Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Florence (suite)

Les ministeriales et les agents de l’évêque, du vicomte ou des établissements religieux forment la couche supérieure de ce peuple au sein duquel se constitue une bourgeoisie urbaine qui crée hors les murs le borgo Santi Apostoli, cité en 1075, et le borgo Foris Portam Santi Petri Majoris, connu dès 1090. La mort du dernier comte Cadolingi en 1113, celle de la comtesse Mathilde en 1115, enfin celle de l’empereur Henri V en 1125 facilitent l’émancipation de cette bourgeoisie, qui s’empare de Fiesole en 1125 et contraint les nobles à venir résider au moins trois mois dans la ville, où ils érigent des palais surmontés de tours de défense de plus en plus hautes (premier tiers du xiie s.).


Le temps des institutions : la commune de Florence au xiie s.

La commune de Florence n’est reconnue de facto qu’en 1154 par le légat impérial welf, lorsque celui-ci lui accorde la juridiction civile et criminelle sur le contado, que détient dès lors le tribunal de la commune siégeant à Orsammichele. Et ce n’est qu’en 1183 qu’elle est reconnue de jure par Frédéric Ier Barberousse, vaincu par les villes lombardes.

Trois organes assurent alors le gouvernement de la ville : l’Assemblée populaire, ou Parlement, qui se réunit quatre fois par an dans la cathédrale Santa Reparata ; un conseil consultatif et délibérant de 100 à 150 boni homines, apparu au plus tard en 1167 ; enfin, un collège de douze consuls qui se relaient tous les deux mois pour exercer le pouvoir exécutif et qui sont sans doute cooptés annuellement tant parmi les non-nobles que parmi les nobles.

Les uns et les autres se regroupent d’ailleurs indifféremment aussi bien au sein de la société des combattants à cheval (societas militum), assez riches pour s’équiper à leurs frais, qu’au sein de la société des marchands (societas mercatorum), qui pratiquent le commerce lointain ; enrichis, ils assurent l’entretien, à la demande de la commune, de l’église de San Miniato (1180) et du baptistère Saint-Jean (1157), où est conservé le carroccio (char à bœufs) chargé de porter au combat ses emblèmes.

L’enrichissement de ces grands marchands s’explique en grande partie par leur intelligence économique, qui les incite à utiliser l’alun et les produits tinctoriaux d’Orient pour affiner, teindre et réexporter à haut prix les draps achetés en Flandre et en France dès la fin du xiie s. En réinvestissant au moins partiellement leurs bénéfices en prêts à intérêts de 15 à 25 %, ces marchands donnent à Florence les moyens financiers indispensables pour assurer la liberté de ses communications « en et hors » la Toscane. Profitant de l’affaiblissement relatif de Pise face à la coalition d’intérêts de Lucques et de Gênes, Florence accepte en 1171 d’accorder son aide militaire à la première de ces trois villes, à condition que ses marchandises puissent circuler librement sur mer et ne soient pas frappées, sur son territoire, de taxes supérieures à celles qui pèsent sur son propre commerce. Un tel dynamisme économique accélère les courants migratoires dont bénéficie Florence, qui entreprend entre 1172 et 1175 la construction d’une nouvelle enceinte de 4,5 km, laquelle englobe à la fois les borghi, qui se sont multipliés hors des murs, et l’actif quartier de l’Oltrarno. La ville compte dès lors environ 25 000 habitants (50 000 peut-être en 1200) ; elle est devenue une ville pont d’une superficie de 55 ha répartis non plus entre quatre quartiers, mais entre six sestiers selon un système « sexpartite » aussitôt appliqué au contado.


Le xiiie siècle, temps de l’expansion

La croissance rapide de Florence, la conjonction d’intérêts qui se réalise entre la petite bourgeoisie immigrée du contado, les artisans, qui se constituent en « arts », et certaines grandes familles qui, tels les Uberti, sont écartées du consulat par le système de la cooptation, l’hostilité commerciale de Lucques, qui rétablit le péage sur l’Arno au pont de Fucecchio, l’appui enfin que donnent à ces mécontents les empereurs Frédéric Ier Barberousse et Henri VI, tous ces faits rendent possible le coup de force de 1193.

S’étant fait élire podestat, un Uberti, Gherardo Caponsacchi, abolit le consulat et bannit pour la première fois certaines grandes familles nobles. Le régime consulaire, rétabli en 1196, reconquiert le contado avec l’appui de la ligue des villes toscanes, dans laquelle Florence entre en 1197 et qu’elle dirige dès 1198. Florence occupe alors Fucecchio, où elle fait abolir le péage lucquois ; elle rase Semifonte en 1202 avec le concours de Sienne, à laquelle elle enlève enfin Poggibonsi en 1208.

En partie victorieuse grâce à l’appui du pape Innocent III, la commune accepte au début du xiiie s. d’expulser les hérétiques, renouant ainsi avec la politique de stricte orthodoxie qu’elle a pratiquée au xie s. et à laquelle elle a renoncé au xiie s. en faveur des cathares, alors fort nombreux parmi les ouvriers de la laine. Aussi accueille-t-elle les frères mineurs dès 1218 dans l’hôpital San Gallo et dès 1218 dans l’église de Santa Croce, tandis que les frères prêcheurs s’établissent en 1221 dans l’église de Santa Maria Novella.

Par ailleurs, l’extension territoriale de la commune nécessite l’acquisition de ressources régulières. Elle les obtient en s’appropriant en 1197 le foderum impérial de 26 deniers par feu levé sur le contado sous forme de taxes diverses, notamment sur les villes conquises, enfin en instituant un impôt direct sur la fortune mobilière selon le système de l’allibramento (levée d’un nombre variable de deniers par livre).

Quant au gouvernement de la ville, qui siège dans le premier palais communal, construit entre 1200 et 1208, il passe en 1207 des mains des consuls à celles d’un podestat étranger. Nommé pour un an, extérieur aux factions urbaines, celui-ci est assisté du conseil étroit, qui se substitue à l’ancien collège des consuls, et du conseil général de 150 membres antérieurement existant et dont font partie les prieurs des arts majeurs.