soriya, qui fournissent toutes deux un almami, alternant au pouvoir tous les deux ans. Cette société est dure, mais elle marque du moins un grand progrès sur le plan culturel. Les sciences coraniques, fondées sur l’arabe et l’écriture en langue poular, sont alors largement diffusées.