Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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folie (suite)

Tout un courant s’est en effet développé en France, à l’issue de la Seconde Guerre mondiale, avec Georges Daumezon, François Tosquelles, Jean Oury, etc., dont le propos essentiel est d’un renversement dans les conceptions qui président à la pratique asilaire. La folie ne serait peut-être pas tant quelque chose à réduire que quelque chose à écouter, à laisser parler ; car, alors, ce qu’elle cache sous son apparente incohérence pourrait bien se révéler comme une « autre cohérence », un discours que nous refuserions d’entendre parce que nous refusons de l’entendre à l’œuvre en nous. Tout l’effort de la psychothérapie institutionnelle revient à ouvrir des espaces dans lesquels des mots, des phrases puissent se prononcer, des articulations jusque-là ignorées puissent se faire : que ce soit par des lieux dans lesquels la détermination économique est rendue plus souple, par des espaces vides, c’est-à-dire ouverts à la parole ; autant de « pièges à signifiants » où pourront venir s’inscrire des morceaux de parole, jusque-là entraînés dans le flot des rationalisations médicales. On voit pourquoi le projet nous paraît très exactement homogène au projet psychanalytique.


La dimension politique de la folie

La folie comme parole commune et refoulée de l’homme, de tout homme : le propos n’est pas propre à la seule psychanalyse, même s’il peut lui en être attribué, chronologiquement, la proclamation. Dans sa préface à Sociologie et anthropologie de M. Mauss, Cl. Lévi-Strauss écrit que « toute culture peut être considérée comme un ensemble de systèmes symboliques, au premier rang desquels se placent le langage, les règles matrimoniales, les rapports économiques, l’art, la science, la religion ». Tous ces systèmes, nous dit-il, ne sauraient maintenir une parfaite homogénéité entre eux du fait de leurs obligatoires dyssynchronies d’évolution, du fait des « éléments allogènes » introduits par l’histoire. « Il résulte qu’aucune société n’est jamais intégralement et complètement symbolique ou, plus exactement, qu’elle ne parvient jamais à offrir à tous ses membres, et au même degré, le moyen de s’utiliser pleinement à l’édification d’une structure symbolique qui, pour la pensée normale, n’est réalisable que sur le plan de la vie sociale. » Aux individus placés « hors systèmes », il serait donc demandé de réaliser des compromis impossibles, « de feindre des transitions imaginaires, d’incarner des synthèses incompatibles ». « Cela, dit Lévi-Strauss en s’appuyant sur l’étude de Mauss, est évident dans le cas du chamanisme et de la possession ; mais ce ne serait pas moins vrai de conduites que notre propre société refuse de légitimer et de grouper en vocations, tout en abandonnant le soin de réaliser un équivalent statistique à des individus sensibles [...] aux contradictions et aux lacunes de la structure sociale. »

La folie comme porte-parole des incohérences de la structure sociale, voilà le point de départ. Si l’on envisage la responsabilité de ces « éléments allogènes » de l’histoire dont parle Lévi-Strauss, l’importance de la structure politique dans ces systèmes, symboliques, si l’on étudie par exemple, comme le fait Engels, l’impact des données socio-économiques sur la famille et son idéologie, si l’on considère l’inégalité à l’accès homogène aux structures symboliques que peut déterminer une société de classes, alors on comprend la dimension politique que l’on peut accorder à la folie dans la société contemporaine. D’une façon plus ou moins nette, cette position est celle de ce que l’on appelle de nos jours l’antipsychiatrie, mouvement représenté notamment par R. D. Laing, D. Cooper et F. Basaglia, et qui réclame, en particulier, la libre parole aux malades mentaux, car ils ont quelque chose à dire sur l’aliénation, à condition qu’on les écoute.

En retrouvant la déraison comme horizon de notre univers à travers le radicalisme des mouvements contestataires culturels contemporains, l’homme moderne se retrouve et s’angoisse à la fois. Il serait vain de tenter d’anticiper sur le cours de cette histoire. Tout au plus peut-on, ayant reconnu ce balancement entre le refoulement ou la reconnaissance de la folie, espérer en la capacité de l’homme à l’assumer et, comme Freud l’écrivait dans Malaise dans la civilisation, « attendre que l’autre des deux « puissances célestes », l’Eros éternel, tente un effort afin de s’affirmer dans la lutte qu’il mène contre son adversaire non moins immortel ».

F. G.

➙ Foucault (M.) / Freud (S.) / Psychanalyse / Psychiatrie.

 M. Foucault, Histoire de la folie à l’âge classique (Plon, 1961 ; nouv. éd., Gallimard, 1972). / D. Cooper, Psychiatry and Anti-Psychiatry (Londres, 1967 ; trad. fr. Psychiatrie et antipsychiatrie, Éd. du Seuil, 1970). / Numéros spéciaux de la revue Partisans : Gardes-fous, arrêtez de vous serrer les coudes et Folie pour folie (Maspéro, 1969 et 1972). / R. Gentis, les Murs de l’asile (Maspéro, 1970). / M. Thuilleaux, Connaissance de la folie (P. U. F., 1973). / J.-L. Le Sidaner, la Folie (Larousse, 1976).

folklore

Ce mot a, en France, un sens péjoratif que lui ont donné ceux qui ne le connaissent pas — ou qui le connaissent mal.


Définition

Ce terme anglais a sans doute été mal choisi. C’est un mot « marquemal », ainsi que l’a constaté Marcel Provence. Devant la difficulté de lui trouver un remplaçant, certains ethnologues ont tenté, sans grand succès, de lui substituer une autre dénomination. Gaston Paris et Paul Sébillot (1846-1918) proposent ethnographie traditionnelle (dont on a fait traditionnisme). D’autres appellations ressortent du domaine de la fantaisie : plébologie, populologie ou vulgologie. Arnold Van Gennep (1873-1957) assimile le folklore à la biologie. C’est en effet la vie de chaque jour qui régit les traditions qui vont du berceau à la tombe, les coutumes des fiançailles et du mariage relevant de la sexologie. André Varagnac (né en 1894) rattache le folklore à la sociologie (étude des mœurs et coutumes, caractère collectif du folklore). Enfin, le folklore plonge ses racines dans la géographie. Non pas celle qui est créée par le découpage arbitraire de pays ou de départements, mais, au-delà des provinces, dans la complexité des différentes ethnies installées bien avant l’histoire et dont les danses, les coutumes du cycle saisonnier, les pratiques conservent de troublantes analogies avec celles de populations lointaines ou de civilisations disparues (culte du feu, de l’eau, célébration du mythe de Déméter, etc.). Analogies que l’on retrouve dans les instruments traditionnels, transformés ou non par le cours des siècles : tout le Bassin méditerranéen joue d’une petite flûte, généralement à trois trous, et les principes de la harpe des Phéniciens se retrouvent dans les pays celtiques. Quant à la cornemuse, instrument international, elle a pour ancêtre la « tibia utricularis » des Romains.

Une tradition, bien ancrée en Auvergne, prétend que la populaire bourrée à 3 temps descendrait de la pyrrhique des Grecs. Un Auvergnat éminent, Joseph Canteloube (1879-1957), renchérit sur cette proposition et se demande s’il serait déraisonnable de penser que ce sont les Arvernes qui ont porté la danse pyrrhique en Grèce !