Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Alpes françaises

Région du sud-est de la France, entre la frontière italienne, la vallée du Rhône et la Méditerranée.


Partie occidentale du grand arc alpin, les Alpes françaises ont une orientation méridienne contrastant avec la dominante zonale de l’ensemble de la chaîne. L’étirement en latitude qui en résulte est l’une des bases de l’opposition régionale classique entre les Alpes du Nord et les Alpes du Sud, opposition qui trouve encore une justification sur un double plan, économique et structural.


Le milieu

D’ouest en est, les Alpes du Nord voient se succéder quatre types de paysages, dont l’individualisation est largement liée à la tectonique, plus secondairement à la lithologie et à l’érosion des glaciers quaternaires qui ont recouvert l’ensemble de la région. Les Préalpes (Chablais, Bornes, Bauges, Grande-Chartreuse, Vercors) sont des massifs calcaires, aux plis généralement simples, formés probablement par le glissement de la couverture sédimentaire des massifs centraux. Le Sillon alpin, qui se développe de la vallée de l’Arly à celle du Drac, est une longue dépression qui atteint son plein épanouissement dans la vallée moyenne de l’Isère, où se succèdent d’amont en aval la Combe de Savoie et le Grésivaudan. C’est une déchirure structurale entre les Préalpes et les massifs centraux ; cristallins, étirés du massif du Mont-Blanc au Pelvoux en passant par le Beaufortin et la chaîne de Belledonne, ces massifs portent les plus hauts sommets des Alpes françaises. En bordure de la frontière italienne, enfin, la zone intra-alpine, surtout schisteuse, est aérée (comme les massifs centraux) par les vallées de l’Isère supérieure (Tarentaise) et de l’Arc (Maurienne). Ces vallées, avec le Sillon alpin et les cluses (cluse de l’Arve, cluses d’Annecy, de Chambéry, de Grenoble), séparant les massifs préalpins (ou subalpins), quadrillent véritablement les Alpes du Nord, dont elles expliquent partiellement l’ordonnancement du relief et totalement la relative facilité de pénétration.

Au-delà de la vallée de la Drôme, des cols de la Croix-Haute, Bayard et de Montgenèvre, les Alpes du Sud ne présentent pas une disposition aussi simple. La vallée de la Durance est moins large, moins profonde que le Sillon alpin ; ses vallées affluentes sont étroites. Ici, les Préalpes s’étendent démesurément, dessinant un vaste arc de cercle du Diois et des Baronnies à l’arrière-pays niçois, parfois coupées ou précédées de « plateaux » (Valensole). Les roches cristallines n’affleurent qu’au sud-est, à la frontière italienne, dans le Mercantour (ou Argentera). Les nappes de charriage de la zone interne s’avancent vers l’ouest par la brèche ainsi ouverte, recouvrant le Briançonnais, le Queyras, l’Embrunais.

Le climat est naturellement dans la dépendance de l’altitude, mais est aussi étroitement lié à l’exposition et à la latitude. Celle-ci explique que le total de précipitations soit plus élevé dans les Alpes du Nord (à altitude égale), plus fréquemment visitées par les dépressions cycloniques, qui se heurtent aussi, au sud, à la partie la plus élevée de la bordure du Massif central (Cévennes). Dans les Alpes du Nord, les précipitations (à dominante estivale) dépassent généralement 1 m, souvent 2 m sur les Préalpes, frappées de plein fouet par les vents humides de l’ouest. Elles sont beaucoup plus faibles dans les vallées au climat d’abri, en particulier en Maurienne et en Tarentaise. Les températures moyennes de l’hiver avoisinent 0 °C dans les vallées, où le nombre de jours de gelée oscille entre 80 et 150. Dans les Alpes du Sud, les moyennes thermiques hivernales sont supérieures de 4 à 5 °C (les isothermes de 2-3 °C en janvier marquent en fait la limite entre les deux domaines), de même que les températures estivales, qui approchent 25 °C en moyenne en juillet. Le nombre de jours de gelée dépasse rarement 100 ; quant au total des précipitations, il est partout inférieur à 1 m, en particulier dans les Préalpes et la vallée de la Durance, où il ne dépasse guère 700 mm. Ces caractères expliquent l’étendue de la forêt (hêtres, chênes et conifères) dans les Alpes du Nord, où elle recouvre près de la moitié des Préalpes et du tiers des massifs centraux, cédant la place fréquemment aux alpages verdoyants. Dans les Alpes du Sud, le taux de boisement demeure élevé, mais, ici, l’influence méditerranéenne est sensible, marquée par la présence du chêne vert associé à des pâturages d’altitude plus maigres.


La population

En 1970, la population des Alpes françaises est à peu près égale à celle du milieu du xixe s., mais cet immobilisme apparent masque de profondes modifications dans le temps et l’espace. En 1851, la région comptait un peu plus d’un million d’habitants, chiffre qui tomba à moins de 850 000 vers 1930, avant de se relever de plus de 40 p. 100 en moins d’un demi-siècle. Au milieu du xixe s., les Alpes du Nord et les Alpes du Sud étaient à peu près également peuplées ; aujourd’hui, les Alpes du Nord comptent plus de 800 000 habitants, environ les trois quarts de la population totale. Cette double évolution résulte de deux facteurs principaux : l’ouverture de voies de communication et l’industrialisation.

Isolées, les Alpes ont longtemps connu une économie autarcique, fondée sur une polyculture vivrière, sur un élevage transhumant, sur l’exploitation de la forêt (et plus localement du sous-sol). Ce cadre traditionnel a éclaté avec l’ouverture de la voie ferrée et le développement des routes. À une émigration saisonnière ancienne, imposée par la trêve hivernale, se superpose, avant de la remplacer rapidement, une émigration définitive vers les villes du pourtour (Lyon, Marseille), Paris et même l’étranger (Mexique pour les émigrants de l’Ubaye, les « barcelonnettes »). Cette émigration affecte inégalement les Alpes du Nord et les Alpes du Sud. Le désenclavement impose une spécialisation de l’agriculture dans le cadre d’une économie devenant partiellement commerciale. L’élevage bovin s’intensifie dans le Nord, humide, se substituant souvent aux cultures ; il ne peut en être de même dans les Alpes du Sud, plus sèches, vouées toujours aux ovins, spéculation moins rentable. Presque simultanément (à partir de 1869), l’utilisation de l’énergie électrique d’origine hydraulique, initialement dans le Sillon alpin, a entraîné le développement, dans les Alpes du Nord, de l’électrométallurgie et de l’électrochimie. Moins arrosées et à la topographie moins contrastée, les Alpes du Sud ne furent pas équipées alors. Enfin, les Alpes du Nord ont été le berceau de l’alpinisme* et surtout des sports d’hiver. Elles concentrent aujourd’hui les neuf dixièmes de l’équipement hôtelier consacré au tourisme hivernal.