Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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fortification (suite)

Avec les grandes invasions, ce système défensif perdit son efficacité, et tout le territoire romain se trouva menacé. Les villes furent alors contraintes d’assumer leur autodéfense en construisant une enceinte, quitte à sacrifier leurs faubourgs pour restreindre le périmètre des remparts. En Gaule, plus de cinquante cités furent ainsi fortifiées, et cette fortification subsista souvent jusqu’aux xie-xiie s.

La fortification romaine trouva d’ailleurs son prolongement dans la fortification byzantine, car l’empire d’Orient établit un chapelet de castella pour couvrir ses frontières, tandis qu’il entourait ses principales villes d’une enceinte. À leur tour, les Arabes ont bénéficié de la tradition romaine ; ils ont tout d’abord jalonné les côtes de l’Afrique du Nord et d’Espagne d’ouvrages nommés ribāṭ, qui étaient à la fois des lieux de culte, des logements pour des petites collectivités et des refuges pour les habitants d’alentour. Les ribāṭ conservèrent l’aspect des castella si l’on excepte la présence d’un minaret. Mais les Arabes ont également entouré les villes conquises par des remparts semblables aux remparts byzantins.


La fortification médiévale

En Europe centrale et en Europe occidentale, l’effacement de la civilisation romaine avait déterminé une décadence de l’architecture. Jusqu’aux invasions normandes et hongroises, on ne construisit plus guère d’ouvrages fortifiés. Il fallut l’apparition de la féodalité avec l’obligation de protéger les résidences seigneuriales pour qu’on empruntât aux populations nordiques une construction rustique : le château à motte, qui apparut au xe s. pour se multiplier au xie (v. château).

Il se caractérisait par une butte tronconique entourée d’un fossé, la terre extraite de ce fossé ayant permis d’élever la butte. Une tour en bois coiffait la motte et servait d’habitation seigneuriale, tandis que la domesticité, les animaux et les approvisionnements trouvaient place dans un enclos nommé baille ou basse-cour. Cette dernière était entourée par un remblai surmonté d’une palissade et précédé d’un autre fossé.

Le retour à la construction en pierre fut très lent, puisqu’il fallut deux siècles pour passer du premier donjon français — celui de Langeais en 997 — au premier ouvrage où les quatre principes de la fortification furent heureusement appliqués, c’est-à-dire Château-Gaillard, œuvre de Richard Cœur de Lion en 1194.

Les étapes furent d’abord marquées par la transformation des donjons, qui devinrent une combinaison de cubes ou de cylindres, comme les donjons anglais ou la tour Guinette à Etampes. Vint ensuite l’adoption de la chemise, mur de protection cernant le donjon en attendant l’enceinte qui entoura la baille. Des balcons de tir furent enfin prévus pour défendre le pied des murailles ; ils prirent le nom de hourds quand ils furent de simples plates-formes en bois et celui d’échauguettes ou de bretèches quand ils furent construits en pierre. On perça également des fentes pour le tir à l’arc, appelées archères, et on prévit des retranchements en avant des fossés pour retarder l’ennemi ; ce furent les lices.

Peu de progrès furent accomplis entre le début du xiiie s. et la seconde moitié du xve. Des mâchicoulis en maçonnerie furent substitués aux hourds, les portes furent dotées de ponts-levis à bascule plus maniables, des châtelets massifs assurèrent une meilleure protection des entrées, tandis que des barbacanes barraient les accès au pont-levis. D’autre part, l’appauvrissement d’une large fraction de la noblesse provoqua la multiplication de petits ouvrages du type manoirs et maisons fortes.


La fortification bastionnée

Si les armes à feu avaient possédé d’emblée une grande puissance de destruction, la fortification eût évolué rapidement, mais, jusqu’à l’époque de Jeanne d’Arc, les bouches à feu lancèrent seulement des boulets de pierre à quelques dizaines de mètres. Il fallut attendre que le nouvel armement soit plus efficace pour que se pose le double problème de son utilisation dans les ouvrages et de la protection contre les projectiles des assiégeants.

La première adaptation résulta de l’invention des armes portatives, c’est-à-dire les bâtons à feu, les scopettes ou les bombardelles, qui exigèrent une modification des archères. Plusieurs types d’embrasures furent alors conçus sous la dénomination de canonnières, tandis qu’un nouveau problème se posait, car le tir dans un local fermé dégageait des gaz délétères et une abondante fumée. Durant deux siècles on vit donc s’opposer les tenants des casemates, où les armes tiraient en vase clos avec un système d’aération, et les partisans du tir à ciel ouvert, où les armes n’étaient malheureusement protégées que par un parapet.

Cependant, à partir de la seconde moitié du xve s., les progrès de l’artillerie avaient montré l’intérêt d’installer des canons dans les ouvrages. Or, le poids et le volume des pièces interdisaient de loger celles-ci sur la plateforme des tours et, a fortiori, sur les chemins de ronde ; aussi, des solutions nouvelles s’imposèrent-elles. Les uns construisirent de très grosses tours dont la plate-forme était renforcée et que les Italiens nommèrent torrioni ; les autres établirent des remblais au pied des courtines : ce furent les fausses braies ; d’autres encore remplacèrent par de hautes terrasses une partie des remparts : ce furent les boulevards. On s’aperçut alors que les massifs de terre résistaient fort bien aux boulets, et cette constatation fut à l’origine de la fortification bastionnée. Cette dernière peut, en effet, se définir par de larges massifs de terre, épaulés par des murs peu épais, les fossés se trouvant bordés sur leur face intérieure par des murs d’escarpe et sur leur face extérieure par des murs de contrescarpe. Les tours sont remplacées par des bastions, c’est-à-dire par des plates-formes à canons, de plan géométrique et qui offrent une saillie très prononcée par rapport aux courtines.