Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

gallicanisme (suite)

Vers le gallicanisme politique

Selon Victor Martin, le gallicanisme « consiste dans l’accord du roi et du clergé pour gouverner l’Église de France en contrôlant et en refrénant l’ingérence du Saint-Siège, en prétendant s’appuyer sur des droits anciennement acquis ». Au xvie s., pourtant, on avait constaté un progrès des idées ultramontaines, sous l’influence du cardinal de Lorraine. C’est le concile de Trente et surtout le problème de sa réception en France qui allaient ranimer le conflit.

En effet, les décrets du concile heurtaient les deux convictions principales des gallicans, à savoir que le pape est inférieur à l’Église réunie en concile œcuménique et que le roi de France ne reconnaît ici-bas aucune juridiction supérieure. L’opposition fut d’abord royale et parlementaire, alors que l’Église de France semblait adopter les thèses romaines. Au clergé qui le presse, le parlement répond : « Qu’avez-vous besoin pour vous réformer de chercher des lois hors de France ? » La ligue ultramontaine et espagnole qui soutenait les décisions tridentines contribua par son échec à déconsidérer cette cause. Sous Henri IV, une véritable guerre de libelles et de pamphlets se déchaîna entre partisans et ennemis du gallicanisme.

Le plus célèbre controversiste, et dont les idées inspireront la Déclaration de 1682, fut Pierre Pithou (1539-1596). Son Recueil des libertés de l’Église gallicane (1594) resta jusqu’à la Révolution la bible des gallicans. Il fondait les droits du royaume sur le sacre royal et sur les bienfaits que l’Église devait à la monarchie française.

Pithou devait être relayé en 1611 par un autre gallican, Edmond Richer (1559-1631), le propre syndic de la faculté de théologie de la Sorbonne. Dans son Libellus, il soutint que l’autorité législative de l’Église résidait dans l’épiscopat et il déniait à l’Église toute autorité dans le domaine temporel. L’ouvrage conquit les parlementaires, et les députés parisiens proposèrent, à l’occasion des états généraux réunis par Louis XIII en 1614, de proclamer les opinions de Richer lois fondamentales du royaume. Le tiers accepta. La résistance vint du clergé, auquel se rallia la noblesse ; il contre-attaqua en demandant au roi de recevoir le concile de Trente comme loi du royaume. Ses champions étaient le cardinal du Perron et un jeune évêque du nom de Richelieu. Louis XIII interdit au parlement de faire siennes les thèses de Richer ; mieux, l’année suivante, l’assemblée du clergé de France recevait pour son compte le concile de Trente.

Mais, dès l’époque d’Henri III, un autre courant s’était dessiné, celui du tiers parti, épris d’ordre fondé sur la stabilité et la toute-puissance de l’institution monarchique. Ce parti se renforça sous Henri IV, en réaction contre les excès des ligueurs. Dès cette époque, une théorie du pouvoir royal absolu était dans l’air ; le clergé, désireux de paix et de tranquillité, s’y rallia tout naturellement et ne vit pas en 1614 la contradiction de son attitude.


Le gallicanisme au xviie s.

Une série d’événements précipita l’évolution du clergé. Le plus important fut l’affaire de la censure des libelles (1626) qui attaquaient le roi, Richelieu et les gallicans. Ils furent condamnés par la Sorbonne, mais le pouvoir voulut profiter de la tenue de l’assemblée du clergé de France à Paris pour y associer toute l’Église nationale.

L’évêque de Chartres, chargé de la censure, exposa la doctrine de l’absolutisme royal le plus radical. Une partie du clergé, appuyée par le nonce, se montra hostile, et Richelieu dut intervenir pour qu’elle se soumît. L’assemblée approuva alors le texte suivant : « 1o pour quelque cause et occasion que se puisse être, il n’est permis de se rebeller et prendre les armes contre le roi ; 2o tous sujets sont tenus d’obéir au roi et personne ne peut les dispenser du serment de fidélité ; 3o le roi ne peut être déposé par quelque personne que ce soit. »

Ces décisions, prises une dizaine d’années après les états de 1614, montrent bien le chemin parcouru. Avec le progrès de l’absolutisme sous Richelieu et son triomphe sous Louis XIV, il ne fut plus possible de maintenir des réserves.

En janvier 1663, le parlement profita d’une soutenance de thèse pour imposer à la Sorbonne son adhésion entière aux doctrines gallicanes. Il l’obtint. Il s’agissait alors de seconder le roi dans sa politique d’intimidation contre Alexandre VII.

La déclaration de 1682 eut pour origine la question de la régale*, qui mettait aux prises Louis XIV et Innocent XI. En 1673, le souverain avait déclaré tous les sièges du royaume sujets à la régale. Il y eut seulement deux évêques opposants, deux jansénistes, Nicolas Pavillon (1597-1677), évêque d’Alet, et Étienne François de Caulet (1610-1680), évêque de Pamiers. Innocent XI les soutint et parla même en 1680 d’excommunier le roi. Dans cette affaire, Louis XIV obtint l’appui de l’assemblée du clergé.

Paradoxalement, les évêques défendaient le roi contre le pape en une occasion où ce dernier voulait sauvegarder les droits de l’épiscopat gallican. Encouragé par ce succès, Louis XIV fit demander par cinquante-deux prélats réunis à Paris en 1681 la convocation d’un concile national ou d’une assemblée générale. C’est ce qu’on appela la Petite Assemblée. Le roi préféra choisir l’assemblée générale, qui lui permettait d’éloigner les évêques peu sûrs.

Le but de Louis XIV était d’abord d’affirmer son pouvoir absolu face à la papauté, ensuite de se garantir d’une éventuelle excommunication et de mettre fin aux interventions du pape dans les affaires du pays, sans parler des problèmes particuliers à cette époque comme la régale ou le schisme de Pamiers.

L’assemblée se réunit donc et, sous l’influence de Bossuet*, rédacteur de la Déclaration des quatre articles, répondit totalement au vœu royal. Que contenaient ces articles ? Le premier affirmait que Pierre et ses successeurs, n’ayant reçu de Dieu qu’un pouvoir spirituel, les rois n’étaient soumis en matière temporelle à aucune puissance ecclésiastique. En conséquence, ils ne pouvaient être déposés, ni leurs sujets dispensés de la soumission qu’ils leur devaient.