Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Alpes (suite)

Cette seconde hypothèse paraît parfaitement valable pour beaucoup des secteurs de la chaîne, essentiellement pour les Alpes françaises du Nord. Cependant, la théorie du serrage revient à la mode en même temps que la théorie de « dérive des continents », et on ne peut guère expliquer autrement la forme arquée de la chaîne et celle, parallèle, des alignements de massifs anciens incorporés. En outre, on ne peut plus attribuer à la gravité les plis compliqués des Préalpes françaises du Sud, pour la bonne raison qu’au droit d’elles, vers l’est, les massifs anciens s’interrompent entre l’Oisans et l’Argentera et qu’ainsi, en aucune façon, ces plis ne peuvent représenter la couverture écoulée vers l’ouest d’un de ces massifs.

D’autre part, on tient mieux compte, aujourd’hui, des étapes intermédiaires d’érosion entre les phases de mouvements et, ainsi, on essaie de mieux saisir le mécanisme de plissements successifs en fonction de la plasticité du matériel, variable avec les époques, suivant que l’érosion l’a amputé plus ou moins de ses couches rigides.

Ainsi, la mise en place des Alpes reste contestée et laisse encore le champ libre à des explications nouvelles. Bien souvent, d’ailleurs, ce sont les Alpes qui ont suscité les théories successives sur la genèse des montagnes en général. C’est dire quelle place elles tiennent en Europe et dans le monde.

J. M.

Les Alpes, un exemple de chaîne de montagnes

Les Alpes résultent de la compression d’un ensemble de bassins sédimentaires entre des blocs rigides. Elles sont bien représentatives de nombreuses autres chaînes de montagnes, en particulier dans le Bassin méditerranéen. De nombreux caractères s’y retrouvent.

Tout d’abord la liaison entre les séries stratigraphiques et leur faciès avec l’histoire géosynclinale de la future chaîne, c’est-à-dire avec son évolution paléogéographique et avec le déroulement des mouvements tectoniques.

Cette double évolution paléogéographique se marque non pas par une lente évolution tectonique tout au long de la période sédimentaire, mais plutôt par une préparation des sédiments ayant leurs caractères mécaniques propres dans chacune des zones paléogéographiques.

C’est ainsi que l’on peut citer les changements de faciès, qui amorceront des lignes de rupture et évolueront en contacts anormaux, la présence de niveaux de décollement, qui favoriseront le déplacement relatif de la couverture par rapport au socle (zone dauphinoise) ou d’une partie de la couverture par rapport à une partie inférieure (flysch à Helminthoïdes et schistes lustrés), ou bien encore la différence de rigidité ou de plasticité (compétence et incompétence des couches) d’une zone à une autre.

Ainsi, en première approximation, la zone dauphinoise peut s’expliquer par une tectonique de couverture, tandis que la zone briançonnaise s’explique plutôt par une tectonique de socle. De même, les nappes du flysch à Helminthoïdes et des schistes lustrés sont de beaux exemples de nappes de couverture surmontées par de grandes nappes de socle venues de l’arrière-pays, comme en témoigne le massif décollé et charrié de la Dent-Blanche.

P. C.


Le climat

Par leur situation dans la zone tempérée européenne, les Alpes subissent le jeu alternatif des influences atlantiques, méditerranéennes et continentales, et l’orientation de leurs divers secteurs par rapport au courant de ces influences les soumet plus ou moins à leur action : l’été méditerranéen remonte largement jusqu’au Briançonnais, les pluies atlantiques frappent de front les Préalpes françaises, l’hiver continental est plus marqué dans les Alpes autrichiennes.

La masse des hauts reliefs perturbe la circulation atmosphérique, mais se manifeste surtout par l’étagement des précipitations et des températures, les caractères de vents particuliers et les contrastes d’exposition.

Avec l’altitude, l’air se raréfie et, s’il laisse filtrer plus aisément les radiations solaires, il les conserve moins bien. Aussi les oppositions de température sont-elles plus fortes et les moyennes annuelles baissent-elles régulièrement en altitude (8,5 °C à 500 m ; 4,4 °C à 1 300 m ; 0,3 °C à 2 100 m). Cependant, par situation générale calme, il arrive que les dépressions soient moins chaudes que les sommets : l’air froid et lourd des cimes glisse le long des versants et s’accumule au fond des vallées. Cette inversion de température est particulièrement fréquente et spectaculaire dans le bassin de Klagenfurt, dans les Alpes orientales autrichiennes.

Les grands lacs alpestres ont une influence modératrice sur les températures, car leur masse d’eau est moins sensible que l’air aux variations thermiques. Cependant, le climat alpin reste rude, à cause de la longueur de la saison froide et de l’écourtement des saisons intermédiaires. Il est d’autant plus rude que l’altitude est plus forte.

Les précipitations dépendent, elles aussi, de la hauteur des reliefs. Elles augmentent régulièrement jusque vers 3 000 m environ, diminuent ensuite. Mais la situation des massifs modifie cette échelle : les Préalpes du Nord sont très arrosées (au moins 2 000 mm), de même que les Alpes italiennes proches de l’Adriatique (plus de 3 500 mm). Les Préalpes méditerranéennes et méridionales le sont beaucoup moins (Saint-Véran, à 2 000 m d’altitude : 750 mm), de même que les Alpes orientales et certains massifs internes (la Vanoise). Les dépressions comme le Grésivaudan, la vallée de la Durance, le bassin de Klagenfurt jouissent d’un climat d’abri encore plus sec. Le régime saisonnier des précipitations varie suivant la prédominance régionale de l’une ou de l’autre des trois grandes influences climatiques : les Alpes opposées aux vents atlantiques sont bien arrosées toute l’année ; en allant vers l’est, à partir des massifs franco-suisses, la sécheresse d’hiver et le maximum estival (caractéristiques du climat continental) s’accroissent ; au sud, les précipitations sont surtout d’automne et de printemps, et la sécheresse d’été est bien marquée comme autour de la Méditerranée.