Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
F

France (suite)

Entre 1660 et 1760, l’art français s’était développé librement, créant au xviie s. les formes autochtones du classicisme, au xviiie un style rococo aimable et tempéré, qui contraste avec le lyrisme éperdu du rococo allemand. Ce siècle d’art assura à la France un très grand rayonnement en Europe. Mais, à partir de 1760, elle s’aligne sur le néo-classicisme européen (v. classicisme). En architecture, Jean Chalgrin (1739-1811), Jacques Gondoin (1737-1818), Claude Nicolas Ledoux (1736-1806) [v. visionnaires (architectes)] imitent la sévérité de l’ordre dorique grec, et Soufflot* succombe à la passion des colonnades. Les décors intérieurs de boiseries revêtent une cadence architecturale, cependant que, dans le meuble, la ligne droite du « style Louis XVI » se substitue aux sinuosités du style Louis XV. Tandis que Marie-Antoinette maintient un art aristocratique à Versailles, les admonestations de Diderot, qui dévoient le peintre doué qu’était Greuze*, d’une part, les tentatives de l’Administration, représentée par le surintendant Charles Claude d’Angiviller (1730-1809), pour reprendre en main la régence des beaux-arts, d’autre part, encouragent une peinture sentimentale larmoyante ou le retour à une peinture d’histoire de caractère pédant. De cet art « officiel » découlera le « pompiérisme » du xixe s. Cependant, l’antiquomanie produit le Serment des Horaces de David*, peint à Rome en 1784 et manifeste de la nouvelle peinture néo-classique.

Après dix ans d’anarchie, le Consulat et l’Empire permettent un nouvel élan artistique qui se manifestera surtout dans les arts décoratifs, par la production abondante de meubles d’un style pompeux et d’une orfèvrerie de grande qualité. David, reprenant ses pinceaux, célèbre le nouvel Alexandre, devenu empereur des Français.


Le xixe siècle

Politiquement révolutionnaire, il l’est aussi en art, où chaque génération oppose à la précédente sa conception propre devant un public qui, égaré par tant de nouveautés, se raccroche à une esthétique académique de plus en plus dégénérée, entretenue par les Salons et l’Institut. Cependant, cette évolution par révolution, de type hégélien, que la France avait connue seulement au passage du Moyen Âge à la Renaissance, ne concerne guère que la peinture. En dehors des innovations dues à l’emploi du fer*, l’architecture s’enfonce dans un éclectisme*, d’ailleurs non dépourvu de dignité, jusqu’à l’apparition de l’Art* nouveau à la fin du siècle, tentative de salut par un recours direct à la nature. Rude*, qui revivifie le néo-classicisme par une étude du Moyen Âge, Barye*, qui fige ses fauves dans un réalisme tatillon, Carpeaux*, qui tente une vaine résurrection du baroque, Rodin*, qui cherche à revigorer la ronde-bosse par ce retour à la source qu’est l’étude du corps humain, suffiraient à résumer l’histoire de la sculpture au xixe s., histoire sans évolution, qui est une suite de faits individuels.

La peinture de l’époque romantique se trouve sollicitée par la tension de deux forces contradictoires, celle de la chimère et celle du réel, ou, plus abstraitement, de l’idée et de la nature. Eugène Delacroix*, dernier des grands peintres d’histoire, donne figure à toutes les nostalgies, à tous les songes du romantisme*. Élève de David, Ingres* se montre peu propre aux œuvres de l’imagination, mais c’est un peintre raffiné du nu et, avec son maître, le plus beau portraitiste du siècle. Antoine Gros* avait commencé à débrider le davidisme, en en transposant l’esthétique héroïque dans des sujets contemporains (Napoléon sur le champ de bataille d’Eylau, 1808, Louvre) et en se livrant à d’audacieuses innovations picturales. L’esprit de vérité allait féconder l’école avec Théodore Géricault*, trop tôt disparu, qui hérite de David le culte du corps humain et recourt, lui aussi, aux thèmes modernes (le Radeau de la « Méduse », Louvre).

Faisant un tableau de ce qui, auparavant, n’était qu’une étude de paysage, Camille Corot*, dans l’image qu’il nous donne d’un aspect limité de la nature — le motif —, est mû par un élan de sympathie qui postule à l’objet l’adhésion du sujet. Théodore Rousseau (v. Barbizon [école de]), au contraire, passé l’ardeur de la jeunesse, se donne pour propos une investigation strictement objective du monde extérieur. Les idées sociales et religieuses de Jean-François Millet* viennent s’interposer comme un écran entre son œil et la nature, ce qui l’empêche parfois de dépasser la simple « illustration », tandis qu’Honoré Daumier*, pourtant illustrateur de profession, sait émouvoir, lorsqu’il peint la misère, par la fougue d’un tempérament que ne bride aucun préjugé d’école. Chez Gustave Courbet*, la solidité paysanne résista à des convictions qui eussent pu le conduire à ériger le réalisme* en dogme ; il invente pour son propre usage un métier magnifique, fait d’interférences de pâtes maniées au couteau. Pressentie par Fouquet au xve s., exprimée sur le mode lyrique par Claude Lorrain au xviie, sur le mode sentimental par Corot, la recherche de la lumière, enfin, aboutit après 1870 à l’éclatement de l’impressionnisme*.


De l’impressionnisme au cubisme

La grande novation de l’impressionnisme est d’avoir fait table rase de tout l’antécédent et d’avoir ramené le tableau au fait pictural, attitude comparable à celle qui animait les artistes gothiques. Ce caractère est peut-être moins apparent chez Édouard Manet*, qui emprunte souvent ses compositions à celles de tableaux anciens ; mais en réalité le problème du sujet lui est indifférent : il veut faire du tableau un simple jeu coloré. L’impressionnisme s’est développé spontanément, mais a fini par prendre l’allure d’un mouvement de groupe, encadré par des écrivains réalistes (Zola, L. E. Duranty, Champfleury) qui l’ont défendu contre l’hostilité violente du public. À partir de 1874, ces artistes (sauf Manet) se réunirent en société pour montrer régulièrement leurs productions, ce qu’ils étaient empêchés de faire par l’ostracisme des Salons. L’impressionnisme recherche l’élément fugitif : Degas*, peintre de la vie moderne, le trouve dans l’inédit et le mouvement, Claude Monet* dans les variations infinies de la lumière ; suivi par Sisley et par Pissarro, il invente un métier nouveau fait de touches juxtaposées de couleurs pures. Exceptionnel par son métier en transparence, Renoir* est plus lyrique.