Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

aménagement du territoire (suite)

Au fur et à mesure que le temps passe, on voit l’aménagement de l’espace reprendre ses vraies dimensions : il n’est pas l’affaire de petits groupes de spécialistes. Les premiers aménageurs s’arrogeaient curieusement des droits qu’aucune société n’avait renoncé à exercer directement : les transformations actuelles, l’intérêt passionné de l’opinion pour tout ce qui touche à la qualité de l’environnement montrent que les groupes humains se trouvent plus que jamais concernés par la manière dont ils organisent l’espace, dont ils l’utilisent, dont ils font d’un milieu brut une cité harmonieuse. L’aménagement de l’espace revêt des aspects multiples : en tant que problème politique, il intéresse tout le monde ; comme problème technique, il nécessite l’emploi de méthodes de recherches très complexes, pour qu’apparaissent clairement les conséquences ultimes des paris faits aujourd’hui.

P. C.

➙ Agglomération / Collectivités territoriales / Espace géographique / France / Nuisance / Planification / Pollution / Urbanisation / Urbanisme / Ville.

 J. Gottmann et coll., l’Aménagement de l’espace (A. Colin, 1952). / J. R. Boudeville, les Espaces économiques (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1961 ; 2e éd., 1964) ; Aménagement du territoire et polarisation (Génin et Libr. techniques, 1972). / J. Gottmann, Essais sur l’aménagement de l’espace habité (Mouton, 1966). / J. Labasse, l’Organisation de l’espace (Hermann, 1966). / J. Monod et P. de Castelbajac, l’Aménagement du territoire (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1971).

Aménophis IV

Pharaon égyptien qui régna de 1372 à 1354 av. J.-C. environ.


Fils du roi Aménophis III et de la reine Tii, sang-mêlé, il n’était point de pure race « égyptienne » (à dominante sémitique) : sa grand-mère était une princesse mitannienne (donc de race aryenne) et sa mère était également une étrangère.

Lorsque Aménophis III meurt, le jeune prince Aménophis (« Qu’Amon soit satisfait ») est âgé de quinze ans, et Tii devient régente. Quatre ans plus tard, celle-ci ayant abandonné le pouvoir, Aménophis IV commence une aventure unique — mais éphémère — dans l’histoire de l’Égypte : il enlève à Amon sa qualité de dieu dynastique, faisant marteler partout ses images et son nom. Il confisque les biens de tous les cultes, supprime la classe sacerdotale et reconnaît la divinité du seul Aton (le soleil en sa forme de disque) : il s’en fait le grand prêtre, le culte étant désormais administré par les officiers royaux. Poursuivant la rupture avec les traditions historiques, il abandonne Thèbes et se construit une nouvelle capitale à Tell al-Amarna (325 km au nord de Thèbes), qu’il appelle Akhetaton (« l’Horizon d’Aton »), lui-même prenant le nom d’Akhenaton (« Celui qui est agréable à Aton »).

Révolution ? peut-être ; plus sûrement, évolution lentement poursuivie et qu’il appartenait à la personnalité, très caractérisée, du jeune souverain de mener à son terme le plus extrême.

Vers 1370, l’Égypte est un grand empire cosmopolite, qui, de la 4e cataracte du Nil jusqu’à l’Euphrate, réunit des peuples de races, de langues et de croyances diverses. En dehors de la personnalité politique de pharaon et souvent d’intérêts économiques communs, un lien idéologique s’avérait aussi nécessaire : or, les cultes solaires étaient importants en Asie antérieure ; et, dès Thoutmosis III (arrière-grand-père d’Akhenaton), le pharaon, que les princes vassaux appelaient « mon soleil », s’assimilait aussi bien à Amon-Rê d’Égypte qu’à Shamash de Babylone et de « Syrie ». Le syncrétisme solaire était alors un élément de politique internationale.

Dans le domaine intérieur, aussi grande que soit devenue la puissance temporelle du pharaon et en partie à cause d’elle — chaque victoire valant à Amon de nouvelles richesses —, un autre pouvoir, à la fois capitaliste et spirituel, la menace : celui du clergé d’Amon. Un conflit est latent, que soulignent le retour de faveur peu à peu officiellement accordée aux vieux dogmes solaires héliopolitains et la mention de plus en plus fréquente (depuis Aménophis Ier) du nom du dieu Aton, le disque lumineux, habitat privilégié, lieu commun de toute divinité solaire.

Si l’évolution historique peut parfaitement rendre compte du phénomène amarnien, il n’en demeure pas moins que la cause déterminante, qui devait brutalement conclure le processus engagé, fut le roi lui-même. D’un physique très particulier (ossature grêle, poitrine étroite, ventre proéminent, visage allongé à la bouche sensuelle, crâne volumineux et fuyant, nuque d’hydrocéphale) trahissant une complexion peu commune (ou quelque tare de santé ?), le jeune roi était d’un tempérament passionné, mystique, intransigeant. Il construisit une doctrine dont il se fit (avec son épouse Nefertiti — autre princesse mitannienne) le prophète jaloux et le défenseur acharné.

Poussant à son paroxysme une vieille tradition théologique, la doctrine religieuse proclame l’unicité d’Aton, cependant qu’Akhenaton détruit tout ce qui n’est pas l’objet de sa foi. S’opposant à ce sectarisme violent, une ferveur sincère, une pensée profondément humaine, hors de toute considération sociale ou politique, animent les admirables hymnes conservés sur les murs des chapelles funéraires de tombes d’Amarna : « Tu as créé la terre suivant ton désir, alors que tu étais seul. Tu es beau, grand, resplendissant au-dessus de la terre, ô grand disque de vie. C’est toi qui nourris l’enfant dans le ventre de sa mère, toi qui le calmes, pour qu’il ne pleure pas, toi qui donnes l’air pour animer tout ce que tu crées ; tu donnes le souffle de vie au poussin dans l’œuf. Lorsque tu apparais en l’horizon oriental, les ténèbres se dissipent, les Deux Terres sont en fête ; les hommes s’éveillent, sautent sur leurs pieds... et la terre entière se met au travail ; les arbres et les plantes croissent, les oiseaux volent, t’acclamant de leurs ailes décloses ; les poissons du fleuve sautent vers toi. Tout ce qui marche, tout ce qui vole, tout ce qui rampe, tout ce qui nage vit pour toi... Tu mets chaque homme à sa place, créant ce qui lui est nécessaire, tous, avec leurs biens ; leurs langues parlent diversement, comme sont divers leur aspect et leur peau, car tu as différencié les peuples... et tu crées leur vie à tous. » Idéal de fraternité, d’égalité, d’humilité, d’amour joyeux de toutes les créatures envers le créateur — qui inspirera fortement David le psalmiste et fait songer parfois au chant du saint d’Assise. Culte populaire, démocratique, qui se célèbre, sans mystères, en présence de la foule.