Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Front populaire (suite)

Le 13 février 1937, Léon Blum est obligé de demander une « pause » avant que soient réalisées toutes les réformes prévues. D’aucuns, qui, parfois, ont été partisans actifs du Front populaire, estiment que sa politique a été affectée par une double contradiction : contradiction entre la politique sociale hardie et la politique économique timorée ; contradiction entre la politique intérieure d’avant-garde et la politique internationale d’entente prioritaire avec les Anglo-Saxons.

Le Sénat refusant de voter une série de mesures financières, le cabinet Blum se retire le 21 juin 1937.


Vers la fin du Front populaire

Au cabinet Léon Blum succède le 22 juin un cabinet Camille Chautemps (à direction radicale), où Léon Blum est vice-président du Conseil. Les communistes, cette fois, ont offert leur participation, qui n’a pas été acceptée. L’une des réalisations de ce gouvernement est la création de la Société nationale des chemins de fer (S. N. C. F.).

Le 14 janvier 1938, à la suite d’un incident parlementaire, les ministres socialistes quittent le cabinet Chautemps, qui dure jusqu’au 10 mars 1938. Léon Blum, devant l’aggravation de la situation extérieure, cherche alors à constituer un gouvernement de large coalition, « de Maurice Thorez à Louis Marin » ; il échoue et se résigne à former un nouveau gouvernement de Front populaire auquel il ne croit pas et qui ne dure que vingt-six jours (13 mars - 8 avr. 1938). La constitution d’un cabinet Daladier entraîne bientôt la dislocation du Front populaire. Les socialistes refusent d’y participer. Réuni à Marseille à la fin d’octobre 1938, le congrès du parti radical déclare prendre acte de la rupture du Front populaire, dont il rend le parti communiste responsable, parce qu’il a refusé de voter les pleins pouvoirs économiques et financiers demandés par Édouard Daladier.


Le Front populaire hors de France

Le Frente popular espagnol, constitué plus tardivement que le Front populaire français, avait pris la forme d’une simple alliance électorale conclue le 15 janvier 1936 : les partis ouvriers acceptaient le programme des républicains, assorti d’une amnistie générale et d’une promesse de réintégration de tous les travailleurs licenciés. Ces perspectives avaient décidé les anarcho-syndicalistes de la Confédération nationale du travail et les affiliés de la Fédération anarchiste ibérique à voter pour le Front populaire. Les élections du 16 février donnaient :
— au Front populaire : 4 206 156 voix et 277 sièges ;
— aux partis du centre : 681 447 voix et 32 sièges ;
— aux partis de droite : 3 millions 783 601 voix et 132 sièges.

Mais, les 17-18 juillet 1936, le déclenchement de la guerre civile mettait fin à l’expérience parlementaire du Front populaire. Les années suivantes étaient marquées par une influence grandissante des socialistes, qui (avec 90 élus) étaient appelés à diriger le gouvernement, et une tension de plus en plus vive entre les communistes et les éléments trotskistes (parti ouvrier d’unification marxiste), les anarcho-syndicalistes de la Confédération nationale du travail et les anarchistes de la Fédération anarchiste ibérique.

En Grande-Bretagne, les efforts de sir R. Stafford Cripps (1889-1952) pour constituer un Front populaire associant les communistes au mouvement travailliste n’eurent aucun succès et n’aboutirent qu’à son exclusion temporaire du parti travailliste (1939).

Malgré les échecs, la mystique du Front populaire n’en demeura pas moins vivante dans les trois décennies qui suivirent. En France, tous les efforts tentés par le parti communiste pour promouvoir un programme commun des partis de gauche se réclameront des souvenirs de 1936. Mais ils se heurteront à l’opposition de ceux qui reprochent au Front populaire d’avoir servi de « cheval de Troie » au communisme, à l’objection de ceux pour qui la force maintenant acquise par le parti communiste déséquilibrerait un nouveau Front populaire et risquerait de mener à une démocratie populaire, au scepticisme enfin des « gauchistes », pour qui mai-juin 1936 n’est qu’une grande occasion manquée.

Cependant, en juillet 1972, les partis socialiste et communiste ont signé un programme commun de gouvernement en vue des élections législatives de 1973.

G. L.

➙ Blum (Léon) / Communisme / Espagne (guerre civile d’) / Radicalisme / République (IIIe) / Socialisme / Syndicalisme.

 G. Dupeux, le Front populaire et les élections de 1936 (A. Colin, 1959). / L. Bodin et J. Touchard, Front populaire, 1936 (A. Colin, 1961 ; nouv. éd., 1972). / D. Guérin, Front populaire, révolution manquée (Julliard, 1963 ; 2e éd., Maspéro, 1970). / G. Lefranc, le Front populaire (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1965 ; 2e éd., 1968) ; Histoire du Front populaire (Pavot, 1965) ; Juin 1936, l’explosion sociale du Front populaire (Julliard, coll. « Archives », 1966 ; 2e éd., 1970 ; / J. G. Colton, Léon Blum (New York, 1966 ; trad. fr., Fayard, 1969). / Léon Blum chef de gouvernement 1936-1937 (A. Colin, 1967). / J. Moch, le Front populaire, grande espérance (Perrin, 1971).

Frontenac (Louis de Buade, comte de Palluau et de)

Gouverneur général de la Nouvelle-France de 1672 à 1682 et de 1689 à sa mort (Saint-Germain-en-Laye 1620 - Québec 1698).


Né dans une vieille famille périgourdine, il a Louis XIII pour parrain. Voué au métier des armes, il commande le régiment de Normandie à la fin de la guerre de Trente Ans. En 1648, il épouse Anne de La Grange, réputée pour sa beauté, mais qui le compromet quelque peu durant la Fronde et qui contribue à le pousser à de folles dépenses. Si bien que, la paix civile revenue, Frontenac est criblé de dettes : Louis XIV le tire d’affaire en lui donnant en 1672 la charge de gouverneur général de la Nouvelle-France et en lui faisant obtenir un sursis pour le remboursement de ses dettes.

La banqueroute personnelle où se trouvait Frontenac joue sans doute un rôle dans son désir de redonner un essor au fructueux commerce des fourrures : un an après son arrivée au Canada, Frontenac fait établir un nouveau poste de traite sur le lac Ontario, le « fort Frontenac », à l’emplacement de l’actuelle Kingston, et se concilie les Indiens par un habile paternalisme : son plus indéniable succès sera de maintenir la paix avec les redoutables Iroquois. Pour développer le commerce des pelleteries dans de nouvelles régions, il soutient Louis Jolliet et le père Marquette*, qui vont jusqu’au Mississippi en 1673, puis encourage R. Cavelier de La Salle* : après plusieurs échecs, ce dernier descendra le grand fleuve en 1682.