Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

garde (suite)

Garde des souverains

L’origine des gardes est liée à la personne des souverains ou des princes, ou, plus généralement, des responsables des pouvoirs publics. De tout temps, ceux-ci ont cherché à s’entourer de soldats fidèles, auxquels ils confiaient la charge de les protéger. Parmi les plus célèbres de l’Antiquité, il faut citer les 10 000 Immortels de Darios et surtout la garde prétorienne de Rome, chargée, en temps de guerre, de la sécurité des consuls, puis de celle de l’empereur (elle fut dissoute par Constantin).

En France, Philippe Auguste constitue le premier une garde personnelle de sergents d’armes, qui, au nombre de 80 à Bouvines (1214), forment la réserve de son armée. En 1453, Charles VII leur substitue une première compagnie de gardes du corps : 125 Écossais dont la fidélité a été prouvée au cours des guerres contre les Anglais. Louis XI y ajoute une seconde compagnie de gardes du corps (1470), composée de Français, puis, coup sur coup, une compagnie de cent gentilshommes de la Maison du roi (dite « à bec-de-corbin », du nom de leur hache d’arme) [1474] et les cent-suisses (1481). Charles VIII forme une deuxième compagnie de gentilshommes de la Maison du roi en 1498, et, en 1545, François Ier porte à quatre les compagnies de gardes du corps. Henri IV et Louis XIII y ajouteront les chevau-légers (1593), les gendarmes de la garde (1611), le régiment des gardes suisses (1616), les mousquetaires de la garde du roi (1622). Mais c’est Louis XIV qui lui donne sa forme définitive en créant en 1671 la Maison du roi, qui, aux xviie et xviiie s., sera à la fois le symbole du prestige royal, une école de cadres pour l’ensemble de l’armée et, en temps de guerre, une réserve de cavalerie et d’infanterie (v. Louis XIV, la Maison du roi). Après sa dissolution en 1789, la Maison du roi est remplacée par une garde constitutionnelle du roi de 1 800 hommes. Seule subsiste la garde suisse, qui, demeurée fidèle jusqu’au bout, défendra Louis XVI le 10 août 1792.

La période révolutionnaire connaît les formations éphémères des gardes de l’Assemblée, de la Convention, du Corps législatif et du Directoire.

Mais Bonaparte reprend le principe de la garde en créant la célèbre garde des consuls, qui se transformera en 1804 en garde impériale et sera doublée en 1813 par la garde d’honneur, attachée à la personne de Napoléon et qui comprend un nombre élevé de représentants des grandes familles de l’Ancien Régime.

C’est sous Louis XVIII qu’apparaît en France pour la première fois le terme de garde royale, qui rassemble une vingtaine de régiments (dont deux de Suisses). Louis-Philippe — le roi citoyen — tient à confier sa sécurité à la garde nationale, et il faut attendre le second Empire pour voir reconstituer par Napoléon III la garde impériale, qui sera la dernière garde personnelle ayant existé en France.

À partir de la IIIe République, c’est la garde de Paris qui, dans le cadre de la gendarmerie nationale, assure la mission de garde d’honneur du chef de l’État.

De leur côté, toutes les monarchies européennes auront leur garde du souverain. Parmi les plus célèbres on citera :
— à Vienne, la garde de la Cour (Hofgarde), qui comprend une garde du palais (Hofburgwache) et un escadron, appelé en français « garde du corps », disparu en 1918 ;
— à Madrid, les compagnies de hallebardiers et l’escadron de la garde royale (dissous en 1931) ;
— à Londres, les célèbres régiments de la garde royale, dont les plus connus sont les horse-guards (créés en 1819) et les life-guards (dont l’origine remonte à 1670), qui, comme les grenadiers de la garde, ont conservé leurs anciens uniformes traditionnels ;
— à Rome, la garde suisse, qui, seule, subsiste de l’ensemble des corps militaires pontificaux (garde noble, créée par Innocent VIII en 1485, garde palatine d’honneur, gendarmerie pontificale) dissous par le pape Paul VI en 1970.

Si toutes les gardes qui viennent d’être évoquées ont eu pour origine la protection et le service personnel d’un souverain, on remarque qu’en temps de guerre elles ont tout naturellement joué, avec des effectifs considérablement accrus, un rôle important dans la constitution des armées. Ce fut le cas de la Maison du roi de Louis XIV, des gardes impériales du premier et du second Empire, comme aussi de la garde prussienne, devenue après 1871 la garde du Kaiser, qui formera plusieurs divisions pendant la Première Guerre mondiale. Il en fut de même de la garde impériale russe, formée, surtout à partir de Pierre le Grand, par les tsars et forte de cinq divisions en 1914. Son prestige est demeuré si grand en Russie qu’en 1941 Staline n’hésite pas à recréer dans l’armée rouge des unités de la garde, qui comprennent des divisions et même des « armées de la garde ».


Gardes nationales

Alors que les gardes « personnelles » et leurs dérivées trouvent leur origine dans la personne des souverains, les formations appelées en France depuis 1789 gardes nationales sont les héritières des milices communales. Il ne s’agit donc pas de formations de l’armée « réglée », mais d’unités de police qui prirent à Paris la suite du guet royal. Comprenant 128 cavaliers et 950 fantassins, celui-ci fut rapidement débordé par les troubles de juillet 1789. L’Assemblée exigeant que les troupes soient éloignées de la capitale, les électeurs de Paris demandèrent la création d’une garde bourgeoise de 60 bataillons pour « assurer la défense intérieure et agir contre les perturbateurs de l’ordre et de la tranquillité publique ». Quelques jours après, La Fayette, mis à sa tête, lui donna le nom de garde nationale. Ses membres furent dotés de la cocarde tricolore, pour les distinguer des militaires, qui, seuls, avaient droit à la cocarde blanche, et ses officiers furent élus. L’exemple de Paris fut imité de toutes les grandes villes, et la garde nationale, que Robespierre considérait comme « un contrepoids au chef de la force militaire », jouera un rôle important dans les grandes journées révolutionnaires, notamment les 20 juin et 10 août 1792. Écrasée par Bonaparte le 13 vendémiaire, elle fut dissoute en 1796, mais reparut en 1805 comme milice bourgeoise départementale articulée en légions, cohortes et compagnies qui fourniront 80 000 hommes à l’armée en 1813. Symbole de défense de l’ordre établi, elle est l’émanation des classes bourgeoises : c’est en uniforme de la garde nationale que le comte d’Artois, mis à sa tête par Louis XVIII, rentre à Paris en 1815. Dissoute de nouveau en 1827, elle est recréée en 1831 par Louis-Philippe, qui l’appelle « sa garde préférée ». Les gardes nationaux, recrutés parmi les citoyens de vingt à soixante ans et placés sous les ordres du ministre de l’Intérieur, soutiendront d’abord la monarchie de Juillet : leur défection en février 1848 provoquera la chute du régime. Réorganisée en 1852, la garde nationale cesse d’exister de façon permanente, et ses officiers sont désormais nommés par le ministre. Devenue dès lors une sorte de troupe auxiliaire sans grande valeur militaire, elle sera appelée à l’activité en 1870 et participera à la garde des fortifications de Paris. Son ralliement à la Commune entraînera sa dissolution définitive en 1871.

H. de N.