Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

Graal (légende du) et cycle arthurien (suite)

La Mort le Roi Artu est plus sombre. Galaad et Perceval disparus, la cour retombe dans ses erreurs passées. Lancelot n’a pas vraiment renoncé à Guenièvre. À cause d’elle, il laisse mourir la demoiselle d’Escalot et s’attire la haine de Gauvain, dont il a tué le frère Agravain. Les divisions entre les chevaliers de la Table ronde affaiblissent le royaume d’Arthur. Celui-ci monte pourtant au faîte de sa puissance après sa victoire sur les Romains, mais sa chute est proche, et, dans la plaine de Salisbury, il est mortellement blessé par Mordred, que le roman présente comme son fils incestueux. Lancelot et Guenièvre se retirent au couvent et meurent après une longue pénitence. La Mort le Roi Artu cultive le tragique et sacrifie le bonheur des héros à leur rédemption, qui est heureusement certaine.

Du Lancelot-Graal, les romans en prose ultérieurs vont conserver la technique de l’entrelacement, le rôle dévolu aux personnages féeriques comme Morgane ou Viviane, mère adoptive de Lancelot, et l’abondance des aventures, toute rencontre entre chevaliers se prêtant à de longs duels au terme desquels le vainqueur dérobe au vaincu ses femmes et ses chevaux. Il n’y manque que les aspects spirituels qui font la profondeur de la Queste ou de la Mort Artu. C’est pourquoi le Tristan en prose et Guiron sont des œuvres assez superficielles. Leur longueur est écrasante, et leur mystère se réduit souvent à celui des énigmes en vers qui surabondent au milieu des développements romanesques.

Guiron est le roman des ancêtres ; Perceforest, au xive s., remonte jusqu’au temps d’Alexandre, Isaïe le Triste, vers 1350, relate l’histoire du fils de Tristan et d’Iseut. Il semble qu’il ait existé, dès le xiiie s., d’autres versions rapportant les mêmes événements que ceux qui sont racontés dans Guiron ou même dans le grand cycle en prose ; le manuscrit de la Bibliothèque nationale (fr. 112) ou la continuation du Merlin appelée Huth Merlin permettent de deviner l’existence d’un Roman du Graal, où, en particulier, figurait l’origine des grands thèmes arthuriens : haine d’Arthur à l’égard de Baudemagus, père de Méléagant ; coup félon, dont le responsable est désormais le malchanceux Balain ; assassinat du père de Perceval par le père de Gauvain.

Il resterait à parler du roman breton après 1350. Méliador, de Froissart*, est assez médiocre. La plupart des autres œuvres sont tombées dans un oubli justifié. Et pourtant la littérature arthurienne sera volontiers éditée au xvie s. et charmera au xviie s. les belles dames romanesques qui se passionneront pour la Bibliothèque bleue.

Il faudrait aussi évoquer le succès des prestiges arthuriens à l’étranger, depuis le Lanzelot d’Ulrich von Zatzikhoven jusqu’au Parzival de Wolfram von Eschenbach, qui inspirera R. Wagner. Car les Allemands ont gardé le goût de leurs enchantements, de même que les Anglais, qui ont vu naître dans leur langue des chefs-d’œuvre comme Sir Gawain and the Green Knight au xive s., la Morte d’Arthur de Thomas Malory au xve s. et même les Idylls of the King d’Alfred Tennyson* au xixe s.

J.-C. P.

➙ Chrétien de Troyes / Courtoise (littérature).

 F. Lot, Étude sur le Lancelot en prose (Champion, 1919). / A. Pauphilet, la Tradition manuscrite et l’établissement du texte de la « Queste del Saint Graal » attribuée à Gautier Map (Champion, 1921). / E. Faral, la Légende arthurienne (Champion, 1930 ; 3 vol.). / J. Frappier, Étude sur « la Mort le Roi Artu », roman du xiiie siècle (Droz, 1937). / Les Romans du Graal aux xiie et xiiie siècles (C. N. R. S., 1957)./ R. S. Loomis (sous la dir. de), Arthurian Literature in Middle Ages (Londres, 1959). / R. S. Loomis, The Grail, from Celtic Myth to Christian Symbol (New York, 1963). / J. Marx, Nouvelles Recherches sur le cycle arthurien : origines et développement de la légende du Graal (Klincksieck, 1965).

grâce

Mesure de clémence prise en faveur d’un condamné par le chef de l’État et portant remise de tout ou partie de la peine prononcée contre lui.


La grâce est une prérogative traditionnelle du chef de l’État, qui lui est, en France, reconnue par l’article 17 de la Constitution de 1958. Elle constitue un pouvoir exorbitant qui lui permet en fait de paralyser la décision des tribunaux judiciaires, surtout les plus élevés ; elle est aussi le complément nécessaire d’institutions telles que les « circonstances atténuantes », qui ne concernent que les causes d’atténuation connues avant le jugement de condamnation, le « sursis », qui ne peut être accordé qu’aux délinquants primaires pour certaines condamnations, la « libération conditionnelle », qui ne peut être accordée qu’à des conditions très strictes, l’« amnistie », qui n’opère qu’aveuglément, et la « révision », qui ne permet pas de réparer sur-le-champ certaines carences judiciaires.


Les conditions d’octroi de la grâce

La grâce est accordée sur demande ou d’office. La demande de grâce n’est soumise à aucune règle de forme : elle peut être sollicitée par le condamné ou son défenseur, ou bien encore par toute autre personne se prévalant d’un intérêt matériel ou moral : le conjoint, les parents ou amis, les jurés réunis aux magistrats de la cour d’assises, le ministère public, l’administration pénitentiaire et même les héritiers du condamné décédé en ce qui concerne les peines patrimoniales ainsi que les tiers propriétaires d’objets confisqués ou d’établissements dont la fermeture a été ordonnée à titre de peine.

La grâce — qui est inspirée par des considérations d’intérêt public — peut être concédée également en l’absence de tout recours ; en cas de condamnation à mort*, même lorsqu’il n’y a pas de recours en grâce, le dossier est toujours transmis au président de la République, qui doit obligatoirement statuer sur l’opportunité d’une mesure de grâce.

Les recours en grâce sont instruits par le ministre de la Justice après, le cas échéant, examen préalable par les ministres intéressés. Le Conseil supérieur de la magistrature est consulté sur les recours concernant la peine capitale. Pour les autres recours en grâce, il peut déléguer l’un de ses membres pour prendre connaissance à la chancellerie des dossiers sur lesquels l’attention du président de la République lui paraît devoir être appelée. Ce dernier décide s’il y a lieu de consulter le Conseil supérieur de la magistrature qui émet son avis sur proposition du ministre de la Justice et après le rapport fait par un de ses membres désigné par le président de la République.