Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Alpes (suite)

De toute façon, ce qui caractérise essentiellement les précipitations alpines, c’est la prédominance de la neige. Pendant tous les mois d’hiver et une partie du printemps, les précipitations sont en quelque sorte figées et, lorsque la neige fond, elle libère d’un seul coup de grandes masses d’eau, dont les effets sont très importants pour l’érosion et le régime irrégulier des cours d’eau. La fonte des neiges est d’autant plus brutale qu’elle est souvent causée par un vent chaud, le fœhn.

C’est un vent en général sud-nord ; froid et humide sur le versant italien, il se réchauffe et s’assèche en descendant les vallées autrichiennes et suisses, où il peut provoquer des montées brutales de température, de l’ordre de 20 °C. Fréquent surtout dans les Alpes centrales et orientales, il n’est pas absent des Alpes françaises et est sensible jusqu’à Grenoble.

Les vallées canalisent d’ailleurs les vents généraux en accentuant souvent leur violence : la bise ou le mistral dans la vallée de la Durance ; la bora, vent du nord et du nord-est, en Istrie. Elles sont, plus spectaculairement, le siège de brises locales, dues aux réchauffements différentiels des divers secteurs, et qui s’inversent parfois dans la journée (la montagnère, le seguin, le ponthias, dans les Alpes du Sud).

Les oppositions de relief modifient toutes ces situations climatologiques, et l’exposition au soleil et aux vents apparaît essentielle pour l’homme. Le versant le plus longtemps ensoleillé est réservé aux cultures et aux habitations, et les différences entre la végétation de l’« adret » et celle de l’« ubac » concrétisent ce contraste.

Sur le fond climatique commun montagnard, caractérisé par l’étagement en altitude des températures et des précipitations, par l’originalité des vents locaux et par les effets dus à l’exposition, on peut distinguer trois domaines climatiques.

Les domaines climatiques

Les Alpes sèches méridionales

Elles subissent essentiellement l’influence méditerranéenne, marquée surtout par la faiblesse des précipitations et leur violence, la sécheresse de l’été et sa luminosité. C’est le cas des Alpes méridionales françaises et italiennes. La neige reste abondante sur les hauts sommets du Briançonnais, du Queyras ou des Alpes maritimes, mais le skieur profite de journées très ensoleillées et la neige fond vite au printemps.

Les Alpes sèches

Toutes les dépressions intérieures, principalement les bassins des Alpes orientales, sont caractérisées par un climat moins sec que le précédent, avec de fortes pluies d’été, mais vite évaporées. L’hiver y est très froid, à cause des inversions de température, et l’ensoleillement, fréquent.

Les Alpes humides

L’expression s’applique au reste de la chaîne, avec des nuances régionales, les Alpes internes étant moins arrosées que les massifs tournés vers les vents pluvieux. Les Préalpes françaises et les hautes Alpes centrales sont les plus humides ; les grandes vallées ou les massifs internes le sont un peu moins. Les précipitations estivales sont abondantes et, de ce fait, les températures restent modérées. Ce sont les pays par excellence de l’herbe et des grandes forêts.


La végétation

La végétation naturelle alpine est déterminée par les sols et l’action de l’homme, mais surtout par les conditions climatiques.

Les sols sont le plus souvent squelettiques ; s’ils sont un peu épais, l’homme y a implanté ses cultures. Aussi les Alpes ont-elles été déboisées depuis longtemps, et surtout aux époques de poussée démographique, principalement pendant la dernière, à la fin du xviiie s. et dans la première moitié du xixe s. Actuellement, la dépopulation favorise le reboisement naturel, qui gagne sur les champs.

Les conditions climatiques jouent essentiellement par les oppositions dues à l’exposition, déjà évoquées, et par l’étagement de la végétation. Au-dessus des cultures apparaît une large zone forestière, où dominent d’abord les feuillus, puis les résineux. La forêt se dégrade, les arbres se rabougrissent, et l’on passe à l’étage dit « de la prairie alpine », celui des « alpages », qui disparaît parfois sous les éboulis ou les pierriers.

La composition de la forêt varie d’ailleurs en fonction de l’exposition et des caractères régionaux du climat : avec l’ensoleillement et la sécheresse, les feuillus l’emportent sur les résineux, le pin sur le sapin ou l’épicéa, et les sous-bois sont moins épais. De même, la limite supérieure de la forêt dépend des précipitations ; elle varie de 1 800 m dans les Préalpes très humides à 2 000 et 2 300 m dans les massifs internes plus secs, mais les conditions locales lui imposent toujours un tracé très sinueux.

Le cadre physique offert par les Alpes à l’occupation humaine est donc rude et très varié. Certes, les contraintes l’emportent, et elles tiennent surtout au climat et au relief. Pendant des millénaires, les hommes s’en sont accommodés au mieux par des formes d’exploitation traditionnelles ingénieuses, qui persistent souvent encore. Cependant, depuis peu, les aspects autrefois les plus répulsifs de la nature alpestre font aujourd’hui sa richesse : la neige et les rochers sont exploités par un tourisme croissant ; les lacs et les torrents, jadis obstacles aux communications, sont devenus sources d’énergie, et les forêts, barrière intermédiaire entre les champs et les alpages, représentent désormais une grande valeur. Ainsi, aux genres de vie anciens, des aspects modernes d’utilisation montagnarde ont succédé ou se sont superposés. Ce n’est pas sans susciter de graves problèmes d’intégration à la vie économique et sociale des divers États alpins.


Les Alpes et les hommes


La vie traditionnelle alpine : une adaptation étroite et ingénieuse à la nature montagnarde

Du fait de leur situation, les Alpes ont été parcourues par les grandes migrations humaines et par les courants d’échange entre l’Europe du Nord et l’Europe méditerranéenne. D’autre part, leurs cellules isolées ont servi de refuge. Elles ont donc été peuplées précocement et de façon plus intensive que la plupart des montagnes.