abysses (suite)
Faune abyssale
L’absence de lumière (les rayons les plus pénétrants dans les mers les plus claires ne dépassent pas quelques centaines de mètres) élimine automatiquement toute forme végétale de vie. Bactéries mises à part, on ne trouve donc dans la zone abyssale que des formes animales qui s’alimentent soit sur des proies vivantes (prédateurs), soit sur des cadavres (nécrophages), soit sur des débris (détritivores). Certaines de ces formes vivent au contact du fond (benthos). Elles sont alors fouisseuses, fixées, errantes ou libres. D’autres vivent en pleine eau (pelagos). Elles sont alors obligatoirement libres. Les principaux embranchements — Spongiaires, Cœlentérés, Annélides (Polychètes), Arthropodes (Crustacés), Mollusques, Échinodermes, Vertébrés (Poissons) — sont représentés dans la faune abyssale. Celle-ci, soumise à des conditions de vie particulièrement sévères, présente des caractères marqués et pose aux biologistes bon nombre de problèmes non résolus.
Parmi les caractères les plus souvent soulignés et les problèmes les plus souvent évoqués, rappelons : l’archaïsme, le gigantisme, l’atrophie des organes de la vue, la production de lumière biologique, la mobilisation du calcaire, l’origine des sources primaires de nourriture, les modalités de reproduction (probabilités de rencontre des partenaires, viviparité, incubation, court-circuitage des formes larvaires), etc.
Les conceptions sur la distribution géographique des espèces abyssales sont en pleine évolution. La théorie communément admise jusqu’à maintenant voulait que la faune, ayant pu résister aux conditions sévères et uniformes de pression, d’obscurité et de température précédemment signalées, fût homogène et renfermât un nombre élevé d’espèces cosmopolites. En fait, si cela reste partiellement vrai pour les formes pélagiques, les observations les plus récentes montrent, au contraire, que l’endémisme est fortement poussé chez les formes benthiques, au point d’atteindre 73,2 p. 100 des espèces rencontrées dans le Pacifique et 76 p. 100 de celles qui sont rencontrées dans l’Atlantique.
Les biomasses de la zone abyssale sont faibles par rapport à celles des horizons plus élevés. C’est, cette fois, le plancton qui nous fournit les données comparatives les plus complètes. Alors que le poids des récoltes faites au filet fin s’échelonne de 109 à 1 120 mg/m3 dans les 200 premiers mètres, il n’est plus que de 165 à 346 mg/m3 entre 200 et 500 m, de 22 à 56 mg/m3 entre 500 et 2 000 m, de 9 à 26 mg/m3 entre 2 000 et 6 000 m. Les biomasses-benthos et les biomasses-poisson varient dans le même sens, avec des contrastes encore plus accusés.
Même en admettant que nos techniques permettent de l’exploiter, il serait donc vain de compter sur la zone abyssale pour répondre aux besoins croissants de l’humanité en protéines d’origine animale.
E. P.
➙ Océan.
V. Romanovsky, C. Francis-Bœuf et J. Bourcart, la Mer (Larousse, 1953). / J. M. Pérès, Océanographie biologique et biologie marine (P. U. F., t. I, 1961 ; t. II [en collaboration avec L. Devèze], 1963). / C. A. M. King, Oceanography for Geographers (Londres, 1962). / Ch. H. Cotter, The Physical Geography of the Oceans (Londres, 1965). / G. Dietrich et J. Ulrich, Atlas zur Ozeanographie (Bibliographisches Institut A. G. Mannheim, 1968).
