Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

alpinisme (suite)

Le Mont-Blanc surtout, qui est la plus vaste montagne d’Europe, donne lieu à un assaut généralisé. Le versant nord de la montagne, sur lequel avait été tracé l’itinéraire des conquérants, est depuis un siècle répété de nombreuses fois chaque été. En 1865 vient le tour du versant italien, où l’éperon de la Brenva est gravi (le 15 juill. 1865 : G. S. Matthews, A. W. Moore, F. et H. Walker, avec J. et M. Anderegg). Les grandes arêtes sont bientôt le lieu d’exploits célèbres : Peuterey (en août 1893 : P. Güssfeldt, avec E. Rey, C. Klucker et C. Ollier), Brouillard (en juill. 1901 : G. B. et G. F. Gugliermina et J. Brocherel), Innominata (en août 1919 : S. L. Courtauld, E. G. Oliver, A. Aufden-Blatten et A. et H. Rey), autant de noms prestigieux qui marquent les étapes d’une conquête à laquelle, désormais, rien ne résistera. Parmi les cordées les plus célèbres qui s’illustrèrent avant 1914 émergent celles de l’Anglais Mummery, avec le guide A. Burgener, de Ryan, avec F. Lochmatter, de. G. W. Young, avec J. Knubel, des frères Meyer, avec A. Dibona.


Les derniers problèmes

La Première Guerre mondiale interrompt les ascensions, mais, dès 1919, la jeune génération reprend le flambeau. La naissance de clubs académiques, comme en France le G. H. M. (Groupe de haute montagne), où les adhérents sont soigneusement sélectionnés d’après leurs performances, ainsi que les nouvelles conditions économiques vont amener le développement de l’alpinisme sans guide.

Dans cette voie, Mummery et l’Autrichien Zsigmondy avaient déjà montré le chemin, mais les exploits les plus sensationnels de l’alpinisme avaient bien été jusqu’alors l’œuvre de cordées avec guides ; on considérait à l’époque que le service de professionnels était indispensable. L’alpinisme sans guide naît du désir de trouver une montagne plus difficile et plus dangereuse, mais il exige aussi une formation plus poussée, l’acceptation d’une responsabilité plus grande.

Un deuxième fait va marquer l’alpinisme de l’entre-deux-guerres : le développement de la technique. Un nouveau pas en avant va être possible, grâce à l’emploi de moyens nouveaux. Les crampons, connus depuis longtemps, mais dont l’usage est maintenant généralisé, vont permettre de franchir plus rapidement et plus facilement les pentes de glace. L’invention des pitons, venus des Alpes orientales, donne une « assurance » plus grande au grimpeur de tête et double ses possibilités.

Ce sont alors les ascensions : de l’arête des Grands Montets à l’aiguille Verte (P. Dalloz, J. Lagarde et H. de Ségogne, en 1925) ; de l’arête de l’aiguille Sans-Nom (de Longchamp, avec A. Charlet et M. Bozon, en 1926) ; de la face nord-ouest de l’Olan (L. Devies et G. Gervasutti, en 1934) ; de l’Ailefroide (L. Devies et G. Gervasutti, en 1936) ; des voies des Sentinelles au mont Blanc (G. Brown et F. S. Smythe, en 1928) ; de la face sud de la Meije (directissime face sud, P. Allain et R. Leininger, 1935) ; de la face nord du Dru (P. Allain et R. Leininger, 1935).

Bientôt, il ne reste plus dans les Alpes que trois mystérieuses parois nord qui ont résisté à toutes les convoitises. Elles seront vaincues dans la décennie qui précède la Seconde Guerre mondiale. La face nord du Cervin est gravie après deux jours d’efforts par les frères Schmid, en 1931. La face nord des Grandes-Jorasses est l’enjeu d’une compétition internationale, où s’affrontent les meilleures équipes du continent : Allemands, Autrichiens, Français et Italiens rivalisent d’adresse, de courage et d’audace pour venir à bout de cette paroi rébarbative de plus de 1 000 m. Elle est finalement conquise par les Allemands en 1935 (éperon nord Croz par M. Meier et R. Peters, en juin 1935), alors que, dans la même face, une cordée italienne inscrivait un exploit encore plus sensationnel quelques années plus tard sur la voie directe de la plus haute cime, la pointe Walker (4 208 m) [R. Cassin, G. Esposito, U. Tizzoni, en août 1938]. Enfin, dans l’Oberland bernois, une face encore plus haute et bien plus dangereuse, l’Eiger, est finalement vaincue par deux Allemands (Heckmair et Vörg) et deux Autrichiens (Harrer et Kasparek) en 1938, après quatre jours d’efforts surhumains.


Hors des Alpes

Les Alpes avaient été le berceau de l’alpinisme. Mais, de tout temps, les explorateurs des montagnes avaient essayé de porter la conquête dans les montagnes lointaines des massifs étrangers.

On trouve déjà Freshfield dans le Caucase en 1868, gravissant les plus hauts sommets : l’Elbrouz (5 629 m) et le Kazbek (5 044 m) ; il est bientôt relayé par Mummery, tandis que Whymper, dans les Andes, au sommet du Chimborazo (6 248 m), faisait la paix avec Carrel, son rival du Cervin, et que le plus haut sommet des deux Amériques, l’Aconcagua, était vaincu par M. Zurbriggen (1897) en dépit de ses quelque 6 959 m. Montagnes toutes blanches de glace de l’Alaska au climat polaire, montagnes mystérieuses d’Afrique tout encapuchonnées de brumes, noms fameux des McKinley (6 240 m), du Kenya (5 240 m), du Kilimandjaro (6 010 m, la plus haute montagne d’Afrique), du Ruwenzori (5 121 m), le royaume de l’alpiniste s’étend peu à peu à toutes les latitudes.

La plus vaste des chaînes de plissement du globe, l’Himālaya, dresse sur 2 400 km de long une barrière ininterrompue, où des centaines de pics sont plus hauts que n’importe quelle autre montagne du monde. Quatorze d’entre eux ont plus de 8 000 m. Ici, l’alpiniste va enregistrer ses premiers échecs sérieux.

Déjà, Mummery avait disparu en 1895 dans les premières pentes du Nānga Parbat (8 115 m). Les Allemands et les Autrichiens, en 1934 et 1937, y écrivirent les plus grandes tragédies de l’histoire alpine. Les expéditions sur le terrible Kangchenjunga (8 585 m) furent aussi des échecs, malgré les assauts des équipes de Bauer en 1929 et 1931 et de l’expédition internationale de 1930.

À l’est de la chaîne, dans le Karakoram, le K2, la « montagne des montagnes », avec ses 8 620 m, est le deuxième sommet de la Terre ; les Américains s’en approchèrent en 1938 et atteignirent même en 1939 un point situé à moins de 300 m du sommet, mais durent faire retraite.