Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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France (suite)

La quasi-stagnation de la production masque des évolutions divergentes à l’intérieur du secteur énergétique. En douze ans, de 1958 (sommet de l’après-guerre) à 1972, la production de charbon a reculé de près de moitié, étant inférieure à 33 Mt cette dernière année. Ce déclin prononcé résulte largement de celui du gisement du Nord-Pas-de-Calais, qui a fourni moins de 13 Mt en 1971 (29 en 1958-59). L’extraction a disparu de l’ouest du bassin (Auchel, Bruay, Béthune), résistant mieux vers l’est (Lens et Valenciennes). La production s’est mieux maintenue en Lorraine, où elle avoisine encore 11 Mt en 1972. Dans les houillères regroupées sous l’appellation de Centre-Midi, l’évolution varie selon les régions. Parmi les bassins les plus touchés figurent les principaux producteurs des années 1950, Loire (région stéphanoise) et Cévennes (Alès et Graissessac) ; l’Auvergne a été aussi sérieusement atteinte. Le Centre-Midi a fourni un peu moins de 8 Mt en 1972. La régression de l’extraction, amorcée « officiellement » en 1960, accélérée en 1968, doit se poursuivre, puisque la production 1975 attendue est de l’ordre de 25 Mt. À cette date, la Lorraine, avec une production concentrée sur les sièges de l’Est (Merlebach, Wendel et Simon), devancera le Nord-Pas-de-Calais et plus nettement encore le Centre-Midi, dont quatre bassins, Loire, Cévennes, Auvergne et Dauphiné (La Mure), auront disparu à ce moment (l’exploitation ne devant alors subsister qu’à Carmaux, Gardanne [lignite de Provence] et autour de Montceau-les-Mines). Ce recul n’a pas été compensé par une progression de la production de pétrole brut. Celle-ci provient essentiellement des Landes (Parentis, Cazaux), accessoirement de gisements très secondaires du Bassin parisien. Elle n’a jamais atteint 3 Mt, décroissant même régulièrement depuis 1965 (moins de 2 Mt en 1971), sans espoir de reprise, semble-t-il. Toujours dans ce domaine des hydrocarbures, la France est mieux pourvue en gaz naturel. La production avoisine 7 milliards de mètres cubes (de gaz épuré), correspondant à 10-11 Mtec. Les années 1960 ont vu la pleine activité de Lacq, partiellement relayé à partir de 1968 par de nouveaux gisements dans la région paloise (Meillon-Saint-Faust-Pont-d’As). La production d’hydro-électricité s’est régulièrement accrue depuis 1960. La productibilité annuelle moyenne approche aujourd’hui 60 TWh (environ 20 Mtec). Les équipements récents correspondent essentiellement à l’aménagement complet de grands cours d’eau. Le Rhin est équipé de Bâle à Strasbourg ; l’aménagement du Rhône, entre Lyon et la mer, est en cours d’achèvement, ainsi que celui de la Durance. Enfin, il faut évoquer la production d’électricité nucléaire. Aux groupes de Marcoule se sont ajoutées les trois usines d’Avoine-Chinon et les deux tranches de Saint-Laurent-des-Eaux (toutes sur la Loire), les centrales de Brennilis et Chooz, la première tranche de Saint-Vulbas (Bugey). La production d’électricité nucléaire doit se développer notablement à partir de 1975 avec la mise en service des premières grandes unités de la filière à uranium enrichi, à Saint-Vulbas et Fessenheim. Elle a déjà approché 14 TWh en 1972.

La progression du gaz naturel, celle de l’électricité hydraulique et nucléaire ont compensé (quantitativement) en partie la régression de l’extraction houillère, mais l’hydro-électricité ne peut plus être conquérante ; l’augmentation de la production de gaz naturel est aléatoire, alors que le recul de l’extraction houillère apparaît bien inéluctable (et pas limité à 1975). Pour se développer, la production nationale ne peut guère compter que sur l’essor de l’électricité nucléaire ; 8 000 MW doivent être construits (ou au moins engagés) durant le VIe Plan, chiffre considérable, mais qui ne pourra que freiner la croissance du déficit énergétique. Celui-ci a été comblé en priorité par l’importation de pétrole brut, près de 120 Mt en 1972, provenant essentiellement du Moyen-Orient (Iraq, Koweït) et d’Afrique du Nord (Libye et surtout Algérie). Ces importations ne cessent de s’accroître, et, parallèlement, s’est développée la capacité de raffinage, concentrée pour environ le tiers sur la Basse-Seine (Gonfreville, Le Petit-Couronne, Port-Jérôme et Gravenchon), pour plus du cinquième autour ou à proximité de l’étang de Berre (La Mède, Berre, Lavéra et Fos). Les autres sites sont, depuis longtemps, les estuaires de la Garonne (Pauillac, Ambès) et de la Loire (Donges), le littoral de la mer du Nord (Dunkerque) et du Languedoc (Frontignan), cependant qu’un fait relativement récent est l’apparition de raffineries intérieures implantées dans la grande région parisienne (Grandpuits, Gargenville, Vernon), près de Lyon (Feyzin), de Rennes (Vern-sur-Seiche) et de Strasbourg (Reichstett et Herrlisheim), dans le Nord (Valenciennes) et en Lorraine (Hauconcourt), c’est-à-dire en priorité à proximité des grands marchés de consommation. À cette évolution spatiale, permise par la pose d’oléoducs (sud-européen en particulier de Lavéra à Karlsruhe), n’est pas étrangère la constitution récente d’un groupe à capitaux d’État (Elf-Erap) qui contrôle Antar (et la Société nationale des pétroles d’Aquitaine, qui exploite Lacq et les gisements de la région paloise). La capacité totale de raffinage avoisinait 140 Mt à la fin de 1972. Cette même année, environ 100 millions de produits pétroliers énergétiques sont sortis des unités énumérées, dont environ 60 p. 100 de fuels, partagés à peu près également entre fuels lourds (consommés en particulier dans un nombre croissant de centrales thermiques) et fuel domestique (variante colorée du gas-oil, utilisée aussi bien dans le secteur domestique que dans l’industrie). La part des carburants diminue régulièrement, en particulier la production d’essence ordinaire, qui recule devant le supercarburant. Environ 85 Mt ont été destinées au marché intérieur, représentant l’équivalent énergétique de 130 Mtec. Les produits pétroliers, en 1971, ont ainsi couvert plus de la moitié de la consommation d’énergie (environ 30 p. 100 seulement en 1960) ; leur prépondérance est encore appelée à s’accroître. Les importations de gaz naturel se sont considérablement développées depuis 1968, grâce aux achats effectués aux Pays-Bas (Groningue) et en Algérie. Leur volume égale aujourd’hui celui de la production nationale.