Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

giraviation (suite)

Les missions les plus variées leur ont été confiées : police, observation, évacuations sanitaires, appui des opérations héliportées, bombardement aveugle, P. C. volant, etc. C’est en Algérie que, pour la première fois et en vue d’assurer la protection rapprochée des hélicoptères au moment du « posé », on inventa et utilisa en opérations les hélicoptères armés (« H-34 Pirate »). De nombreuses missions militaires américaines vinrent en Algérie pour tirer les enseignements de cet emploi généralisé des hélicoptères dans les opérations contre la guérilla. Mais c’est au Viêt-nam, à partir de 1965, que l’hélicoptère, profitant des grands progrès technologiques accomplis (appareils à turbine et de tonnage nettement accru), a été employé massivement : 4 000 appareils à voilure tournante étaient en service au Viêt-nam en 1970 sur les 12 000 dont disposaient au total les Américains dans les trois armes. Les modèles utilisés étaient essentiellement : le Hugues « OH-6 Cayuse » transportant 4 hommes et servant à l’observation ; le Bell « AH-1 Huey-Cobra », hélicoptère d’appui équipé d’une tourelle de mitrailleuse, de lance-grenades et de roquettes ; le Bell « UH-1 Huey-Iroquois », version de transport du même appareil, enlevant 11 passagers en plus de 2 pilotes ; le Boeing-Vertol « CH-47 Chinook », enlevant 30 à 40 passagers ou 24 blessés et jusqu’à 7 t de fret en sling et spécialisé dans le support logistique ; enfin le Sikorsky « CH-54 Flying Crane », ou grue volante pouvant transporter 10 t en container accroché sous la poutre-fuselage et destinée au transport lourd sur courtes distances. La gamme étendue de ces appareils et leur grand nombre ont complètement modifié l’aspect des opérations : les problèmes logistiques, extrêmement complexes dans les opérations de jungle, ont pratiquement disparu pour les Américains. La possibilité de déplacer presque instantanément des unités importantes — plusieurs bataillons — avec leur armement lourd et leurs véhicules garantit contre toute surprise tactique de la part d’un ennemi qui ne dispose pas des mêmes moyens ; on peut même effectuer des missions à grande distance du type « raid de commandos » dans des conditions d’efficacité extraordinaires. Certaines opérations ont obtenu des résultats difficilement imaginables. Ainsi pour « Lam Son 719 », menée au Laos en février et en mars 1971, les pertes nord-vietnamiennes (14 000 tués) ont été dix fois supérieures à celles des Américains (66 tués) et des Sud-Vietnamiens (1 146 tués) réunis ; 94 hélicoptères seulement ont été perdus pour des causes diverses, y compris les accidents mécaniques, pour une moyenne de 2 000 vols quotidiens pendant 44 jours. Ces résultats doivent être attribués à la banalisation de l’hélicoptère, devenu la Jeep et le GMC volants. Il ne faut pas, cependant, oublier que ces hélicoptères, malgré leur fabrication en grande série, restent très coûteux : 2,5 millions de francs pour un « Huey-Cobra » et 8 millions pour un « Chinook ». Une guerre menée dans ces conditions réduit considérablement les pertes, mais inflige une lourde charge à l’économie américaine.

Les opérations du Viêt-nam ont révélé tout l’intérêt de l’hélicoptère et démontré sa fiabilité en service (la disponibilité du « Chinook » est passée de 33 à 71 p. 100 de 1963 à 1967, après plus de 100 modifications) ; mais l’ennemi a su réagir en multipliant la D. C. A., très efficace aux faibles altitudes où évoluent les hélicoptères, à la vitesse trop limitée encore pour se dérober facilement aux coups : les Américains ont perdu près de 3 000 appareils au Viêt-nam en cinq ans (les plus lourdes pertes se situant dans les années 1968 et 1969). Mais il faut rapprocher ce chiffre du nombre extraordinaire de sorties effectuées — de l’ordre de 125 000 par mois pour les seuls hélicoptères (de 400 à 500) de la division de cavalerie aéromobile (v. aéroporté). Le taux des pertes est à peu près de 1 pour 6 000 sorties, ce qui témoigne d’une vulnérabilité plus faible que celle des avions — du moins dans les conditions de cette guerre. Par contre, l’hélicoptère est touché plus souvent que les avions : 1 sur 400 sorties en moyenne ; il est vrai que les coups qui l’atteignent sont très largement le fait d’armes portatives.

Ainsi s’expliquent les desiderata des militaires pour les programmes à venir : des hélicoptères encore plus « rustiques » et fiables si possible, surtout plus rapides et plus manœuvrants, le blindage et les dispositifs de protection ou de sécurité devant encore réduire leur vulnérabilité. On comprend donc l’évolution actuelle des hélicoptères militaires : à rotor rigide, à voilure fixe déchargeant le rotor, à hélice auxiliaire propulsive, blindés, armés et dotés de plus de puissance ; en 1971, le Lockheed « Cheyenne », le plus récent des hélicoptères américains, atteignant 400 km/h, est caractéristique de cette tendance.

Une autre application militaire de l’hélicoptère est son emploi dans la lutte anti-sous-marine (ASM). Dans cet usage, on utilise la capacité de vol stationnaire prolongé d’un hélicoptère à partir duquel est immergé une bouée d’écoute des bruits émis par les sous-marins en plongée ; l’hélicoptère ASM, en se déplaçant de poste en poste, peut ainsi explorer très rapidement de grands espaces avec un très bon rendement. Il dispose souvent d’armements spéciaux (grenades, torpilles, bouées de marquage, etc.) qui lui permettent une intervention immédiate en exploitation de ses propres écoutes. C’est un hélicoptère moyen ou lourd, pourvu d’un équipement électronique abondant ; il est souvent mis en œuvre à partir de bâtiments de surface ou de porte-aéronefs, dont les derniers types sont les croiseurs porte-hélicoptères.

L’avenir de l’hélicoptère

Nul doute que les progrès enregistrés sur les machines militaires bénéficieront aux appareils civils ; cela est surtout vrai dans les domaines de la fiabilité et de la maintenance, très simplifiée à l’heure actuelle. L’amélioration de la vitesse, accroissant considérablement la rentabilité, est sans doute la performance la plus recherchée également pour l’emploi civil ; les solutions techniques propres à la procurer font évoluer la formule de l’hélicoptère classique vers des formules complexes plus proches des « combinés ». Avec le développement du trafic aérien et l’encombrement aux abords des grandes villes est né le besoin de lignes dites « de troisième niveau », caractérisées par des vols à courte distance et l’utilisation de plates-formes réduites. Les aéronefs les mieux adaptés à ce trafic semblaient devoir être des formules d’avions ADAC ou ADAV plutôt que des hélicoptères, considérés longtemps comme trop lents et peu rentables.

Ainsi, la route parcourue par l’hélicoptère depuis la machine de 1907 paraît bien longue ; aujourd’hui seulement, le vieux rêve de l’envol vertical, qui seul maîtrise complètement le problème des déplacements dans les trois dimensions, est proche de se réaliser au profit de l’humanité entière et pour résoudre ses problèmes les plus difficiles.

P. L.

➙ Aéronavale / Aéroporté / Aviation / Porte-aéronefs.

J. L.

➙ Aérodynamique / Aérotechnique / Propulsion / Vol (mécanique du).