Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
F

français (suite)

Deux faits phonétiques importants viennent bouleverser les marques de genre et de nombre :
— les derniers résidus consonantiques qu’on pouvait encore trouver à la fin des mots disparaissent totalement, en même temps que commence en sens inverse un travail de restitution qui consiste à prononcer comme on écrit : finir, prononcé fini depuis le début du xvie s., se prononce de nouveau finir ;
— on constate aussi la chute de e dit « muet », parfois renforcé en é ou en è, ce qui le préserve, alors que les allongements compensatoires de la voyelle précédente disparaissent, sauf dans quelques dialectes.

Pour le digramme oi, partout où l’on n’est pas passé à la prononciation è, on hésite entre wa, prononciation populaire parisienne qui triomphera, et , qui restera de meilleur ton pendant tout le siècle.

En outre, les voyelles nasales devant une consonne nasale passent à la voyelle orale correspondante : c’est ainsi que l’on cesse de prononcer grammaire comme grand’mère. Dans le peuple parisien, le l mouillé s’affaiblit et prend la prononciation actuelle. Enfin, la lettre r, jusque-là roulée, se prononce, selon une mode qui finira par triompher, à la manière actuelle (r dorsal).

Pour l’emploi des temps, les tentatives pour spécialiser le passé simple et le passé composé dans des emplois différents échouent, et l’on tend à employer le second à la place du premier.

À la mort de Louis XIV, la langue littéraire est désormais stabilisée pour longtemps. Les problèmes dont on s’occupera désormais sont essentiellement ceux du vocabulaire et de l’orthographe. On polémiquera pour savoir s’il y a des mots nobles et des mots bas, s’il faut suivre l’usage et lequel, s’il faut ou non admettre les néologismes rendus nécessaires par le développement des techniques, des connaissances, des échanges, de l’évolution politique et sociale. Les discussions actuelles sur les emprunts, la xénophobie ou la xénophilie en matière de lexique ne sont, évidemment, qu’un des aspects de ces combats. Pour ce qui est du statut du français en France, la réaction latinisante de l’époque impériale a fait long feu, et la Révolution, constatant qu’une grande partie des Français ne parlaient que leur dialecte, a, dans un désir de centralisation, imité de tous les régimes qui ont suivi, fait triompher l’école à langue unique (le français), quels que soient le parler et les traditions locales.


Le français contemporain

Malgré tout, le français de l’école, à base plutôt littéraire, se trouve concurrencé par des dialectes sociaux et des dialectes régionaux (v. argots, bilinguisme, dialecte). Il est à la base du français central, ou français tout court, qui est employé dans les relations officielles et par les moyens de diffusion.


Phonétique et phonologie

Dans l’ensemble, le système phonologique du français est caractérisé par un grand nombre d’oppositions vocaliques, et, fait rare parmi les langues connues, par la présence de quatre voyelles nasales (an, un, in, on). Un trait important est la faiblesse des différences d’intensité, qui provoque, à l’audition, pour les étrangers, l’impression d’une diction plate : par suite de la disparition du e dit « muet » dans la prononciation, tous les mots sont accentués sur la dernière syllabe. Dans la pratique quotidienne, il existe des variations phonétiques ; certaines sont plutôt géographiques : palatales plus ou moins mouillées, variétés de r, articulation de e dit « muet ». D’autres sont plutôt sociales : différences dans les liaisons, s passant à z devant consonne sonore ; assimilation des consonnes mises en contact par la non-prononciation du e caduc, comme dans notre livre blanc, prononcé not’liv blanc ; simplification des groupes de consonnes en finale, comme dans artiste, prononcé artiss, ou parfois à l’intérieur des mots comme dans exclusif, prononcé esclusif. Il faut noter aussi certaines tendances à la réduction du système : ainsi, l’opposition de un et de ain (de brun et de brin), peu productive, tend à disparaître : la forme parisienne du français généralise la prononciation ain. De même, certaines oppositions comme é-è en finale tendent à s’atténuer au profit d’un son intermédiaire : c’est ainsi que les Parisiens ne distinguent pas, dans l’articulation, le futur terminé par -rai et le conditionnel terminé par -rais. La distinction entre le a d’avant de patte et le a d’arrière de pâte n’est plus guère réalisée et entendue.

Il faut noter, en outre, que la manière dont on écrit les mots exerce une influence de plus en plus grande sur leur prononciation. Le mouvement amorcé au xviie s. conduit à articuler le p de dompter et de cheptel et le c de cric.


Morphologie et syntaxe

Le français se présente comme une langue analytique, qui tend à exprimer les fonctions ainsi que les modalités et les temps verbaux par l’introduction de mots fonctionnels plutôt que grâce à des suffixes ou à des terminaisons comme les langues classiques ou l’allemand et le russe. Cela est d’autant plus vrai sur le plan de l’expression orale que nombre de marques grammaticales ne se prononcent pas.

Pour le pluriel des noms et des adjectifs, il faut opposer un système écrit, où la règle générale est que le pluriel est indiqué par la terminaison -s, et un système oral, qui n’indique pas le nombre de cette manière (rose et roses se prononcent de la même manière). Dans le système oral, sauf quelques cas particuliers, comme cheval-chevaux, c’est l’article qui varie graphiquement, mais aussi oralement en nombre. Ce qui est vrai pour le nombre l’est aussi pour le genre : le système de l’écriture oppose un masculin terminé par une lettre-consonne ou par une voyelle autre que e dit « muet » : plaisant s’oppose ainsi à plaisante. En réalité, dans la prononciation, on a un masculin terminé par une voyelle (ici an) et un féminin terminé par une consonne (le t de plaisante). Il y a pour ainsi dire deux systèmes entièrement différents entre l’écrit et le parlé (v. écrit/oral [codes]).

Pour ce qui est des formes verbales, la personne est indiquée dans la graphie par la terminaison (cinq formes pour le présent de l’indicatif du verbe aimer) et dans la prononciation presque uniquement par le pronom sujet (sans lui, aime, aimes et aiment, sauf liaisons éventuelles, se prononcent de la même manière).