Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

gaz (suite)

Fonctions caractéristiques des gaz parfaits

L’énergie interne U d’un gaz parfait et, par suite, son enthalpie H = U + pv sont fonction de T seul ; et ne peuvent aussi, on le voit, dépendre que de T. L’entropie* molaire d’un gaz parfait a pour expression
S = S0 + R Log v/v0 + cv Log T/T0
si, pour simplifier, on considère cv comme constant. Une autre expression équivalente est
S = S0 – R Log p/p0 + cp Log T/T0.
On déduit de là l’équation des isentropiques du gaz parfait, courbes du plan v, p, le long desquelles l’entropie du gaz demeure inchangée. On doit avoir, en effet,
R Log v/v0 + cv Log T/T0 = 0,
ou
– R Log p/p0 + cp Log T/T0 = 0,
ou, par combinaison,
cv Log p/p0 + cp Log v/v0 = 0,
équivalant à p . vγ = constante, avec γ = cp/cv. C’est l’équation de Laplace. L’enthalpie libre molaire (v. potentiels thermodynamiques), importante pour les applications à la chimie, G = H – T . S, s’écrit
G = H(T) – TS0 – Tcp Log T/T0 + RT Log p/p0,
c’est-à-dire
G = RT [Log p/p0 + φ(T)].


Mélanges de gaz

Les gaz diffusent les uns dans les autres, et le mélange est finalement toujours homogène. L’expérience a montré à Berthollet* que le mélange de deux gaz, comme H2 et CO2, effectué à température et volume total constants, n’entraîne aucune variation de la pression. Si l’on appelle pression partielle d’un gaz dans un mélange la pression qu’exercerait ce gaz s’il occupait seul à la même température le volume total du mélange, et si l’on suppose la loi de Mariotte applicable à chacun des gaz, on a (p1 et p2 désignant les pressions partielles et p la pression totale) : p1(v1 + v2) = pv1, p2(v1 + v2) = pv2 ; d’où p1 + p2 = p. La pression totale du mélange est égale à la somme des pressions partielles des deux gaz ; c’est la loi de Dalton.

En fait, aucun gaz réel ne suit rigoureusement la loi de Mariotte, et l’on observe toujours pour les mélanges des écarts à la loi de Dalton, laquelle n’est rigoureuse que pour les mélanges de gaz parfaits. Pour n gaz parfaits d’abord séparés et dont les conditions initiales sont, pour le premier, p1v1T1, etc., la pression p, le volume v et la température T du mélange satisfont à la relation pv/T = Σpivi/Ti, qui résulte de la loi de Dalton et de l’équation des gaz parfaits.


Fonctions caractéristiques du mélange de gaz parfaits

La diffusion mutuelle est pour chaque gaz comme une détente dans le vide, sans variation de température, donc avec conservation de l’énergie interne et de l’enthalpie de chaque gaz. Cette détente est cependant irréversible : il y a donc création d’entropie par le mélange.

Soit par exemple l’expérience de Berthollet, les gaz étant parfaits : par diffusion isotherme des n1 moles du premier gaz dans le volume final, l’entropie croît de ΔS1 = n1 R Log p/p1 ; celle du second croît de même de ΔS2 = n2 R Log p/p2, p étant la pression initiale de chaque gaz, p1 et p2 leurs pressions partielles dans le mélange (p1 + p2 = p). L’entropie de mélange est donc
ΔS = R(n1 Log p/p1 + n2 Log p/p2) ;
si par exemple n1 = n2 = 1,
ΔS = 2R Log 2 = 11,54 J . K–1.
Si cependant il s’agit, dans l’expérience précédente, de deux portions d’un même gaz, l’entropie de mélange est donnée par application de la formule précédente si l’on exprime le fait qu’il y a mélange, alors qu’elle n’apparaît pas si l’on considère l’état final comme celui d’un seul corps pur : c’est là le « paradoxe de Gibbs », que la thermodynamique statistique et le principe d’indiscernabilité des molécules identiques permettent d’écarter.


Théorie cinétique des gaz

Fondée par Daniel Bernoulli* (1730), elle a été précisée par Maxwell* et par Clausius, de nombreux autres savants ont contribué à son développement. Les gaz sont formés de molécules très nombreuses et très petites, animées de mouvements incessants, rapides et désordonnés, constamment modifiés par les chocs mutuels et par ceux contre les parois : ce sont ces derniers chocs qui créent la pression du gaz. Tous les chocs sont parfaitement élastiques, ce qui permet au mouvement des molécules de persister indéfiniment sans apport d’énergie extérieure. L’observation du mouvement brownien dans les gaz fournit une image, indirecte mais saisissante, de l’agitation moléculaire : des grains de poussière d’une dimension inférieure au micron, en suspension dans un gaz, sont observés au microscope dans une direction perpendiculaire à celle suivant laquelle ils sont éclairés ; seuls pénètrent dans l’instrument les rayons diffractés par ces grains, qui dès lors apparaissent, sur le fond obscur du champ d’observation, comme autant de points brillants. On constate que ces points brillants sont, même dans un gaz en équilibre thermique, animés de mouvements désordonnés, d’autant plus rapides que les grains sont plus petits : ils sont en effet « bousculés » par les molécules du gaz qui les heurtent ; trop gros, leur déplacement serait insensible, car des chocs très nombreux sur le même grain se compensent à chaque instant.

Dans chaque élément de volume du gaz, les vitesses des molécules sont à chaque instant distribuées, en grandeur et direction, suivant une même loi, due à Maxwell, identique à la loi des erreurs de Gauss* (loi des grands nombres) et qui se traduit par une courbe en cloche (v. figure). Il est impossible cependant de prévoir, pour chaque molécule et à chaque instant, son mouvement : une des caractéristiques de la théorie cinétique est de ne considérer que des valeurs moyennes des diverses grandeurs, telles que vitesse ou énergie cinétique des molécules. À la répartition prévue par la loi de Maxwell correspondent une vitesse moyenne et une vitesse quadratique moyenne, distincte (bien que voisine) de la précédente et définie par la condition que son carré soit la moyenne des carrés des vitesses.

La théorie cinétique fournit une interprétation de la pression du gaz et de sa température ; elle conduit aussi, moyennant une hypothèse sur les actions intermoléculaires, à l’équation d’état du gaz. Elle donne une interprétation de la viscosité du gaz et prévoit, ce que l’expérience confirme, l’indépendance de cette viscosité à l’égard de la pression. Elle permet le calcul de la conductibilité thermique du gaz. Elle fournit, à l’aide du principe dit « d’équipartition de l’énergie » (Maxwell, Boltzmann*), une théorie des chaleurs* massiques des gaz ; un peu sommaire, cette dernière théorie a été améliorée par l’intervention des quanta.