Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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France (suite)

L’immense chantier du château de Versailles* va permettre d’élaborer sur un programme grandiose cet art royal qu’au xviiie s. imitera l’Europe entière. Un premier essai de cette esthétique du faste avait été réalisé entre 1656 et 1661 au château de Vaux-le-Vicomte*, sur la commande du surintendant Fouquet, avec Le Vau* pour l’architecture, Le Brun* pour la décoration intérieure et, pour le parc, Le Nôtre, qui créa ici le jardin à la française, grande perspective animée de parterres et de jeux d’eau entre des bosquets. Après avoir disgracié le surintendant, Louis XIV reprend à son compte cette équipe pour la création du château de Versailles, qui, par la suite, sera agrandi par Jules Hardouin-Mansart (v. Mansart) et terminé par le beau-frère de celui-ci, Robert de Cotte*. Pour le décor des jardins, un groupe de sculpteurs, François Girardon, Antoine Coysevox, Jean-Baptiste Tuby, Gaspard et Balthasar Marsy, travaillant sur des idées et parfois des dessins de Le Brun, créent des ensembles statuaires et des bas-reliefs qui évoquent parfois le classicisme grec du ive s. et contrastent avec le berninisme régnant alors en Europe, auquel, seul, s’affilie le Marseillais Puget*. À la même époque, un nouvel urbanisme développe le type de la place centrée sur la statue, généralement équestre, du souverain (à Paris, place des Victoires, 1685 ; place Vendôme, plans de 1686 et de 1699) ; la « place royale » se répandra en France et en Europe au cours du xviiie s.

Peindre, sous Louis XIV, ce n’est plus multiplier les expériences pour approfondir les replis de l’âme humaine ou exprimer le mystère de la nature. La peinture devient une illustration de la vie du souverain et de la société qui l’entoure. Le Premier Peintre, Charles Le Brun, qui joue le rôle d’un directeur des beaux-arts, s’il exécute des tableaux de chevalet d’une facture appliquée, met au point pour ses décors de Versailles ou d’ailleurs un vocabulaire de formes « expressives », déduit de sa théorie des passions et réalisé grâce à un métier simplifié. La tradition française du portrait se poursuit, mais se transforme. L’artiste doit évoquer non l’individu, mais son état, c’est-à-dire son rang social. La typologie du portrait d’apparat est créée par Hyacinthe Rigaud* d’après les théories de Le Brun. Antoine Coysevox, qui doit beaucoup à l’exemple du buste de Louis XIV sculpté par Le Bernin en 1665, réalise cette conception en sculpture. Pierre Mignard*, successeur de Le Brun, donnera aux femmes l’air de beauté qu’il faut avoir à la Cour et les travestira sous des attributs mythologiques. À la fin du règne de Louis XIV, une orientation nouvelle va amener à préférer les prestiges de la couleur à ceux du dessin (prônés par l’Académie), à balancer l’influence de Poussin par celle de Rubens et à imposer au décor intérieur une transformation qui amènera le rococo.


Le xviiie siècle

Ce n’est plus maintenant la Cour qui donne le ton, mais ce qu’on appelle la ville, c’est-à-dire la société parisienne, qui, à la fin du siècle, tendra à s’éloigner de plus en plus de Versailles. Le raffinement des mœurs porte à la fois sur la vie de société et sur l’intimité. Aussi les femmes jouent-elles alors un rôle prépondérant comme promoteurs de la création artistique. Mme de Pompadour ou Marie-Antoinette auront plus d’influence qu’un surintendant. Château ou hôtel, la demeure est organisée pour répondre aux commodités de la vie ; les pièces d’habitation sont spécialisées selon leur usage, la réception étant située au rez-de-chaussée et les appartements privés à l’étage. Les arts mineurs s’adaptent à ce nouvel art de vivre : le mobilier connaît une extraordinaire diversification, et son exécution est de plus en plus perfectionnée.

Tandis que le style rocaille* s’épanouit dans les arts décoratifs, l’architecture poursuit tout au long du siècle, sauf de rares exceptions (influence du rococo germanique à Nancy*), la tendance classique affirmée sous Louis XIV. Dans la place de la Bourse à Bordeaux*, la place de la Concorde à Paris ou le Petit Trianon de Versailles, Jacques-Ange Gabriel* se montre disciple fidèle des auteurs de la colonnade du Louvre. Ce classicisme de plus en plus rigoureux fait abandonner les formes souples et naturelles, tels les hauts combles « à la française », souvent encore en usage sous Louis XIV dans les châteaux. Pour élégante qu’elle soit, l’architecture des châteaux du xviiie s. a le défaut d’être la transposition à la campagne d’une architecture urbaine. Les sculpteurs, qui, pour la plupart, ont fait des séjours à Rome, transportent en France une certaine emphase, inspirée du style berninesque tardif : ainsi les Coustou*, les Lemoyne*, les Adam*, les Slodtz*, Jean-Baptiste Pigalle*, Jean-Jacques Caffieri*. Edme Bouchardon* est presque seul à maintenir la tradition classique des sculpteurs de Versailles.

Le style décoratif inauguré par Le Brun pour la peinture d’histoire a laissé dans le siècle un profond sillage. Il se fait plus aimable avec François Lemoyne*, Charles Natoire (1700-1777), la famille des Coypel*, celle des Van Loo* et tout à fait galant avec François Boucher*. Mais, allant plus loin que cette conception décorative, Watteau*, Chardin* et Fragonard* sont les seuls à pratiquer leur art comme une recherche personnelle. Pour le reste, la peinture française du xviiie s. pourrait se diviser en « genres », car elle est et veut être au service de l’art de vivre. Tous ces artistes s’apparentent par un métier quelque peu artisanal, fait de pâtes uniformément liées, avec peu de glacis, des couleurs sans éclat excessif et un dessin correct : en somme, une manière neutre, conservant à l’image toute sa valeur illustrative. On peut voir en François Desportes* et en Jean-Baptiste Oudry* une reviviscence de l’ancienne tradition française du lyrisme cynégétique. De nombreux portraitistes fournissent à cette société hédoniste une image complaisante d’elle-même : Nicolas de Largillière*, Jean-Marc Nattier (1685-1766), Louis Tocqué (1696-1772), Carle Van Loo, Jacques Aved (1702-1766), Maurice Quentin de La Tour (v. Saint-Quentin), qui travaille au pastel comme Jean-Baptiste Perronneau*, François Hubert Drouais (1727-1775).