Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
G

Galles (pays de) (suite)

La société galloise

Au moment où le rôle de l’Église s’affaiblit, le roi de Mercie Offa (roi de 757 à 796) construit l’Offa’s dyke, un long ouvrage de terre battue qui contribue largement à la fixation d’une frontière nette entre les pays anglo-saxons et le pays de Galles. À l’abri de ce rempart, la société galloise peut préserver son originalité.

Quatre royaumes se partagent les terres à l’ouest du « dyke » : du nord au sud, le Gwynedd, dont le roi, descendant de Cunedda, réside à Anglesey, le Powys, le Deheubarth, centré sur le Dyfed, et le Morgannwg, composé du Gwent et du Glywysing. Ces royaumes sont subdivisés en « cantrefs », territoires occupés par une tribu. La tribu est formée de clans familiaux, définis par les liens de parenté agnatiques. Tout un réseau complexe d’obligations et de solidarités enserre ainsi chaque individu. Mais cette structure est encore compliquée par l’existence, au sein de la société galloise, de cinq catégories distinctes ; si l’esclave (caethion) et l’étranger (alltudion) ne font pas partie du système tribal et ne peuvent donc avoir aucun droit sur les terres, les serfs (aillt), soumis à de nombreuses contraintes, les hommes libres (bonheddigion) et les rois et leur parenté en sont les éléments constitutifs. Un droit extrêmement complexe régit la propriété de la terre (souvent collective) et les relations tribales.


Épreuves et affirmation (844-1066)

À partir de 850, les invasions scandinaves dévastent le pays. Partis du Yorkshire et d’Irlande, où ils sont établis, Norvégiens et surtout Danois portent des coups terribles aux côtes galloises. Anglesey (le nom de l’île est d’ailleurs scandinave) et Saint David’s sont ravagés plusieurs fois. Toutefois, une politique d’alliance étroite avec les Anglo-Saxons et l’action de certains princes capables, tels Rhodri le Grand (Rhodri Mawr, tué en 878), un roi de Gwynedd et Howel le Bon (Hywel Dda) au milieu du xe s., permettent au pays de Galles de résister à l’orage. À partir du xie s., les raids vikings perdent de leur intensité, et des alliances sont souvent nouées entre princes gallois et scandinaves.

C’est en tout cas une période riche en contrastes. Au règne unificateur de Rhodri succède l’anarchie. Howel, qui a édifié un Deheubarth puissant, s’illustre encore par un pèlerinage à Rome (928) ; en 942, il s’assure le Gwynedd et le Powys. C’est à lui que l’on doit ce qui est sans doute le legs le plus important du Moyen Âge gallois : la codification du droit gallois, un document d’une exceptionnelle valeur, qui fera plus pour la conservation de l’individualité galloise que bien des guerres. Pourtant, à sa mort en 950, c’est de nouveau l’anarchie, et il faut attendre l’apparition de Gruffydd ap Llewelyn, roi de Gwynedd et de Powys en 1039, pour assister à un renouveau : il inflige défaite sur défaite aux Anglo-Saxons (1039, 1052, 1055, 1056) et conquiert le Deheubarth (1055). S’il est en fin de compte battu en 1063 par le comte Harold, le vaincu de Hastings, et assassiné par ses hommes, son règne n’en manifeste pas moins la vitalité du pays de Galles à la veille de l’arrivée des Normands en Angleterre.


De la poussée normande à la conquête édouardienne (1066-1282)


La poussée normande (1066-1139)

Les Normands, occupés par leur nouvelle conquête anglaise, ne songent pas tout d’abord à s’approprier d’un seul coup le pays de Galles. Guillaume le Conquérant a organisé des comtés particulièrement puissants sur la frontière galloise : Chester, Hereford et Shrewsbury. À partir de ces bases, les barons normands étendent leurs domaines au détriment des princes gallois ; sous le règne de Guillaume le Roux, Anglesey est atteinte par les Normands : des châteaux normands s’élèvent à Bangor, Caernarvon, Cardigan, Pembroke. Certes, l’action entreprise par des rois d’Angleterre contre les barons turbulents a son effet et freine un moment l’activité des « seigneurs des Marches », gênée en outre par l’inexistence de leur flotte. Mais l’habile diplomatie d’Henri Ier, l’installation sur la frontière de la famille de Clare réduisent bientôt le pays de Galles indépendant au seul Gwynedd.


Un essai de « coexistence pacifique » (1139-1189)

L’interrègne qui fait suite à la mort d’Henri Ier offre leur chance aux Gallois : alors que les seigneurs des Marches se tournent vers l’Angleterre, où ils ont pris le parti de Mathilde, les Gallois récupèrent peu à peu toutes les terres un moment perdues.

Lorsque Henri II monte sur le trône en 1154, les royaumes de Gwynedd, du Powys et du Deheubarth ont largement mordu sur les terres anglaises. Le roi adopte tout d’abord une stratégie offensive, mais ses difficultés (meurtre de Thomas Becket, conquête de l’Irlande par le comte de Pembroke, dont la puissance peut paraître menaçante) et la position dominante qu’a su s’assurer au pays de Galles Rhys ap Gruffydd, roi du Deheubarth (1164-1197), amènent bientôt à la conclusion d’une alliance entre les deux hommes : alliance profitable, car si le pays de Galles bénéficie de la paix et de la tranquillité, Henri II peut compter sur l’appui des Gallois lors de la grande révolte de 1173-74, qui met son trône en péril.

Parmi les hommes qui ont joué un rôle important dans cette politique de coexistence, il faut citer Giraldus Cambrensis (1146-1223), normand par son père, gallois par sa mère ; cet ecclésiastique cultivé (il a étudié à Oxford et à Paris), passionnément attaché à l’indépendance de son Église (Saint David’s) à l’égard de Canterbury, a laissé des ouvrages consacrés à la description topographique de l’Irlande et du pays de Galles qui sont d’une valeur inestimable.


L’essor de l’indépendance galloise (1189-1277)

Certes, la paix cesse à la mort d’Henri II : mais les Gallois, avec Rhys († 1197) ou avec Llewelyn ap Iorwerth, roi de Gwynedd († 1240), qui à son tour étend son hégémonie à l’ensemble du pays, sont capables de résister. D’ailleurs, ils profitent des difficultés de Jean sans Terre ; la Grande Charte restitue à Llewelyn tout ce que les Anglais lui ont pris dans les années précédentes. À la mort de ce dernier, il y a bien un moment de flottement, et Henri III remporte quelques faciles succès. Mais, de 1255 à 1277, Llewelyn ap Gruffydd († 1282), petit-fils de Llewelyn ap Iorwerth, reprend en main tout le pays et impose sa suprématie à la faveur de la guerre des Barons. Il est d’ailleurs un fervent partisan de Simon de Montfort. En 1258, il prend le titre de prince de Galles, titre qu’il saura faire confirmer après la chute de Simon.