Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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France (suite)

Spontané chez Monet, le procédé du divisionnisme deviendra systématique et rationnel chez Seurat*, créateur du néo-impressionnisme*, qui veut soumettre toutes les données de la peinture à une investigation scientifique. Après 1886, d’ailleurs, les peintres tendent à se détacher de cette stricte fidélité au visible qui avait été la motivation essentielle de l’impressionnisme. Proches du symbolisme*, Paul Gauguin*, Odilon Redon*, le Douanier Rousseau* retrouvent la valeur éternelle du mythe, le premier par l’exotisme, le deuxième par le rêve, le troisième par la naïveté. Le Hollandais Van Gogh* pousse la vivacité de la sensation d’après nature jusqu’au drame, ce que fait par une autre voie l’art incisif de Toulouse-Lautrec*. Quant à Cézanne*, il a suivi un chemin tourmenté, qui le conduit du romantisme au seuil du cubisme.

Une dizaine d’années avant que les sculpteurs Bourdelle* et Maillol* ne donnent toute leur mesure, la peinture moderne s’ouvre vers 1890 par le mouvement nabi*, plus ou moins issu du symbolisme (Bonnard*, Maurice Denis, Édouard Vuillard, Ker-Xavier Roussel). Les deux grands mouvements du fauvisme* (Salon d’automne de 1905) et du cubisme* (Salon des indépendants de 1908) sont plus résolument révolutionnaires. Le fauvisme, fondé sur l’emploi de la couleur en liberté, est encore un mouvement français ; ses variétés sont nombreuses : pureté de Matisse*, « expressionnisme » de Rouault*, de Vlaminck et de Derain*, comme aussi d’Utrillo*, fidélité au sentiment de la nature chez Marquet* et Dufy*. Quant au cubisme, créé par l’association d’un Espagnol, Picasso*, et d’un Français, Georges Braque*, il est international ; en découlent les sculpteurs Duchamp-Villon* et Ossip Zadkine (1890-1967), les peintres Fernand Léger* et La Fresnaye, ainsi que Robert Delaunay* qui en tire de pures variations chromatiques. Attirant des artistes de tous les pays, tel Modigliani*, au bref destin de bohème, Paris est alors l’un des foyers majeurs où s’élaborent les nouvelles métamorphoses de l’art contemporain.

Une évolution comme celle de l’art français, fertile en rebondissements, ne peut se résumer en quelques pages. Sans doute, cet art ne présente pas le caractère d’une création formelle continue, comme l’art italien du xiiie au xviiie s. Mais, à deux moments capitaux de l’histoire des formes, la France fut pour l’Occident un foyer de genèse : aux xiie-xiiie s. et aux xixe-xxe s. Au xviiie s., elle a exercé une grande influence sur l’Europe, mais plutôt par son art de vivre. Pendant les autres périodes, les Français ont montré leur aptitude à assimiler des formes créées en dehors d’eux, notamment en Italie, pour les plier à leur propre expression. Si l’art français est tombé trop souvent dans le formalisme, il n’a cessé de corriger cette tendance en s’alimentant aux sources vives de la nature, avec laquelle l’âme nationale a contracté dès le xiiie s. une véritable alliance.

G. B.


L’art en France depuis la première guerre mondiale


L’architecture

La place de l’architecture moderne en France, après la Première Guerre mondiale, reste étroite, mais elle est essentielle. Autant d’œuvres, autant d’édifices marquants : en 1924, maison La Roche et Jeanneret, et, en 1929, villa Savoye de Le Corbusier* ; en 1926-27, immeubles, rue Mallet-Stevens, par Robert Mallet-Stevens (1886-1945) ; en 1928-1931, « maison de verre » du docteur Dalsace par Pierre Chareau (1883-1950) ; en 1932, villa de Ville-d’Avray et groupe scolaire de Villejuif par André Lurçat (né en 1894) ; en 1931-1933, hôtel « Latitude 43 » d’Henri Georges Pingusson (né en 1894) à Saint-Tropez.

Toutefois, à l’exception des ensembles de Châtenay-Malabry (Paul Sirvin [né en 1919]) ou de Bordeaux-Pessac (Le Corbusier), il faut attendre les années 30 pour voir les architectes modernes s’introduire dans le marché officiel des commandes de l’État, par le biais du logement social. Leurs réalisations apparaissent alors riches d’avenir : Eugène Beaudouin (né en 1898) et Marcel Lods (né en 1891), avec l’ingénieur Vladimir Bodiansky (né en 1894), mettent au point la technique de la préfabrication* lourde pour les cités de Bagneux (1932), puis de Drancy (1934). En même temps, ils appliquent la préfabrication légère à l’école de plein air de Suresnes (1935), puis, en 1937-1939, à la maison du peuple de Clichy (où Jean Prouvé [né en 1901] réalise la première application du « mur-rideau »).

Après la Libération, l’effort de la reconstruction a été une nouvelle fois tourné vers le régionalisme. Seule la reconstruction du Havre — dernière œuvre d’Auguste Perret*, grand spécialiste du béton — mérite d’être citée à côté des célèbres « unités d’habitation » de Le Corbusier — dont la « Cité radieuse » de Marseille (1947-1952) est la plus connue. L’architecture moderne ne s’exprime alors qu’en Afrique du Nord, chez les anciens collaborateurs de Le Corbusier. Au Maroc, Michel Ecochard (né en 1905) et Vladimir Bodiansky s’intéressent à un habitat évolutif musulman ; les réalisations du groupe « Atbat’Afrique » et surtout de Georges Candilis (né en 1913) feront date. En Algérie, on trouve Pierre-André Emery (né en 1903) et Louis Miquel, ainsi que Roland Simounet (né en 1927) [ensemble de Bab-el-Oued à Alger].

Autour des années 60, la construction s’oriente vers la préfabrication lourde appliquée aux grands programmes d’habitat social : si Sarcelles est l’exemple caricatural de cette politique d’industrialisation, les ensembles de Georges Candilis à Marseille-La Viste, à Bagnols-sur-Cèze ou à Toulouse-Le Mirail, ceux d’Émile Aillaud (né en 1902) à Bobigny, à Pantin, à Forbach et à Grigny témoignent de la vitalité de l’architecture française. En dehors des « grands ensembles », quelques architectes comme Édouard Albert (1910-1968) ou Paul Herbé (1903-1963) se préoccupent de l’évolution des techniques. Très rapidement aussi, un nouveau marché — celui de l’immeuble de bureaux — va se développer à travers les imposantes réalisations parisiennes de la Défense (tour Nobel, 1966, par Jean de Mailly [né en 1911]), de Maine-Montparnasse ou de la porte d’Italie.