Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

Grèce (suite)

Il faut nommer aussi Persée (la conquête de Méduse) et Bellérophon (la possession de Pégase), tous deux chers aux Grecs. Mais citons surtout les noms de quelques héros, particulièrement célèbres et honorés : tels Achille, Ulysse ou Œdipe. Les deux premiers appartiennent essentiellement aux poèmes homériques. Achille est l’être exceptionnel, qui préfère une vie brève, mais éclatante, aux longues heures d’une existence sans périls. Il représente la jeunesse dans tout ce qu’elle offre d’audace, de confiance en soi, d’énergie virile. Plus accessible, Ulysse fait partie de l’un de ces « Retours » qu’est l’Odyssée : il est l’homme qui, par sa souplesse, son adresse et sa ruse, parvient toujours au but qu’il s’est proposé. Achille et Ulysse personnifient l’un et l’autre une certaine forme de l’idéal antique, pour autant que le premier est le symbole de la victoire de la jeunesse et du courage, l’autre celui de l’expérience mûrie par les dangers. Ils font voir un double aspect de la conscience hellénique. Avec Œdipe, le héros thébain, nous sommes devant le problème de la race, de l’hérédité, problème qui fut si intimement présent dans la pensée grecque, ce qui explique les grandes œuvres d’Eschyle, de Sophocle et, à un degré moindre, d’Euripide. La légende thébaine des Labdacides, immortalisée par les chefs-d’œuvre de la tragédie, a une vérité humaine si intense que tous les spectateurs y voyaient la traduction de leurs interrogations et de leurs inquiétudes sur l’avenir de l’homme.


Universalité du mythe

Ce monde des mythes, si riche, si plein d’images et de résonances pour l’esprit grec, a constamment été vécu par la pensée antique : chaque génération, en amplifiant les légendes, ajoutait quelque chose de neuf. Jusqu’au début de la guerre du Péloponnèse (431-404 av. J.-C.), les Grecs crurent en leurs récits. Ce n’était pas pour eux de belles histoires, mais l’expression d’une vérité mi-divine, mi-humaine. Quand vint l’âge philosophique ou « sophistique », les nouveaux courants de pensée remirent tout en question : à l’explication transcendante, on substitua l’interprétation rationaliste et critique. La Grèce resta cependant sensible à la sagesse de ses mythes ; elle en respecta les leçons et y vit une morale.

Pour les modernes, les légendes grecques représentent également autre chose que de beaux contes. Leur abondance, leur variété, leur complication correspond au désordre même de la vie. On s’applique à découvrir leur valeur symbolique. La mythologie serait le subconscient des peuples antiques, le lieu de leurs obsessions comme de leurs répulsions, de leurs aspirations comme de leurs terreurs. Révélatrice des zones de conscience les plus profondément cachées, elle exprimerait, par le biais de ses récits fabuleux, les pulsions individuelles ou collectives, les instincts d’amour et de mort que chacun porte en soi.

A. M.-B.

 P. Decharme, Mythologie de la Grèce antique (Garnier, 1879 ; 6e éd., 1930). / H. W. Roscher (sous la dir. de), Ausführliches Lexikon der griechischen und römischen Mythologie (Munich, 1884-1937 ; 6 vol.). / O. Gruppe, Geschichte der klassischen Mythologie und Religionswissenschaft (Leipzig, 1921). / H. J. Rose, A Handbook of Greek Mythology Including its Extension to Rome (Londres, 1928 ; 2e éd., 1933). / A. H. Krappe, The Science of Folklore (Londres, 1930 ; trad. fr. la Genèse des mythes, Payot, 1938, 2e éd., 1952). / R. Burnand, Vie privée des déesses et des dieux (Grasset, 1936). / W. K. C. Guthrie, The Greeks and their Gods (Londres, 1950). / M. Rat, Mythologie. Légendes des dieux et des héros grecs et latins (Plon, 1950). / P. Grimal, Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine (P. U. F., 1951 ; 4e éd., 1969) ; la Mythologie grecque (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1953 ; 6e éd., 1968). / M. P. Nilsson, Geschichte der griechischen Religion (Munich, 1951 ; trad. fr. les Croyances religieuses de la Grèce antique, Payot, 1955). / P. Lavedan, Dictionnaire illustré de la mythologie et des antiquités grecques et romaines (Hachette, 1952). / E. Henriot, Mythologie (Guillot, 1954). / F. Buffière, les Mythes d’Homère et la pensée grecque (Les Belles Lettres, 1957). / M. Leturmy, Dieux, héros et mythes (Club français du livre, 1958). / G. Méautis, Mythologie grecque (A. Michel, 1960). / R. Graves, The Greek Myths (Harmondsworth, 1962 ; 2 vol. ; trad. fr. les Mythes grecs, Fayard, 1967). / C. Ramnoux, Mythologie ou la Famille olympienne (A. Colin, 1962). / M. Grant, Myths of the Greeks and Romans (Londres, 1963). / P. Grimal (sous la dir. de), Mythologies (Larousse, 1963-64 ; 2 vol.). / J. Schmidt, Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine (Larousse, 1965). / A. Severyns, les Dieux d’Homère (P. U. F., 1966). / A. Bonnard, les Dieux de la Grèce (Rencontre, Lausanne, 1970).


L’art grec ancien

L’expression art grec est réservée traditionnellement à l’art qui fleurit dans les cités grecques de Grèce propre et des côtes d’Asie Mineure ainsi que dans leurs colonies (Sicile* et Italie du Sud), depuis le début de l’âge du fer, par opposition à l’art mycénien, qui, s’il est, lui aussi, l’œuvre d’artisans grecs, n’en relève pas moins d’une civilisation très différente (v. Crète). À partir des conquêtes d’Alexandre et de la prodigieuse extension du champ ouvert à la civilisation grecque qui en est résultée, on parle plutôt d’art hellénistique*.


L’art géométrique (v. 1050-725 av. J.-C.)

Les troubles qui ont amené la disparition de la civilisation mycénienne et permis l’installation des Doriens ont plongé la Grèce dans une période de léthargie d’où allait sortir, dans un monde politique entièrement nouveau, l’art géométrique. C’est la céramique qui nous permet d’en définir les caractéristiques. Le décor est constitué presque exclusivement par des schémas géométriques : cercles ou demi-cercles, lignes brisées, chevrons, méandres ou grecques, triangles hachurés.

Au cours d’une première période, dite « protogéométrique » (v. 1050-900), les potiers continuent à façonner des vases dont les formes dérivent des formes mycéniennes ; le décor, pauvre, comprend des cercles ou des triangles disposés en une bande centrale, le reste du vase restant clair ou étant, au contraire, entièrement recouvert de vernis. Ce style est particulièrement bien représenté en Attique, en Argolide et dans certaines îles de la mer Égée, comme Samos.