Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
F

Frontenac (Louis de Buade, comte de Palluau et de) (suite)

Mais Frontenac se heurte très vite à divers obstacles. D’abord l’opposition de Mgr de Laval, l’évêque de Québec, et des Jésuites, qui veulent interdire le commerce de l’eau-de-vie avec les Indiens : la consommation d’alcool provoque les pires débauches chez ces derniers et réduit à néant les difficiles tentatives d’évangélisation. Frontenac, lui, cherchera à favoriser la diffusion de l’eau-de-vie, indispensable pour créer l’euphorie nécessaire à de fructueuses négociations. Dans son opposition aux Jésuites, il se retrouve dans le camp de Colbert. Mais ce sont les rivalités avec les autres pouvoirs qui vaudront son rappel : l’extension de trafics qu’il contrôle en propre contribue à soulever l’opposition des riches familles de Québec et du « Conseil souverain » qui les représente. La nomination par Colbert d’un intendant, qui doit restreindre les pouvoirs du gouverneur aux seules affaires militaires, provoque de continuels conflits : Frontenac, malgré de nombreux avertissements, ne cherche nullement l’apaisement et Louis XIV doit, finalement, se résoudre à le rappeler en 1682.

La paix avec les Iroquois devait être sabotée par ses médiocres successeurs : au cours d’un banquet amical, les participants indiens sont mis aux fers et expédiés en France (1687) pour servir sur les galères du roi ; une terrifiante offensive iroquoise, couronnée par l’affreux massacre de Lachine (4-5 août 1689), répond à cette félonie. Avant même que la tuerie ne soit connue à Versailles, Frontenac a été désigné pour reprendre la situation en main. Il lui faut lutter sur tous les fronts, puisque l’Angleterre a déclaré guerre en mai 1689. Des raids victorieux sont lancés sur les établissements anglais. En octobre 1690, une escadre ennemie connaît un lamentable échec devant Québec. En 1694, puis en 1697, la conquête et la reconquête du fort Nelson donnent le contrôle du littoral de la baie d’Hudson aux Français.

Enfin, les Iroquois sont contenus en juillet 1696 par une « promenade militaire », que Frontenac accompagnera en chaise à porteurs, et par de multiples raids de contre-offensive. Si la paix avec les Iroquois n’est acquise dans les formes qu’après la mort du grand gouverneur (en 1701), du moins les traités de Ryswick (1697) donnent à ce dernier la satisfaction de conserver l’essentiel de la baie d’Hudson et de l’Acadie : la puissance française en Amérique est ainsi confirmée.

S. L.

➙ Canada.

 H. Lorin, le Comte de Frontenac (A. Colin, 1895). / W. J. Eccles, Frontenac : the Courtier Governor (Toronto, 1959 ; trad. fr. Frontenac, Éd. H. M. H., Montréal, 1963). / W. D. Le Sueur, Count Frontenac (Toronto, 1964).

frontière

Limite séparant deux États.


La frontière est, en droit international, une institution coutumière intéressant l’indépendance et les relations des États.

La définition des limites de son territoire est un moyen pour un État nouveau d’affirmer son indépendance, au lendemain d’une décolonisation, en prévenant une occupation au titre d’un territoire sans maître. En Amérique latine comme en Afrique, le principe de l’uti possidetis, qui consiste à adopter comme limites d’État les circonscriptions des anciennes dépendances coloniales, a été délibérément adopté à cet effet. Dans l’ordre interne, la délimitation garantit par ailleurs le respect de l’égalité de sujétion et des charges publiques par tous les nationaux. Une zone frontière non délimitée risque d’être un lieu d’évasion fiscale ou politique contraire à l’ordre public et démocratique.

L’acte de délimitation d’une frontière terrestre est, sauf exception (traité de paix imposant le tracé d’une frontière), le résultat d’une entente entre deux États voisins, menant le plus souvent à la conclusion d’un traité. La délimitation peut être déléguée d’un commun accord à un arbitre : celui-ci sera surtout sollicité à l’occasion de difficultés survenues dans l’application sur le terrain d’un tracé linéaire imparfaitement défini dans le traité. Le rôle de l’arbitre de limites est toujours d’identifier une ligne et non d’attribuer des territoires. Dans les affaires du plateau continental de la mer du Nord, la Cour internationale de justice a insisté sur le fait que, saisie d’une question de délimitation, il ne lui appartenait pas de faire une distribution.

Le plus récent des arbitrages de limites a été rendu par la reine Élisabeth II d’Angleterre, le 9 décembre 1966, entre la république Argentine et le Chili. La sentence de la reine, préparée par des experts, juristes et géographes, a mis fin à un conflit de limites vieux de plus d’un siècle et qui avait fait l’objet, en 1902, d’un premier arbitrage confié à Édouard VII.

Limite d’arrêt pour l’exercice exclusif des pouvoirs de contrainte d’une puissance publique étatique, la frontière terrestre est également, dans le temps de paix, un lieu de contacts et de relations pour les activités individuelles et les services publics. Les traités contemporains de voisinage ont pour objet d’assouplir à cet effet la rigueur de principe des lignes de démarcation.

À l’intérieur d’une zone frontière, généralement délimitée, le trafic local bénéficie d’une franchise absolue des droits de douane* et des taxes. Les membres de certaines professions jouissent, de part et d’autre de la ligne frontière, d’une liberté d’exercice justifiée par l’intérêt des habitants de la zone, dits frontaliers. Ces conventions de voisinage sont associées, à l’époque contemporaine, à une série d’accords ayant pour objet d’assurer, à travers la limite, le raccordement des voies de communication de même que la collaboration des services publics de police, d’administration et de justice des États limitrophes.

La délimitation des dépendances maritimes n’est une opération bilatérale que lorsqu’il s’agit de séparer les « eaux territoriales » de deux États contigus ou occupant les rives opposées d’un détroit. Du côté de la haute mer, comme l’a reconnu la Cour internationale de justice (décision du 19 décembre 1951, affaire anglo-norvégienne des pêcheries), la délimitation est nécessairement un acte unilatéral, mais sa validité à l’égard des États tiers relève du droit international. L’adoption d’une largeur uniforme des eaux territoriales, longuement débattue sans résultat aux deux conférences diplomatiques du droit de la mer de 1958 et de 1960, sera sans doute reprise, avec une faible chance de solution, à la conférence prévue pour 1973.