Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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France (suite)

L’action de l’État

L’intervention directe de l’État s’était longtemps cantonnée au prix des produits agricoles. Elle a tendu, surtout après 1955, et sous la pression des jeunes agriculteurs, à porter sur l’amélioration des structures de production, dont les effets sont susceptibles d’être beaucoup plus féconds à terme. Le débat entre soutien des prix et amélioration des structures est ici la question de fond, et les politiques oscillent entre deux pôles selon le poids des groupes de pression. Dans l’ensemble, les grands agriculteurs, notamment ceux du Bassin parisien, bénéficiant de bonnes structures, sont plus préoccupés de prix, ainsi d’ailleurs que les plus petits paysans, qui n’ont guère les moyens techniques, ni souvent la formation, susceptibles d’améliorer substantiellement leur production. Face à cette conjonction des extrêmes, les agriculteurs moyens dynamiques ressentent mieux les problèmes de structure et ont faim de terres. La politique actuelle mène de front les deux actions, évidemment guère dissociables.

• L’aide de l’État à la production agricole et aux prix s’exerce dans des domaines très divers. Outre les efforts déjà cités en ce qui concerne l’acquisition de matériel, la coopération, l’enseignement et la gestion, il faut noter les avantages particuliers offerts par la puissante organisation du Crédit agricole (plus de 60 milliards de francs de prêts, presque la valeur de la production d’une année) et les mesures facilitant le groupement des producteurs et l’organisation des marchés. On a ainsi poussé à la création : de centres d’études des techniques agricoles (C. E. T. A., près de 800), réunions de cultivateurs qui diffusent et souvent suscitent le progrès technique ; de groupements agricoles d’exploitation en commun (G. A. E. C., plus de 2 000), qui permettent de réunir plusieurs ateliers de production en un ensemble plus efficace, mais peuvent n’être aussi qu’une finesse juridique ; de groupements de producteurs agricoles (G. P. A., 900), qui rassemblent des dizaines d’exploitants parfois, fixent des règles de culture ou d’élevage et assurent en bloc, outre certains approvisionnements, la vente commune de produits dans lesquels ils se sont spécialisés ; de sociétés d’intérêts collectifs agricoles (S. I. C. A., 1 500), qui associent des organismes publics ou coopératifs et des intérêts privés, pour une meilleure organisation des marchés, en matière de viandes et de fruits notamment.

En général, les professions de l’agriculture et des industries de transformation se sont organisées et souvent concertées en groupements interprofessionnels. Ces efforts sont pour la plupart consécutifs à la loi de 1964 sur l’économie contractuelle, qui s’est accompagnée la même année et en 1965 de règlements pour les productions de vin, de sucre et la concentration des abattoirs. L’État encourage l’action de sociétés d’intervention, destinées à réduire les fluctuations de prix, en particulier par des stockages judicieux, comme la S. I. B. E. V. (pour le bétail et la viande). Il a également favorisé les grandes installations des marchés d’intérêt national (M. I. N.), par exemple dans les vallées du Rhône et de la Garonne.

Par ailleurs, les règlements du Marché commun et la création du F. E. O. G. A. (Fonds européen d’organisation et de garantie agricole) permettent de garantir des prix minimaux pour certaines céréales ou pour la betterave à sucre, production contingentée. Un Fonds d’orientation et de régulation des marchés agricoles (F. O. R. M. A.), alimenté par l’État et par des cotisations, assure les compensations nécessaires lorsque le prix réel du marché est au-dessous du plancher garanti. Dans certaines régions, comme le Bassin parisien, les agriculteurs ont souvent plus de la moitié de leur production, quelquefois les deux tiers, garantie ainsi soit directement par l’État, soit par de multiples systèmes de contrats avec des G. P. A., des S. I. C. A., des coopératives ou même des sociétés privées, notamment des fabricants d’aliments pour le bétail ou des usines de conserves. À partir de cette base solide, ils jouent sur les autres productions, mais peuvent donc faire de strictes prévisions budgétaires. Leur très bonne productivité leur permet de tirer le meilleur parti d’une politique de soutien des prix qui vise d’abord, en théorie, à assurer un minimum vital aux plus petits agriculteurs.

• Le deuxième effort de l’État, le plus difficile sans doute, concerne l’amélioration des structures. Celle-ci est d’autant plus ardue que la terre française était et reste trop morcelée. On s’est d’abord soucié d’améliorer la situation des locataires, sous la pression conjuguée des grands fermiers du Bassin parisien et des petits fermiers et métayers du Sud-Ouest : le statut du fermage et du métayage, dès 1946, a assuré quelques garanties et un droit de préemption en cas de vente des terres. Un résultat a été l’effacement rapide du métayage, qui n’intéresse plus guère que 2 p. 100 des terres. Dans l’ensemble, le faire-valoir direct a augmenté, bien que la moitié des terres demeurent en fermage.

On a développé le remembrement, qui permet à la fois de regrouper les parcelles de propriétés trop morcelées, d’améliorer les chemins ruraux et souvent de défricher et d’arracher les haies qui gênaient l’évolution des machines. Plus de 7 Mha ont été remembrés (dans certaines communes, plusieurs fois depuis 1920), surtout dans le Bassin parisien, les plus récents efforts portant sur la Bretagne.

Mais l’œuvre essentielle date de la loi d’orientation de 1960 et de la loi complémentaire de 1962. Le Fonds d’action sociale pour l’aménagement des structures agricoles (F. A. S. A. S. A.), remanié depuis, aide à la fois à la concentration des exploitations et à leur redistribution. Une indemnité viagère de départ (I. V. D.) est accordée à tout agriculteur âgé dont les terres, s’il se retire, peuvent agrandir une exploitation voisine ou être reprises par un jeune. Cette action est essentielle et a connu le succès, puisqu’elle absorbe les cinq sixièmes des crédits du Fonds et a permis la libération de 4 Mha, moitié au profit de l’installation de jeunes, moitié au profit de l’agrandissement de voisins. Le Fonds assure aussi des aides aux mutations professionnelles et extra-professionnelles ainsi qu’aux migrations d’agriculteurs qui, depuis longtemps déjà, avaient assuré quelques transferts de régions surpeuplées (Bretagne, Vendée) vers des régions moins chargées (Aquitaine notamment). Il s’agit donc d’obtenir une meilleure répartition sociale des exploitations viables (dont la dimension minimale varie selon les systèmes de culture, les régions et même les années), en particulier en facilitant l’accès de jeunes et d’agriculteurs dynamiques à leur direction. En même temps, une loi sur les cumuls empêche les concentrations excessives, mais son efficacité est discutée et elle ne résout pas en particulier la question des propriétés tenues par des non-agriculteurs.