Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

grâce (suite)

Le décret de grâce, signé par le président de la République, est contresigné par le Premier ministre, par le ministre de la Justice et, le cas échéant, par le ministre qui a procédé à l’instruction du recours. Il est notifié directement par la chancellerie à toute personne ou autorité intéressée ; les décisions de rejet sont portées par la chancellerie à la connaissance du parquet général compétent, qui fait procéder à la notification à l’intéressé, et tout nouveau recours, s’il ne contient pas d’éléments de nature à motiver un nouvel avis, fait l’objet d’une décision de classement qui, elle, n’est pas notifiée.


Le champ d’application de la grâce

La grâce est, en principe, nominative ; outre les grâces individuelles, il faut signaler cependant qu’il existe des grâces collectives, qui interviennent principalement à l’occasion de fêtes (1er janvier, 14 juillet) ou d’événements mémorables (élection du président de la République) et qui bénéficient à certaines catégories de condamnés qui ne sont pas nommément désignés par le décret.

Tous les condamnés, détenus ou libres, peuvent être graciés, à condition qu’il s’agisse de condamnations définitives, c’est-à-dire qui n’aient pas été et ne puissent plus être l’objet d’une voie de recours : opposition, appel ou pourvoi en cassation ; il faut, en outre, que la peine prononcée soit exécutoire et rémissible. Les peines déjà subies ne peuvent être remises ; en cas d’exécution partielle, la grâce ne peut porter que sur le reliquat restant à subir. Les peines prononcées avec le bénéfice du sursis simple ou du sursis avec mise à l’épreuve ne peuvent être remises par voie de grâce tant que le sursis n’est pas révoqué. Enfin, la grâce peut intervenir pour les peines de droit commun comme pour les peines politiques, pour les peines principales comme pour les peines accessoires ou complémentaires, pour la peine de mort et pour les peines privatives ou restrictives de liberté, pour les peines patrimoniales et les peines privatives ou restrictives de droit, mais non pour les frais, les amendes fiscales, les mesures disciplinaires.


Les effets de la grâce

La grâce, quand elle est accordée, dispense de l’exécution de la peine, mais laisse subsister la condamnation ; elle est un moyen d’individualisation administrative de la peine.

La condamnation, après la grâce, continue de figurer au casier* judiciaire, avec simple mention de cette grâce sur la fiche et sur les extraits ; elle compte pour la récidive et la relégation ; elle fait obstacle, s’il y a lieu, au sursis ou à une amnistie. Les sanctions prises à la suite des faits réprimés ou de la condamnation prononcée ainsi que les diverses incapacités ou déchéances attachées au quantum ou à la nature de la peine prononcée, dont la remise a été accordée, continuent, elles, de subsister.

La remise d’une peine par voie de grâce équivaut à son exécution ; la grâce peut être totale ou partielle, selon que le condamné est dispensé en totalité ou en partie de l’exécution de la peine prononcée, mais elle n’a jamais d’effet rétroactif, en sorte qu’elle ne peut s’appliquer qu’au reliquat de peine restant à subir, si la peine est en cours d’exécution.

La grâce s’applique aux peines privatives de droits, prononcées soit à titre de peines principales soit à titre de peines complémentaires et expressément mentionnées dans une sentence de condamnation ; par contre, elle n’a pas d’effet, en principe, sur les peines accessoires, qui s’appliquent sans avoir eu besoin d’être mentionnées dans une sentence de condamnation, à moins que la loi n’ait formellement déclaré qu’elles pouvaient être effacées par la grâce.

La grâce, dans certains cas, ne dispense le condamné de la peine que sous certaines conditions qui lui sont imposées par le décret : il s’agit, alors, de grâce dite « conditionnelle » ; dans d’autres cas, la grâce remplace seulement la peine prononcée par une autre peine de même ordre, mais moins sévère, et l’on dit qu’il y a « commutation de peine ».

La grâce amnistiante est une combinaison de la grâce et de l’amnistie ; il s’agit d’une grâce accordée postérieurement à une loi d’amnistie, mais qui permet au condamné de bénéficier de l’amnistie : elle efface entièrement la condamnation.

J. B.

Gracián (Baltasar)

Écrivain espagnol (Belmonte, près de Calatayud, 1601 - Tarazona 1658).


Aragonais de la classe moyenne, Baltasar Gracián y Morales fut formé par les Jésuites ; devenu jésuite, il tenta de se soustraire à leur discipline ; il rentra dans l’ordre (la Compagnie de Jésus) et il y mourut. Sa vocation était ailleurs : il eût fait un savant érudit, un sage se partageant entre son jardin botanique et sa bibliothèque, et l’animateur d’un salon d’honnêtes gens accomplis où la curiosité d’esprit eût nourri une conversation spirituelle.

Or, à trente-cinq ans. à Huesca, il rencontra le héros de ses rêves et la vivante discrétion en la personne de Vicente Juan de Lastanosa (1607-1684), qui devint son ami. Dès lors, poussé par ce généreux et intelligent mécène, il se mit à écrire pour lui, pour son cercle d’amateurs de belles-lettres et d’antiquités que fréquentaient l’historien Juan Francisco de Andrés de Uztárroz (1606-1653), un chanoine de Toulouse, François Filhol, Jean de Médicis, des grands d’Espagne et même, en visite, le roi Philippe IV et le duc Gaston d’Orléans. Mais la Compagnie le mobilisa à d’autres fins. Gracián prêcha avec un grand succès à Madrid (1640), se lia avec Antonio Hurtado de Mendoza (v. 1590-1644), secrétaire du roi, devint confesseur du vice-roi de Navarre, bientôt vice-roi d’Aragon. Et il détesta les intrigants de cour. Puis on fit de lui le recteur du collège de Tarragone, où il collectionna des antiques. À Valence (1644), où il prêchait, il promit de lire au prochain sermon une lettre qui lui était parvenue directement de l’enfer : la Compagnie se fâcha non tant de sa joyeuse impudence, mais pour le scandale qu’elle allait provoquer. En 1646, chapelain auprès de l’armée royale, Gracián exaltait le courage des soldats qui venaient secourir Lérida assiégée par le comte d’Harcourt. « À lui seul, il pesa dans la victoire finale autant que 4 000 combattants. »