Frontenac (Louis de Buade, comte de Palluau et de) (suite)
Mais Frontenac se heurte très vite à divers obstacles. D’abord l’opposition de Mgr de Laval, l’évêque de Québec, et des Jésuites, qui veulent interdire le commerce de l’eau-de-vie avec les Indiens : la consommation d’alcool provoque les pires débauches chez ces derniers et réduit à néant les difficiles tentatives d’évangélisation. Frontenac, lui, cherchera à favoriser la diffusion de l’eau-de-vie, indispensable pour créer l’euphorie nécessaire à de fructueuses négociations. Dans son opposition aux Jésuites, il se retrouve dans le camp de Colbert. Mais ce sont les rivalités avec les autres pouvoirs qui vaudront son rappel : l’extension de trafics qu’il contrôle en propre contribue à soulever l’opposition des riches familles de Québec et du « Conseil souverain » qui les représente. La nomination par Colbert d’un intendant, qui doit restreindre les pouvoirs du gouverneur aux seules affaires militaires, provoque de continuels conflits : Frontenac, malgré de nombreux avertissements, ne cherche nullement l’apaisement et Louis XIV doit, finalement, se résoudre à le rappeler en 1682.
La paix avec les Iroquois devait être sabotée par ses médiocres successeurs : au cours d’un banquet amical, les participants indiens sont mis aux fers et expédiés en France (1687) pour servir sur les galères du roi ; une terrifiante offensive iroquoise, couronnée par l’affreux massacre de Lachine (4-5 août 1689), répond à cette félonie. Avant même que la tuerie ne soit connue à Versailles, Frontenac a été désigné pour reprendre la situation en main. Il lui faut lutter sur tous les fronts, puisque l’Angleterre a déclaré guerre en mai 1689. Des raids victorieux sont lancés sur les établissements anglais. En octobre 1690, une escadre ennemie connaît un lamentable échec devant Québec. En 1694, puis en 1697, la conquête et la reconquête du fort Nelson donnent le contrôle du littoral de la baie d’Hudson aux Français.
Enfin, les Iroquois sont contenus en juillet 1696 par une « promenade militaire », que Frontenac accompagnera en chaise à porteurs, et par de multiples raids de contre-offensive. Si la paix avec les Iroquois n’est acquise dans les formes qu’après la mort du grand gouverneur (en 1701), du moins les traités de Ryswick (1697) donnent à ce dernier la satisfaction de conserver l’essentiel de la baie d’Hudson et de l’Acadie : la puissance française en Amérique est ainsi confirmée.
S. L.
➙ Canada.
H. Lorin, le Comte de Frontenac (A. Colin, 1895). / W. J. Eccles, Frontenac : the Courtier Governor (Toronto, 1959 ; trad. fr. Frontenac, Éd. H. M. H., Montréal, 1963). / W. D. Le Sueur, Count Frontenac (Toronto, 1964).