Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

groupe (effet de) (suite)

En France, l’étude des sociétés d’Insectes, particulièrement des Termites, amena P.-P. Grassé à étudier le problème général de l’action du groupe sur l’individu et, de 1941 à 1946, à définir pour la première fois l’effet de groupe, ce qui eut le mérite de systématiser les faits connus. La distinction fondamentale revient à « séparer l’action du milieu de l’influence des stimuli sensoriels qu’exercent les uns sur les autres les animaux rassemblés ». Le milieu peut être modifié par de multiples facteurs — y compris ceux qui, indirectement, sont liés à la présence d’animaux voisins, tels que : modification de l’atmosphère ou diminution de la nourriture —, mais on ne peut parler d’effet de groupe stricto sensu que si un stimulus sensoriel spécifique, reçu par l’individu, influence, par voie endocrine et neurophysiologique, son état psychosomatique. Le groupe commence à deux : c’est un point important ; l’animal solitaire n’est pas seulement opposé à celui de la forme pullulante.


Bilan actuel

La complexité des phénomènes au sein desquels sont intégrés les effets de groupe chez les Insectes sociaux est maintenant mise en lumière par la connaissance de nombreux mécanismes ; citons : l’action des substances chimiques qui déterminent les castes ou la division du travail (phéromones ou sociohormones), les hiérarchies et les automatismes de construction des cellules sociales, les systèmes de communication comme le « langage des Abeilles », etc.

La génétique apporte aussi sa contribution en montrant que la réponse biologique de l’animal est héréditairement transmise, mais peut être modulée par l’action du milieu environnant. Ainsi, le Criquet migrateur se grégarise par la vision, le toucher, l’odeur de son semblable ; la température, la lumière ou la longueur du jour peuvent néanmoins accentuer, retarder ou modifier cette grégarisation. Autre exemple : pour le Grillon méditerranéen, le groupement détermine la proportion de sujets noirs (isolés), bien que le seuil d’apparition de ceux-ci puisse être déplacé par certaines conditions de milieu.

Ainsi, la notion d’effet de groupe s’enrichit avec les progrès de la biologie sans perdre sa portée pratique ni son intérêt théorique.

S. F. B.

groupe de pression

Ensemble d’individus unissant leurs efforts pour tenter de faire prendre en considération leur point de vue par une autorité publique.



Identité du groupe de pression

En politique, on appelle pression toute activité visant à obtenir du détenteur d’un pouvoir (notamment du pouvoir de légiférer ou d’administrer) une décision aussi favorable que possible ; une telle activité peut prendre les formes les plus diverses, allant de la fourniture d’informations ou d’arguments propres à emporter la conviction jusqu’à la corruption ou la violence.

Ainsi entendue, la pression occupe un vaste continuum, au-delà de la simple demande faite dans les formes les plus neutres, mais en deçà de la pure contrainte. Elle marque d’abord l’insistance : le demandeur a le sentiment de ne pas avoir été entendu ou suffisamment pris au sérieux, il va donc multiplier les arguments ou les actes susceptibles de modifier le comportement de son interlocuteur. La pression implique aussi la durée et, généralement, le crescendo de l’action entreprise : il s’agit de poursuivre la pression, si possible en l’augmentant, jusqu’à ce que la résistance rencontrée cède.

Cette stratégie révèle que le demandeur possède — ou croit posséder — un certain pouvoir sur son interlocuteur ; il estime avoir une prise, ou arriver à trouver une prise sur la logique, sur les sentiments ou sur les intérêts de celui-ci ; il cherche le point sensible, peut-être même le point faible, et, l’ayant trouvé, il souhaite en tirer parti. La pression établit donc entre le demandeur et le décideur, et contre le gré de ce dernier, une tension ; on peut dire qu’elle crée une épreuve de force.

Il est évident que cette recherche de l’influence n’est pas propre au monde politique : elle y est seulement plus visible. On la retrouve dans toutes sortes de rapports sociaux, et il n’y a pas de raisons de réserver le terme de pression, d’ailleurs emprunté à la physique, à la science politique : on doit pouvoir parler de pression à propos d’une grève ou d’une pétition à un évêque ou des phases de la négociation d’un contrat. Mais étendra-t-on du même coup l’usage de l’expression groupe de pression hors du champ politique ?

Autre constatation : la recherche d’une décision politique favorable n’est pas forcément le fait d’un groupe d’individus ; un dirigeant d’entreprise, un préfet, un diplomate peuvent plaider un dossier auprès d’un ministère ou de parlementaires. Devra-t-on, faute de mieux, se servir du terme groupe de pression pour désigner des auteurs de pression derrière lesquels ne se profile clairement aucun groupe ?

Ces interrogations amènent à préciser trois caractères spécifiques du groupe de pression stricto sensu : le caractère associatif, facile à mettre en évidence par les deux phénomènes de l’adhésion et d’un minimum d’organisation interne ; le caractère promotionnel, c’est-à-dire le fait d’œuvrer pour le progrès ou la défense d’un intérêt donné, sans qu’il soit nécessaire que l’association ait été créée dans ce but ou qu’elle y consacre toute son activité ; le caractère politique, tenant au fait que des pressions, mais pas obligatoirement toutes les pressions du groupe, sont dirigées vers les pouvoirs publics.

S’il y a pression, la deuxième condition (défense d’un intérêt) est certainement remplie, mais il n’en va pas forcément de même pour les deux autres ; ce n’est plus que par extension que l’on peut encore parler de groupe de pression, extension facilitée par le fait que l’on passe insensiblement de la présence à l’absence de ces conditions.

En effet, le caractère politique (troisième condition) peut varier selon la conjoncture ; toutefois, sur une assez longue période, on pourrait faire un classement allant du groupe qui ne s’adresse guère qu’à l’État au groupe qui ne s’adresse qu’exceptionnellement à lui. Cependant, la destination de la pression ne peut éclipser totalement son contenu ; il est des pressions qui, dirigées vers des représentants de l’État, ne sont pourtant pas politisées (exemple : plaidoyer auprès d’un percepteur) ; on voit ainsi que ce caractère politique est susceptible de variations non seulement en quantité, mais en qualité. D’autant plus que, autour de l’État, ont proliféré des institutions semi-politiques (exemple : Air France ; maisons de la culture) qui sont l’objet de pressions dont on ne sait plus très bien si elles sont encore politiques.