Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

Grèce (suite)

Les olympiens

La génération des enfants de Cronos comprend donc trois filles — Hestia, qui préside au Foyer ; Déméter, déesse du Blé et de la Moisson ; Héra, déesse du Mariage, et trois fils, dont le dernier-né, Zeus, est le dieu du Ciel, Poséidon ayant obtenu la Mer, Hadès l’empire souterrain et le royaume des Morts. À ces premiers Olympiens vont se joindre d’autres grands dieux, issus de Zeus, qui sont Apollon, Arès, Artémis, Athéna, Dionysos, Hermès et Héphaïstos (selon une autre tradition, ce dernier serait le fils d’Héra) ; quant à Aphrodite, elle est, suivant les traditions, soit la fille de Zeus et de Dioné, soit née du sang d’Ouranos. Chacune de ces divinités — quatorze au total, mais deux, Hadès et Poséidon, n’appartiennent pas au ciel — a des pouvoirs et des fonctions plus ou moins définis.

Pourvu de ses attributs ordinaires et souverains — l’aigle, la foudre et la victoire —, Zeus est le dieu suprême qui réside dans l’Olympe. À l’origine, dieu des phénomènes atmosphériques, il acquiert peu à peu sa personnalité définitive, en ce sens qu’il devient, après l’anarchie chaotique des débuts de l’univers, l’image apaisante de celui qui a vaincu le mal (il a soutenu des combats victorieux contre Typhon, les Géants, les Aloades) et fait régner sur le monde l’ordre, la sagesse et la justice. Sans doute eut-il d’innombrables aventures avec des mortelles : du moins assura-t-il ainsi par sa descendance un lien entre les dieux et les humains. Ses amours permirent la race des héros, tels Persée ou Héraclès, qui, en luttant contre les bandits et les monstres, amenèrent sur la terre l’ordre recherché dans le ciel. L’éclat de Zeus est si vif — la racine de son nom signifie « resplendir » — qu’à côté de lui les autres dieux pâlissent. Lui seul peut prévoir l’avenir, mais non modifier le cours du destin, auquel il est, comme tous, soumis ; lui seul sait l’issue fatale ou heureuse des événements (« la volonté de Zeus s’accomplissait », dit Homère). Il est aussi le dieu qui a pitié des hommes (dans l’Iliade, Homère le dit affligé par la mort d’Hector) ; d’où son nom de « père des dieux et des hommes », un père plein de sollicitude pour l’humanité éprouvée. Si les mythes grecs lui prêtent toutes les faiblesses humaines, ils laissent aussi voir en lui la divinité éminente qui se penche avec amour et justice sur la condition des mortels.

À l’opposé du ciel se trouve Hadès, l’« Invisible », le dieu souterrain qui règne sur les morts. Il apparaît peu dans les légendes, mais il s’y présente toujours comme la divinité inexorable qui empêche ses sujets de revenir chez les vivants. Pour Homère, son royaume est le séjour de la déchéance, un lieu d’effroi et de répulsion, que traversent des ombres désolées. À mi-chemin entre le ciel et l’enfer règne Poséidon, le dieu de l’Élément liquide vénéré par les marins ; mais il est aussi le dieu des Tremblements de terre, l’« Ébranleur de la terre », comme le dit Homère. Poséidon offre donc deux visages : il est à la fois rassurant et inquiétant. N’oublions pas que cette divinité complexe s’unit à des monstres qui donnèrent naissance à des créatures néfastes, notamment à de redoutables brigands.

Les trois divinités primordiales olympiennes, filles de Cronos, ont, elles aussi, des caractères distincts. Si la vierge Hestia est l’incarnation du foyer domestique et la protection de la famille, et, de ce fait, particulièrement honorée, il n’y a pour ainsi dire aucun mythe qui la concerne. Au contraire, Héra et Déméter bénéficient de légendes beaucoup plus riches. Héra est connue pour les nombreuses querelles qui l’opposent à Zeus, son époux, à cause des infidélités de celui-ci. On se demande comment cette déesse rancunière et vindicative, qui, chez Homère, aspire de toutes ses forces à la chute de Troie, a pu si intimement apparaître dans la conscience grecque comme le symbole du mariage légitime, la protectrice de la fécondité du couple. Méchante et jalouse, la reine des dieux est dépouillée de tout le charme, de toute la tendresse de la mère qui chérit ses enfants. Il appartient à Déméter, par sa noblesse, de montrer une image de la divinité autrement plus attachante que l’altière figure d’Héra. Déméter, en effet, déesse du Blé, dont elle facilite la germination, et de la Moisson, dont elle assure la maturité, symbolise également la maternité douloureuse. On sait l’histoire de sa fille Perséphone, enlevée par Hadès et qui ne put revoir la lumière du jour (et encore une partie de l’année) que lorsque sa mère, désespérée, eut proféré qu’« elle ne ferait pas lever le grain de la terre avant de revoir de ses yeux sa fille au beau visage » (Hymne homérique à Déméter). Ainsi, entre toutes les déesses, Déméter est la seule qui ait connu la mort, et la mort dans ce qu’elle avait de plus cher, son enfant perdue. Les mystères d’Éleusis, qui célébraient son culte, voyaient dans cette légende la victoire de la vie sur la mort par la résurrection.

Les autres dieux appartiennent à la seconde génération des Olympiens. Le plus grand de tous est Apollon, né des amours de Zeus et de Léto, qui le mit au monde dans l’île de Délos, afin d’échapper à la fureur jalouse d’Héra. Ses attributs sont la lyre et l’arc. On le représente comme un jeune homme d’une beauté remarquable, aux cheveux noirs et bouclés. Venu à Delphes, il s’y établit après avoir tué de ses flèches le serpent Python et y fonda, en souvenir de sa victime, les jeux Pythiques. Le dieu de Delphes est le dieu des Oracles (c’est lui qui inspire la pythie) et l’objet d’un culte universel. Mais il est aussi le dieu de la Maladie et de la Guérison, savoir qu’il transmet à son fils Asclépios, le dieu de la Médecine. Quant à la lyre, elle fait d’Apollon le dieu de la Musique et de la Poésie. Divinité lumineuse, qui reflète pour les Grecs le génie artistique de leur pays, l’idéal de la jeunesse, de la beauté et du progrès, Apollon reste néanmoins une puissance dangereuse ; impulsif et souvent violent, il se venge cruellement de ceux qui l’offensent. Sa sœur, la farouche Artémis, divinité chasseresse et, en même temps, protectrice des animaux, est la déesse de la Nature vierge, non soumise par l’homme, et apparaît comme la rivale d’Aphrodite. Elle est sans pitié pour ceux qui excitent sa colère (elle fera dévorer par ses chiens Actéon, qui s’était vanté d’être aussi habile chasseur qu’elle), et les flèches de son arc entraînent les morts subites. Paradoxalement, c’est elle que les jeunes mères invoquent au moment des naissances. Dans son célèbre sanctuaire d’Éphèse, elle passe même pour la déesse de la Fécondité.