Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

Guinée (suite)

C’est sur les ressources de Boké (65 p. 100 des bénéfices garantis à l’État guinéen) que compte la Guinée pour poursuivre son effort d’industrialisation entrepris dans le cadre des plans triennal (1960-1963) et septennal (1964-1970). L’usine hydro-électrique des Grandes Chutes a, depuis 1958, augmenté sa puissance de 10 000 à 35 000 kW, et une autre centrale hydro-électrique, celle de Kinkon, a été construite au Fouta-Djalon par la République populaire de Chine. La production annuelle d’énergie est passée de 20 GWh par an en 1958 à 200 GWh en 1967. En revanche, le grand projet du Konkouré (centrale hydro-électrique de 3 TWh pour alimenter une industrie d’aluminium) reste en suspens. Une série d’usines ont été édifiées avec le concours des pays socialistes (conserverie de Mamou et combinat du bois de N’Zérékoré avec l’U.R. S.S. ; tabacs et allumettes à Conakry et usine de thé de Macenta avec la Chine populaire ; etc.) ou occidentaux (usine textile de Conakry avec la Grande-Bretagne ; ustensiles d’aluminium avec les États-Unis ; etc.).

Le réseau de routes bitumées est passé de 187 km en 1958 à 890 km en 1971, mais l’unique voie ferrée Conakry-Kankan, voie métrique, à la limite de l’usure, doit être refaite et portée à écartement normal.


La politique économique et les échanges

L’orientation suivie en matière économique par la Guinée depuis 1960 vise à consolider son indépendance économique : création d’une monnaie guinéenne indépendante et non convertible ; nationalisation du commerce extérieur et de la plus grande partie du commerce intérieur, des banques, des assurances, de la quasi-totalité des industries (les entreprises nouvelles sont des entreprises nationales, ou mixtes dans quelques cas). Cette orientation a eu des conséquences imprévues (développement de la contrebande et inflation ; difficultés d’approvisionnement en produits importés faute de devises). Mais l’austérité qui en résulte est surtout sensible pour les Européens et les couches privilégiées vivant à l’européenne. L’éviction du capital colonial a favorisé l’ascension d’une bourgeoisie locale (fonctionnaires, anciens commerçants) fortement implantée dans l’appareil de l’État et dans celui du parti au pouvoir, et qui est fondamentalement hostile à l’orientation anticapitaliste du régime.

Le taux de scolarisation primaire est passé de 7 p. 100 en 1957-58 à 31 p. 100 en 1965-66. Le nombre des établissements secondaires est passé de 5 à 30 de 1958 à 1967, et la Guinée dispose de deux instituts polytechniques (ou universités) à Conakry et à Kankan. L’alphabétisation des adultes dans les langues nationales est entreprise depuis 1968.

Lourdement déficitaire en 1958 (importations couvertes à 37 p. 100 par les exportations), la balance commerciale de la Guinée s’est améliorée grâce aux exportations d’alumine (couverture à 75 p. 100 en 1966). En revanche, la balance des comptes reste lourdement déficitaire (charge des investissements industriels). L’approvisionnement en riz des agglomérations, en raison de l’insuffisance de la production locale commercialisée, est assuré à 80 p. 100 par les États-Unis, à 20 p. 100 par la Chine populaire. Le commerce avec la France, jadis largement prépondérant, est réduit à environ 25 p. 100, le reste du commerce extérieur se partageant à parts à peu près égales entre pays socialistes et pays occidentaux à devises fortes.

J. S.-C.


L’histoire


Un passé complexe

Le caractère hétérogène de la Guinée se projette dans son passé. Le Fouta-Djalon et la Guinée forestière se trouvent à la périphérie du monde mandingue (Malinkés et Bambaras), qui a été depuis des millénaires le principal épicentre culturel de l’Ouest africain, mais la haute Guinée en fait intégralement partie.

• La périphérie. Des peuples non mandés, parlant des langues à classes de la famille mèl (Ouest atlantique), ont été progressivement refoulés par les Soussous dans les marécages de la côte (Landoumans, Nalous, Bagas) ou par les Malinkés dans les franges de la forêt (Kissis). Ce sont toujours des grands riziculteurs. D’autres, comme les Tendas (Koniaguis, Bassaris), se sont isolés aux confins du Sénégal dans des savanes ingrates.

Reculant sous la pression des Malinkés, d’autres peuples, parlant cette fois des langues mandés, ont pénétré profondément en forêt, en direction de la mer (Tomas, Guerzés, Manons).

Beaucoup plus proches des Malinkés pour la langue et fortement marqués de civilisation soudanaise, les Soussous et leurs frères les Dyalonkés ont, cependant, évité le pouvoir du Mali médiéval en occupant les hautes terres du Fouta-Djalon (ou Fouta-Dyalon), qui leur doit son nom. C’est de là que les premiers sont descendus pour refouler ou assimiler les côtiers, tandis que les seconds étaient expulsés ou asservis par les Peuls au xviiie s.

• Les Malinkés. Depuis le xiiie s., une partie de la haute Guinée a certainement appartenu à l’empire du Mali*, dont la capitale, Niani, à l’est de Siguiri, se trouvait sur son territoire et qui contrôlait l’exploitation de l’or du Bouré, destiné au commerce transsaharien. Le commerce à longue distance est, depuis l’époque du Ghāna*, le monopole de colporteurs musulmans, que l’on appelle Dyoulas sur le haut Niger, Dyakhankés ou Boundoukas sur la côte. Ils ont mis très tôt en place un réseau de pistes commerciales s’étendant jusqu’à la forêt, où ils allaient chercher des noix de kola, un excitant aussi nécessaire aux Soudanais que le café aux Européens. Ils en ramenaient en outre des esclaves, que les vieux empires ont toujours pris chez les peuples du Sud, considérés par les Malinkés comme barbares.

Ce réseau de colportage n’est pas troublé quand l’empire du Mali s’effondre à la fin du xvie s. Le pays est alors partagé entre de nombreuses familles nobles, c’est-à-dire guerrières, qui ont besoin de ces commerçants musulmans. N’ayant plus d’unité politique, la région est parcourue par des invasions peules, dont certaines gagnent le Fouta-Djalon, tandis que d’autres s’assimilent, adoptant la langue mandingue (Ouassoulous).