Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Florence (suite)

Bien secondés par une équipe de soldats et surtout de juristes et de notaires issus de la petite noblesse florentine et formés à l’université de Bologne, les podestats assurent près de trente années de paix intérieure à Florence, malgré la querelle familiale qui éclate en 1215 entre les Buondelmonti et les Amidei, querelle qui entraîne la formation de deux partis politiques irréductibles l’un à l’autre : la Parte guelfa, à laquelle appartient la première de ces deux familles, qui soutient l’empereur welf Otton IV de Brunswick ; le « parti gibelin », que constitue la seconde lorsqu’elle se décide à faire appel, pour soutenir sa querelle, à un Waiblingen, l’empereur Frédéric II de Hohenstaufen. Mais avant que le conflit ne se généralise, les podestats assurent la prospérité de Florence. La population augmente, l’Oltrarno doit être uni à l’ancienne ville par deux nouveaux ponts : le Ponte Nuovo (auj. Ponte alla Carraia) en 1218, en aval, et le Ponte alle Grazie en 1237, en amont du Ponte dès lors appelé « Vecchio ». Surtout, l’activité économique connaît un essor rapide qui entraîne la naissance de nouveaux arts spécialisés et l’accroissement du domaine commercial de l’Arte di Calimala, dont les ateliers affinent les plus beaux draps de laine de l’Occident, ceux qui font la renommée mondiale de Florence.

La puissance acquise entre 1207 et 1220 permet à la ville de résister victorieusement à la coalition que noue contre elle Frédéric II en 1220. Victorieuse de Pise en 1222, maîtresse de Fiesole, elle impose en 1228 son hégémonie à Pistoia et, après une longue guerre (1229-1235), elle contraint Sienne à composer. À la même époque, elle ose frapper, sans autorisation impériale, une monnaie d’argent : le florin qui vaut douze deniers pisans et qui lui assure la prépondérance monétaire en Italie centrale.

Malheureusement, à partir de 1237, la lutte qui oppose le pape à Frédéric II amène l’un et l’autre à exploiter les querelles familiales des Florentins pour se constituer chacun un parti en Toscane. Pour conserver le pouvoir, les gibelins recherchent alors l’appui des arts du commerce et des artisans, qu’ils constituent en 1244 en une organisation autonome : le (premier) popolo, dirigé par deux capitaines qui participent dès lors au gouvernement de la ville aux côtés du podestat. Les maladresses de Frédéric II et de son bâtard, Frédéric d’Antioche, qui supprime cette organisation en 1246-47, celles du parti guelfe, qui bat les Allemands mais massacre de nombreux citadins enrôlés malgré eux par ces derniers, provoquent la révolte de la bourgeoisie florentine, qui instaure en octobre 1250 le régime dit « du premier peuple » (1250-1260) [en fait le second].

Dirigé par un étranger, le capitaine du peuple (le premier est un Lucquois, Uberto Rossi), assisté d’un conseil de douze anciens, élus par les compagnies à raison de deux par sestier, et d’un conseil de vingt-quatre membres où siègent les consuls des arts, disposant, par ailleurs, de vingt compagnies possédant chacune sa bannière et son gonfalonier, le « premier peuple » impose aussi ses lois aux conseils du podestat, qui doivent seulement les ratifier. Il abolit la societas militum, abaisse toutes les tours à une hauteur de 29 m, chasse les gibelins de Florence en 1251, édifie en 1254 son palais, le Bargello, réorganise l’armée, assujettit de nouveau les villes toscanes et fait frapper en 1252 le florin d’or de 3,54 g à 24 carats, nouvel étalon monétaire de l’Occident.


Le régime de la podestatie (1260-1293)

De retour après la victoire remportée sur les Florentins à Montaperti le 4 septembre 1260 par les forces de Manfred et de Sienne, les gibelins sont finalement éliminés dans la nuit de Noël 1267 par Charles Ier d’Anjou, roi de Sicile, auquel les banquiers guelfes de Florence, réduits à l’exil, ont avancé l’argent nécessaire à sa victoire sur Manfred à Bénévent le 26 février 1266. Aboli en 1260 au profit des institutions traditionnelles de la commune (podestat, conseil des trois cents et conseil des quatre-vingt-dix renforcés des vingt-quatre) et de celles du parti gibelin (un capitaine, qui est aussi celui de la commune, et un conseil), le régime du « premier peuple » n’est pourtant pas restauré.

Proclamé podestat pour sept ans en 1268, Charles d’Anjou confie la réalité du pouvoir à la Parte guelfa. Créée en 1273, celle-ci est dirigée par six capitaines nobles assistés de deux conseils qui donnent la première place au septième art : celui des juges et des notaires, en majorité d’origine noble. La podestatie est confirmée par la soumission des gibelins toscans à Charles d’Anjou, victorieux de Conrad V à Tagliacozzo le 23 août 1268 ; le régime favorise l’essor du grand commerce florentin au Tyrol, en Languedoc et surtout en Sicile, dont l’exploitation économique et financière lui est ouverte par son nouveau souverain.

La lutte des guelfes et des gibelins est apaisée un moment par la paix de compromis du 18 janvier 1280, qui facilite le retour des exilés à Florence, dont la population se trouverait portée à 85 000 habitants : mais elle reprend avec violence en 1282, lorsque les Vêpres siciliennes chassent de Sicile Charles d’Anjou. Les magnati (nobles et assimilés) perdent le contrôle du pouvoir au profit de la bourgeoisie d’affaires : les ordonnances de justice du 18 janvier 1293, qui excluent les magnati de toute participation au pouvoir, achèvent la mise en place du régime du « second peuple » (en réalité le troisième).


Le régime du « second peuple » (1293-1434)

Une nouvelle constitution réserve en effet le gouvernement à la bourgeoisie d’affaires. Composée de six, puis de huit prieurs tous membres des arts majeurs, présidée par le gonfalonier de justice élu comme eux pour deux mois, la seigneurie laisse subsister au-dessous d’elle deux séries d’organismes parallèles : la « commune », conduite par un podestat étranger assisté d’un conseil large ; le « peuple », dirigé par un capitaine également étranger et qui est secondé par un conseil étroit élu dans le cadre des arts et réel détenteur du pouvoir législatif. Complété par la Parte guelfa et, au début du xive s., par le tribunal de la Mercanzia, seul compétent en matière commerciale, ce système repose sur le principe de l’élection tempérée par le tirage au sort et par la cooptation. Fragile et complexe, il nécessite, en cas de crise, le recours à la dictature temporaire d’une balia, commission temporaire investie des pleins pouvoirs par le peuple réuni en Parlement.