Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Grèce (suite)

Une autre jeune fille divine, Athéna, occupe par son importance une place à part dans le panthéon hellénique. Elle unit l’intuition féminine à une énergie toute virile. Sortie armée du crâne de Zeus, elle est la déesse de l’Intelligence, qui conseille les dieux et vient en aide aux héros, tout autant que déesse guerrière — mais combien différente d’Arès —, qui prévoit l’endroit où il faut frapper. Son attribut est l’olivier, symbole de paix et aussi de richesse. Protectrice de l’État, elle garantit l’équité des lois, leur juste application. Elle veille encore à la prospérité du pays (elle est à l’origine de nombreuses inventions) et, peu à peu, grâce à son rayonnement spirituel, devient pour la conscience hellénique la déesse de la Civilisation, qui, par sa sagesse et sa modération, par sa force guerrière et sa générosité créatrice, sait assurer la suprématie grecque sur le monde. Son frère Arès, dieu de la Guerre, est bien moins cher au cœur des dieux et des mortels. Il représente la force brutale et agressive, voire la fureur aveugle du meurtre qui pousse l’homme au combat. Vite méprisé comme un mal nécessaire, il n’inspire pas la sympathie, et la pauvreté de ses mythes témoigne de son manque de popularité. Ajoutons qu’il est souvent placé dans la situation de vaincu ou dans une posture ridicule.

Deux divinités olympiennes tiennent une place subalterne par rapport aux autres : Hermès et Héphaïstos. Hermès, dieu de la Ruse et des Voleurs, est un dieu inventif et ingénieux (il a inventé l’alphabet, la musique, l’astronomie, les poids et mesures). Messager de l’Olympe, instrument de la volonté divine, il protège les voyageurs des mauvaises rencontres. Héphaïstos, le démon boiteux (Zeus lavait précipité du haut de l’Olympe pour avoir pris la défense d’Héra), est l’artisan divin, dieu du Feu et de la Technique, qui forge des armes et des bijoux, travaille le fer et le bronze. S’il ne réalise pas, malgré ses œuvres magnifiques, l’idéal de perfection de la divinité grecque, son épouse Aphrodite, elle, est l’expression achevée de la beauté. Mais elle symbolise l’attrait sexuel dans ce qu’il a d’incontrôlable et de néfaste ; c’est par sa faute qu’une foule de héros tombèrent sous les murs de Troie. Déesse du Désir, elle est un principe de déchéance tout autant qu’une puissance redoutable (ainsi, elle se vengera d’Hippolyte, qui la méprise) ; elle pousse aux unions illégitimes, incite les mortels à toutes les passions, rend fous d’amour ceux qu’elle veut perdre. Divinité primordiale, elle soumet le monde à ses lois, en donnant aux hommes comme aux bêtes la possibilité d’obéir en son nom à l’instinct de procréation.

Personnifiant les pouvoirs de la vigne et du vin, Dionysos, fils de Zeus et de Sémélé, est accompagné d’un cortège de bacchantes. Monté sur une panthère, tenant un thyrse dans sa main, il parcourt le monde, en frappant de folie ou en mettant à mort ceux qui ne lui rendaient pas un culte (tels Lycurgue, Penthée). Ce culte s’établit dans toute la Grèce avec la culture de la vigne. Dionysos symbolise alors la puissance enivrante de la nature, de la sève qui gonfle la végétation. Un délire mystique s’empare de ses fidèles. Également dieu protecteur des Beaux-Arts, en particulier de la tragédie et de la comédie, issues des représentations qui avaient lieu à l’occasion de ses processions tumultueuses, il est la force qui favorise l’inspiration créatrice.

On aurait tort de croire que les attributs de chacune des divinités olympiennes ont été précisés et fixés d’un seul coup. L’évolution des mythes a été au contraire constante au fil des siècles et chaque dieu a peu à peu enrichi ses caractères. D’Homère aux Alexandrins, les dieux se chargèrent de nuances diverses : à la simplicité des dieux homériques succédèrent l’affadissement et la complication des légendes alexandrines. En outre, sur chaque divinité se greffent avec le temps nombre d’épisodes. Il appartient aux cycles héroïques d’offrir un récit d’aventures cohérent et soigneusement élaboré.


Les héros

La terre grecque est peuplée de héros d’origine semi-divine (ils sont, par exemple, nés des amours d’un dieu et d’une mortelle) ou appartenant à quelque degré par leur ascendance au monde de la divinité. Ils sont innombrables et l’objet de légendes que les écrivains et les mythographes se sont complu à enjoliver. Que représentent-ils pour la conscience grecque ? Ils constituent une sorte de lien entre la puissance divine et l’homme, et sont à l’image de l’un et de l’autre, dont ils offrent les misères comme les grandeurs. Traits d’union entre le ciel et la terre, ils jouent en quelque sorte le rôle de défenseurs d’une humanité en proie à l’adversité. Chaque territoire de la Grèce a voulu posséder ses héros, véritables symboles nationaux ou régionaux. Il n’est pas possible de les citer tous, depuis l’humble héros éponyme jusqu’à ces êtres exceptionnels que sont Héraclès ou Thésée. Mais remarquons que, si chacun possède ses mythes particuliers, on peut difficilement isoler les aventures de l’un des exploits de l’autre.

Le plus grand est Héraclès, fils de Zeus et d’Alcmène. Il symbolise aux yeux des Grecs l’énergie, l’héroïsme, et il reste le modèle du courage devant les périls qui assaillent l’homme. On sait qu’il dut accomplir douze travaux — et venir à bout de bien d’autres difficultés au cours de son existence ; cette victoire de la force sur les obstacles que la vie jette sous nos pas est la preuve que l’individu peut toujours se dépasser et que l’intelligence alliée à la vigueur peut tout obtenir. Héraclès, ce « faiseur d’ordre », sert l’humanité par ce qu’il a de divin en lui. Par sa postérité, les Héraclides, il est l’ancêtre mythique de tous les Grecs du Péloponnèse. S’il est, plus qu’un héros dorien, un héros panhellénique, un autre, Thésée, héros de l’Attique, lui emprunte bien des traits, tout en ayant plus de charme et de finesse. Il était considéré par les Athéniens comme un personnage historique, et, de fait, il entra dans la plupart des légendes. Quand il devint roi, il eut un rôle politique immense et bienfaisant : il assura l’unité de la cité, en réunissant les diverses bourgades ; il institua un gouvernement stable et promulgua un bon nombre de lois sociales peu favorables aux riches et aux nobles. Ce champion de la démocratie eut une telle importance qu’un proverbe laconique courut dans les rues d’Athènes : « Rien sans Thésée. »