Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

Ghirlandaio (Domenico) (suite)

En 1475, Ghirlandaio exécute les deux fresques latérales (Saint Grégoire annonçant sa mort à sainte Fine, et les Funérailles de sainte Fine) dans la chapelle de Santa Fina, à la collégiale de San Gimignano. La première révèle un artiste attiré par l’observation des choses familières. Cette attention aux détails quotidiens se confirme dans les deux fresques de l’église Ognissanti de Florence : Saint Jérôme et le Cénacle.

Domenico consolide sa réputation lorsque le pape lui demande de participer à la décoration de la Sixtine en 1481. Il y peint à fresque la Résurrection, aujourd’hui détruite, et la Vocation de Pierre et André. Dans cette scène, une de ses œuvres les plus importantes, le peintre joue avec les deux constituantes essentielles de son art, la monumentalité adoucie par une attention de la réalité ; beaucoup de personnages importants de la colonie florentine de Rome y étaient reconnaissables.

Ce talent de portraitiste est plus évident encore dans la décoration de la salle des Lys du palazzo Vecchio de Florence, faite de portraits d’hommes illustres. Ghirlandaio devient l’artiste le plus demandé de la bourgeoisie de Florence, chroniqueur de cette société qu’il met en scène dans des lieux reconnaissables, où la narration sacrée ne constitue qu’un prétexte. Le 25 décembre 1485, il termine les travaux de la chapelle Sassetti à Santa Trinita (Vie de saint François).

En 1486, il entreprend pour Giovanni Tornabuoni les fresques du chœur de Santa Maria Novella. Ce travail de quatre années, qui narre la vie de la Vierge, met en lumière le talent de Ghirlandaio pour raconter avec sobriété la vie de son temps, émaillée de détails caractéristiques. Domenico exécute parallèlement d’autres commandes : le Couronnement de la Vierge pour la cathédrale de Narni (1486) ; l’Adoration des Mages (Florence, Offices, 1487), l’Adoration de l’hôpital des Innocents (1488). Il est l’auteur de nombreux portraits, comme celui de Giovanna Tornabuoni (Lugano, coll. Thyssen-Bornemiza, 1488), où la jeune femme est présentée avec l’éclat du luxe et de la jeunesse.

Les commandes affluent, expliquant la participation de plus en plus importante de l’atelier. Les collaborateurs les plus marquants, en dehors des deux frères déjà cités, en sont Sebastiano Mainardi (v. 1460-1513), Francesco Granacci (1477-1543) et Michel-Ange* jeune.

Pour les dernières œuvres, comme le Saint Juste (Volterra, pinacothèque), Domenico se contente de donner des esquisses et des dessins. À sa mort, il est enterré dans l’église Santa Maria Novella.

N. B.

 M. Chiarini, Ghirlandaio (Milan, 1968).

Giacometti (Alberto)

Sculpteur et peintre suisse (Stampa 1901 - Coire 1966).


Sauf pour la période 1942-1945, qu’il passa à Genève, toute sa carrière, depuis 1922, s’est déroulée à Paris.

Fils du peintre postimpressionniste Giovanni Giacometti (1868-1933) et neveu d’Augusto Giacometti (1877-1947), qui assura une sorte de transition entre l’impressionnisme et l’abstraction lyrique, Alberto fait preuve de dons précoces en peinture et en sculpture. En 1919, il s’inscrit à l’école des arts et métiers de Genève pour y étudier la sculpture. Au cours des deux années qui suivent, il découvre l’Italie et ses trésors, s’enthousiasme pour la mosaïque byzantine, Bellini, Cimabue, Giotto, le Tintoret, l’architecture baroque et la sculpture égyptienne. À Paris, en 1922, il entre dans l’atelier de Bourdelle* à l’académie de la Grande-Chaumière, où il restera trois ans. On peut penser que ce qu’il y a à la fois de crispé et de hiératique chez Bourdelle marquera le jeune sculpteur, qui paraît également avoir hérité de son maître le sens de la relation spatiale et, pour plus tard, le goût à la fois torturant et torturé du modelage.

Mais Giacometti éprouve les plus grandes difficultés à travailler alors d’après le modèle. La sculpture cubiste, l’art de l’Afrique noire et celui des Cyclades l’encouragent à l’épure lyrique, aux formes simples mais inventées (Femme-Cuillère, 1926). Cependant, ces volumes élémentaires, loin de le conduire à de pures spéculations formelles, s’enrichissent au contraire des obsessions qu’elles accueillent et fortifient, les unes liées déjà à la hantise de la tête de mort devinée sous le visage (Tête qui regarde, 1928), les autres à des fantasmes sexuels relevant peut-être d’un sentiment de castration (Homme, Femme couchée qui rêve, 1929). C’est alors que Giacometti entre en contact avec les surréalistes et participe (de 1930 à 1935) à leurs activités.

De nombreux peintres ont déjà adhéré au surréalisme* ; Giacometti est le premier sculpteur à rejoindre le mouvement. Ses obsessions et ses fantasmes s’épanouissent dans une série d’œuvres étranges et déroutantes, inspirées par l’agressivité ou le désir, ceux-ci maintenus à l’état de menace ou s’accomplissant, ou encore susceptibles de passer de la virtualité à l’accomplissement. La mobilité impliquée par ce passage est notamment à l’origine de la Boule suspendue, dite encore l’Heure des traces (1930), qui allait entraîner la naissance des « objets surréalistes à fonctionnement symbolique ». Le témoignage de Giacometti sur la gestation du Palais à quatre heures de l’après-midi (1932, Museum of Modern Art, New York) permet d’affirmer qu’il opérait à ce moment « sous la dictée » de l’inconscient et que, plus particulièrement dans cette « mise en scène » du sentiment amoureux, il se trouvait sans doute dans la même situation que le De Chirico* des places d’Italie. Enfin, l’Objet invisible (1934-35), dont André Breton a commenté la genèse dans l’Amour fou (1937), peut être tenu, comme l’écrivait celui-ci, « pour l’émanation même du désir d’aimer et d’être aimé ».

Cette œuvre admirable et secrète, qui semble plongée dans une rêverie aussi tendre que définitive, marque à la fois le sommet de la période surréaliste de Giacometti et sa fin. Sitôt après, le sculpteur se trouve sensiblement dans la même attitude que le somnambule arraché brusquement à son sommeil ambulatoire. Comme De Chirico encore, le « retour au réel » qu’il affirme se traduit à la fois par l’éloge des valeurs du passé (admiration pour Derain*, amitié avec Balthus* et Francis Gruber) et par l’impuissance à assumer ce retour. En effet, la statue s’amenuise jusqu’à disparaître entre ses doigts, à l’exception de quelques exercices académiques (Isabel, 1936-37). De ce long tunnel de onze ans (1935-1946) émerge seulement, en 1937, l’amorce de l’œuvre picturale, qui se développera désormais parallèlement à la sculpture.