Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
F

français (suite)

Le système des temps verbaux oppose une série exprimant des procès non accomplis (temps simples) à une série exprimant des procès accomplis (temps composés). Il faut noter ici une grande différence entre la langue écrite et la langue parlée. Alors que l’écrit (ou l’écrit lu, dit écrit-parlé) emploie encore le passé simple comme substitut élégant du passé composé, surtout en cascade dans le style narratif et à la 3e personne, ce temps ne fait plus partie des formes parlées. Il en va de même pour le subjonctif imparfait (le subjonctif présent, lui, est encore bien vivant et gagne même du terrain, avec après que par exemple), qui est sorti de tous les usages courants (écrits ou parlés) ailleurs qu’à la 3e personne du singulier ; on emploie cette dernière forme dans la langue littéraire pour respecter la règle de concordance des temps. Ainsi, le subjonctif tend à généraliser et à faire triompher un système à deux formes : un non-accompli (dit présent) et un accompli (dit passé). Rien d’étonnant à cela, puisque nous retrouvons là un système qui se généralise également à l’indicatif (avec, toutefois, un jeu plus complexe de formes) et au conditionnel.

Il faut noter aussi la présence dans la langue populaire de formes dites « surcomposées », comme j’ai eu fini ; elles accentuent l’opposition entre un système de formes de sens accompli et un autre de formes de sens non accompli.


Vocabulaire

Pour le vocabulaire, les faits récents importants sont l’introduction de mots étrangers sous leur forme d’origine (à toutes les époques on a emprunté aux langues étrangères, mais en francisant plus ou moins les mots). La non-francisation des emprunts s’explique par l’importance de plus en plus grande de l’écrit. Le nombre de ces emprunts est, du reste, relativement à la masse lexicale, assez réduit et ne justifie qu’assez peu les craintes de certains grammairiens. Dans certains cas, les emprunts ont donné au français de nouveaux phonèmes (notamment dans la terminaison -ing d’origine anglaise) ou ont imposé de nouvelles prononciations pour certaines lettres : le u de putsch prononcé ou par exemple.

Le renouvellement du lexique se fait selon les lois générales qui président à la création des mots. Toutefois, certains procédés sont plus spécifiques de notre époque : la troncation (automobile réduit à auto), l’importance des abréviations et la possibilité de les considérer comme des bases lexicales d’où l’on tire des dérivés (de Confédération générale du travail on tire C. G. T. et de C. G. T. on tire cégétiste). L’apparition et l’importance prise par des préfixes comme anti-, hyper-, hypo-, super-, mini-, maxi-, etc., ne doivent pas être négligées. Enfin, les barrières qui séparaient les vocabulaires des différents dialectes sociaux tendent à tomber.


Le français en France et à l’étranger

Les problèmes posés par l’extension du français sont nombreux : langue officielle de la France, le français n’est pas la langue maternelle de tous les Français. On peut, certes, penser qu’en dehors de quelques vieilles personnes tous les Français comprennent et savent parler la langue nationale. Mais plus ou moins. Jusqu’à leur arrivée à l’école, beaucoup de petits Français pratiquent avec leurs parents et surtout leurs grands-parents, dans leur village ou dans leur ferme, des patois assez éloignés du français central. En effet, les langues non romanes, les dialectes romans italiens ou ibériques, les dialectes occitans sont encore utilisés couramment dans les relations familières. Une série de faits récents indique même chez une partie des usagers des langues locales la volonté de les faire vivre, de leur donner un statut officiel et de les tirer de leur situation d’infériorité. Certaines d’entre elles sont de nouveau enseignées et peuvent être choisies à certains examens. La situation du français et ses rapports avec les langues locales tendent donc à être redéfinis, mais il n’y a pas lieu de penser que cette place faite aux langues locales va menacer l’existence du français ou son statut de langue commune.

En revanche, la France s’étant constituée très tôt en État centralisé, sa langue officielle est devenue la langue normalisée de régions à dialectes français qui n’ont jamais ou presque jamais dépendu politiquement de notre pays : très tôt au cours de son histoire, la Wallonie offre des textes rédigés dans un français teinté de traits wallons plutôt qu’en wallon proprement dit. Il en est de même en Suisse francophone.

Le rôle joué par la France a eu également pour conséquence qu’à diverses époques la langue française a été la langue de la diplomatie (notamment au xviie et au xviiie s.). Pour les mêmes raisons ou pour d’autres (influence politique, importance de ses penseurs, par exemple, ou des émigrés protestants chassés par Louis XIV), elle a été la langue de certaines couches sociales (cours princières allemandes au xviiie s., intelligentsia russe au xviiie s. et au début du xixe, cours italiennes à la fin du Moyen Âge). Au cours des xixe et xxe s., l’implantation momentanée ou de plus longue durée de la domination française a eu pour contrecoup l’utilisation de la langue française, qui a survécu à la présence militaire ou administrative : au Liban, par exemple, où le mandat confié à la France par la Société des Nations a été de courte durée, mais où le français jouissait d’une influence ancienne. Parfois, la colonisation a fait du français la seule langue commune à des populations diverses (cas de nombreux pays « francophones » d’Afrique), ce qui a eu pour conséquence son maintien comme langue officielle après l’indépendance ; les pays anciennement colonisés peuvent aussi continuer à utiliser le français pour des raisons internationales, dans certaines relations, tout en travaillant à promouvoir les langues nationales (c’est le cas, par exemple, de l’Algérie).

Le cas de l’Angleterre, où le français a été pendant plusieurs siècles la langue officielle, est différent. La conquête par le duc de Normandie (1066) a fait des seigneurs normands les maîtres de l’île. D’abord sous sa forme normande, puis sous sa forme française, de plus en plus envahie par des traits anglo-saxons, le « français d’Angleterre » fut longtemps langue officielle ; il ne fut même exclu définitivement des tribunaux que par le bill du 4 mars 1731 !

Dans le Nouveau Monde, des colons ont implanté le français en Louisiane, où subsistent encore des îlots francophones, et surtout dans certaines provinces du Canada (Québec notamment), où le français, teinté de traits normands, est encore parlé par la majorité de la population et a le statut de langue officielle à côté de l’anglais.