Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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France (suite)

Un autre groupe d’actions concerne le remodelage du territoire cultivé. Depuis 1960, des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (S. A. F. E. R.), organismes publics, couvrant deux ou trois départements, disposent d’un droit de préemption pour l’achat des terres qu’elles cèdent pour agrandir ou créer des exploitations viables, souvent après y avoir fait des travaux d’amélioration. Elles ont ainsi permis l’extension d’une exploitation sur soixante et achètent actuellement 70 000 à 80 000 ha par an, en visant 100 000, ce qui représente un sixième à un septième du marché foncier : 4 milliards de francs investis depuis le début, mais une maîtrise encore insuffisante des marchés. Les sociétés d’aménagement régional, d’économie mixte, ont, avec des résultats inégaux, exercé leurs efforts dans l’amélioration des conditions de mise en valeur et ont donc des ambitions plus globales, notamment dans le cadre de compagnies d’aménagement : drainage des marais de l’Ouest ; irrigation des coteaux de Gascogne, de la Basse-Provence et surtout du Bas-Rhône-Languedoc, la première en date (1953) et la plus active ; mise en valeur de l’Auvergne, de la Corse ou des friches de l’Est.

L’État, enfin, a délimité des zones spéciales d’action rurale et des zones de rénovation rurale pour atténuer les difficultés régionales les plus accusées par des mesures qui visent surtout à renforcer l’équipement et l’emploi non agricole dans les bourgs et petites villes (Bretagne, Manche, montagnes). Le VIe Plan doit voir s’élaborer des plans d’aménagement ruraux (P. A. R.) destinés à proposer des mesures globales et concertées par petites régions. Par ailleurs, l’encouragement aux syndicats de communes, notamment S. I. V. O. M. (syndicats intercommunaux à vocation multiple), et aux regroupements de communes est de nature à faciliter certaines actions (adduction d’eau, ramassage scolaire, etc.) ; l’aménagement agricole tend à devenir plus complètement rural.

L’ensemble de ces efforts individuels, professionnels et officiels a déjà eu des résultats très positifs. Avec beaucoup moins d’hommes, et même moins de surface cultivée, la production a fortement augmenté. La plupart des rendements nationaux ont doublé en quinze ou vingt ans. Les revenus sont donc partagés entre des familles bien moins nombreuses et ont fortement augmenté, quoique les frais de culture se soient accrus. Par travailleur, ils paraissent encore inférieurs à ceux de l’industrie ou du commerce, mais les statistiques sont ici douteuses ; il semble bien que les gains de productivité aient été supérieurs à ceux de l’industrie dans les quinze dernières années. Mais il devient de plus en plus difficile de généraliser : les moyennes nationales ont peu de sens, tant se sont accusées les disparités entre types d’exploitations et entre régions.


Les grandes régions

Les meilleurs résultats individuels sont obtenus dans les plaines et plateaux de grande culture du Bassin parisien, orientés vers la production de céréales (blé, orge et de plus en plus maïs), de betterave à sucre et de pomme de terre, parfois vers l’élevage bovin intensif sur les sous-produits de la culture et vers les productions spécialisées sous contrat comme les petits pois, les fruits, etc. La prédominance de grandes exploitations de plus de 100 ha, rationnellement équipées, aux grandes parcelles, dont les chefs ont une solide formation professionnelle, ont réduit leurs charges salariales, savent se servir de la coopération, agir en commun et disposent d’un grand poids politique, en a fait des régions à haut revenu global et individuel, où le genre de vie des exploitants n’a rien à envier à celui de bien des industriels.

Un autre grand ensemble de régions est celui des pays de l’Ouest, où dominent les productions animales, les exploitations encore petites (souvent 15 ou 20 ha) avec une population trop abondante et un encadrement urbain insuffisant. Malgré des efforts localement considérables, comme en Finistère, et le développement d’ateliers modernes d’élevage (bovins, et surtout porcs et volailles en batteries), les résultats individuels et les éléments de confort restent insuffisants, et l’exode continue. À l’intérieur même de ces pays, une Bretagne dynamique, surpeuplée et souvent déçue en matière de débouchés, qui est avec l’Alsace et le Nord la région de France qui tire le plus d’un hectare de terre, se sépare assez nettement d’une Normandie qui s’est un peu trop reposée sur ses anciens succès.

Une grande bande associe les pourtours du Bassin parisien du sud et de l’est : sur un relief plus accidenté où les bois s’étendent, des exploitations souvent supérieures à 50 ha y pratiquent une polyculture plutôt tournée vers les produits animaux. Les densités sont peu élevées, le territoire agricole se rétrécit, mais les revenus individuels sont meilleurs qu’à l’ouest.

Tout le reste du territoire est extrêmement contrasté. Des zones de vide ou de découragement, en montagne et sur les plateaux calcaires ou cristallins peu doués du Nord-Est aquitain, du Massif central ou du Jura, y voisinent avec des taches de dynamisme, dont les origines sont fort variées : petites exploitations très intensives des régions industrielles (Nord, Alsace, Lyonnais), vieux vignobles de qualité ou de masse (Bordelais, Cognac, Languedoc, Bourgogne, Côtes de Provence), ensembles très spécialisés, en partie grâce à l’irrigation (comtat Venaissin, Roussillon, est de la plaine languedocienne), grands domaines modernes de la riziculture en Camargue forment un premier groupe actif, aux bons résultats à l’hectare et par travailleur, mais où se posent souvent des problèmes de commercialisation. Ailleurs, des groupes d’exploitants moyens, souvent sous l’impulsion de jeunes bien organisés, de migrants et de rapatriés d’Afrique du Nord, ont rénové le vieux fonds de polyculture, comme dans certaines parties du Midi toulousain, du Ségala, des Charentes ou des plaines de la région Rhône-Alpes : ce sont surtout des problèmes de structure, et notamment d’agrandissement des exploitations, qui se posent à eux, du moins quand les densités de population restent élevées.