Aménophis IV (suite)
En réaction contre le parti pris de grâce et de beauté pure qui avait prévalu sous Aménophis III, la doctrine artistique est inspirée par un souci de naturel et de vérité menant au réalisme — et qu’Akhenaton poussa jusqu’à la caricature —, un amour sincère de la nature, une simplicité sans protocole qui fait revivre, sur les bas-reliefs et les peintures, les scènes les plus intimes de la famille royale (le roi, la reine et les six princesses).
L’aventure amarnienne sera unique, mais éphémère : quatorze ans dans une longue histoire.
En effet, en politique extérieure, Akhenaton, fanatique inconscient, eut une attitude opportuniste et maladroite ; il assiste, sans intervenir, à l’effondrement politique du Mitanni allié ; devant la « montée » du Hatti, il esquisse un rapprochement avec l’Assyrie, mais laisse les Hittites intriguer ouvertement dans les provinces phéniciennes et « syriennes » sous protectorat égyptien : Tyr, Byblos demandent en vain de l’aide ; un ambassadeur égyptien est tué... L’Égypte se tait. Akhenaton, prophète pacifique, perd toute influence et tout prestige dans les affaires internationales. Le grand Empire s’effondre.
À l’intérieur, l’État se dégrade : les impôts pèsent lourdement (les constructions nouvelles sont coûteuses) ; la réforme religieuse n’est pas populaire : elle est un trop grand bouleversement pour les consciences, arrachées à leurs habitudes ancestrales et à leurs magies rassurantes. Et, bien sûr, les prêtres d’Amon, persécutés, mènent sourdement la lutte.
Un rapprochement fut-il tenté dans les dernières années du règne entre ceux-ci et le roi, sectaire de plus en plus isolé ? Son gendre, Semenkhkarê, associé au trône, lui survécut quelques années ; puis le pouvoir passe à Toutankhamon (second gendre du roi, âgé de neuf ans), qui (inspiré par les « Amoniens ») rend au dieu thébain et à sa ville leur prestige antérieur, aux autres dieux leurs cultes, et clôt la brève hérésie.
C. L.
➙ Amarna / Égypte / Nouvel Empire.
A. E. P. Weigall, The Life and Times of Akhnaton, Pharaoh of Egypt (Londres, 1910 ; nouv. éd., 1922). / H. Schäfer, Amarna in Religion und Kunst (Leipzig, 1931). / J. D. S. Pendlebury, Tell el Amarna (Londres, 1935 ; trad. fr. les Fouilles de Tell el Amarna et l’époque amarnienne, Payot, 1936). / K. Pflüger, Horemheb und die Amarnazeit (Zwickau, 1936). / S. A. Mercer et F. H. Hallock (sous la dir. de), The Tell el-Amarna Tablets (Toronto, 1939 ; 2 vol.). / W. Helck, Die Beziehungen Ägyptens zu Vorderasien im 3. und 2. Jahrtausend vor Chr. (Wiesbaden, 1962). / E. F. Campbell, The Chronology of the Amarna Letters (Baltimore, 1964). / C. Aldred, Akhenaten, Pharaoh of Egypt (Londres, 1968 ; trad. fr. Akhénaton, Tallandier, 1970).