Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

giraviation (suite)

L’ère utilitaire

Nous entrons dans l’« ère utilitaire » de l’hélicoptère. On verra ainsi se lancer dans la compétition Sikorsky avec son modèle « R-4 » dès 1941, puis Bell, Hiller, Cessna, Hugues, Kaman, Piaseki et bien d’autres. En U. R. S. S., c’est dès 1941 qu’Ivan P. Bratoukhine essaye ses « Oméga ». Depuis, les modèles de différents constructeurs n’ont cessé de se développer. En Grande-Bretagne, Bristol, Fairey, Rotodyne, Westland s’intéressent au même domaine. En France, toutes les sociétés ont des projets en étude : Breguet (« Gyroplane G-11 E ») et la S. N. C. A. S. O. sont celles qui obtiennent le plus vite des succès, en particulier cette dernière avec le « Djinn », premier hélicoptère à réaction construit en série dans les années 1950-1955.

Jusqu’en 1954, tous les hélicoptères du monde utilisaient des moteurs à pistons ; ce fut la chance de la France, grâce à la réussite des petites turbines Turboméca, de sortir la première un hélicoptère à réaction tous usages, l’« Alouette » ; la légèreté de ce type de moteur modifiait complètement le bilan des poids de cet aérodyne au profit de la charge marchande. C’est l’origine de la « percée » mondiale de la France dans le domaine des hélicoptères vers 1955.

• L’utilisation civile. La première utilisation à laquelle on a pensé dans le secteur civil a été le transport régulier sur courtes distances dans des zones fortement urbanisées. Avec des modèles américains, à moteurs à explosion, de tonnage moyen, permettant l’emport d’une douzaine de passagers (« S-58 » de Sikorsky), plusieurs essais d’exploitation de lignes commerciales avaient été tentés à partir de 1950 tant aux États-Unis (Los Angeles) qu’en Europe (Bruxelles-Paris par Sabena). Mais les charges offertes étaient trop faibles et les frais de fonctionnement encore trop élevés ; ces lignes ont, pour la plupart, disparu, sauf dans des cas très particuliers (liaison aéroport-centre ville à New York, par exemple).

L’U. R. S. S. reste le seul pays au monde à avoir beaucoup développé les hélicoptères pour le transport « commercial » au sein de l’Aeroflot ; c’est sans doute que, dans beaucoup de zones à développer, non encore dotées de réseaux de communication suffisants ou difficiles à équiper en raison du climat, le transport aérien est vital, surtout s’il peut aussi s’affranchir des immenses pistes nécessaires aux avions. Le coût de ce transport est sans doute élevé, mais il se justifie par l’absence de tout autre moyen concurrent. C’est l’U. R. S. S. qui a construit les plus gros hélicoptères du monde (« V-12 »).

Mais, dans tous les pays, l’hélicoptère trouve ses principales applications civiles dans deux domaines précis : celui de la surveillance aérienne et celui du travail aérien. Dans le premier, on utilise les qualités remarquables de l’observation aérienne permise par ce « balcon volant » idéal qu’est l’hélicoptère avec sa possibilité de vol stationnaire : surveillance des lignes électriques, des pipe-lines, des troupeaux de bétail, recherche de bancs de poissons ou de baleines, exploration générale, recherche géologique ou pétrolière, etc. Bien entendu, toutes les polices et gendarmeries du monde ont adopté l’hélicoptère pour l’observation des routes, la surveillance des manifestations et le maintien de l’ordre ; c’est encore l’hélicoptère qui assure la surveillance des plages et des autoroutes, et qui permet des interventions extrêmement rapides.

Dans le second domaine, on utilise surtout la capacité d’envol vertical et du vol stationnaire de l’hélicoptère pour déplacer des charges ; les emplois sont illimités et vont de la mise en place d’une girouette au sommet d’un clocher au transport d’éléments de pont ou d’équipements industriels les plus divers dans des zones inaccessibles par voie de surface. C’est dans cette catégorie qu’il faut placer les hélicoptères de sauvetage en mer ou en montagne et les appareils destinés à la lutte contre les incendies.

Alors que, dans son rôle de surveillance, l’hélicoptère utilisé est un appareil de 2 à 5 places, son emploi en travail aérien exige des machines plus lourdes d’au moins 1 t d’emport. On a même construit de véritables « grues volantes » pouvant enlever 10 ou 20 t sur de très courtes distances, bien que cette application très limitée justifie peu la fabrication en série de telles machines fort coûteuses.

• L’utilisation militaire. Mais, si le besoin civil restait limité et le marché encore peu étendu, les guerres de Corée et d’Indochine, puis celle d’Algérie montraient tout le parti qu’on pouvait tirer de l’hélicoptère. La guerre du Viêt-nam, enfin, voit le triomphe de cette formule. C’est surtout en Corée que, à partir de matériels « civils » transformés, des essais d’emploi tactique furent largement poussés : il s’agissait surtout d’opérations de transport rapide de petites unités (sections ou compagnies) pour assurer leur mise en place immédiatement avant le combat, puis leur soutien logistique et, éventuellement, leur repli. L’avantage retiré de cet emploi était évident ; mais, à l’expérience, dans les conditions réelles du combat, l’hélicoptère de l’époque 1951-1954 se révélait fragile et peu pratique à utiliser en raison de sa très faible capacité d’emport. Tous les chefs militaires de l’époque, convaincus de l’avenir de la formule, réclamaient un engin plus rustique. Il faudra attendre près de dix ans pour disposer de machines mieux adaptées. En Indochine, les hélicoptères (Hiller) furent utilisés, d’ailleurs en très petit nombre, seulement vers la fin et uniquement pour l’évacuation des blessés (Diên Biên Phu). Cependant, les constructeurs américains, encouragés par les programmes issus de la guerre de Corée, sortaient des appareils plus puissants et mécaniquement plus endurants (Sikorsky, Vertol), tandis que Sud-Aviation présentait l’« Alouette », première machine à turbine enlevant 5 passagers. La guerre d’Algérie a été la première à voir la tactique complètement modifiée par l’utilisation de l’hélicoptère : 300 appareils furent en service (128 « légers » Bell et « Alouette », 48 « moyens » Sikorsky « H-19 » et 124 « lourds » Sikorsky « H-34 » et Vertol « H-21 » à 10-14 places de passagers).