Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

États-Unis (suite)

L’effort militaire est plus surprenant encore. Le service militaire est voté en mai 1917. L’armée passe de 200 000 soldats à plus de 4 millions. Pour assurer son transport sur les champs de bataille et l’expédition des denrées alimentaires ou des produits industriels, les Américains contribuent, aux côtés des Anglais, à combattre les « U-Boot ». La première bataille de l’Atlantique est gagnée au printemps de 1918. La guerre navale a donc assuré le succès des batailles terrestres, rendu plus efficace le blocus des puissances centrales. Et la complexité des opérations oblige les Alliés et leur associé à mettre sur pied des organismes de coordination, avant même que Foch devienne le commandant en chef des armées alliées.

À la tête du corps expéditionnaire, qui compte 2 millions d’hommes en novembre 1918, le général John Joseph Pershing remporte quelques belles victoires. Mais l’armement des troupes provient, en grande partie, des usines françaises ; l’instruction a été assurée par des officiers alliés. Les Américains ont joué un rôle décisif en apportant les troupes fraîches dont l’Entente avait terriblement besoin et en faisant de leur pays le fournisseur et le grenier de la coalition.

À la fin de la guerre, les Alliés doivent aux États-Unis 12,5 milliards (dettes privées et publiques). Le revenu national du pays est passé de 33 milliards en 1914 à 61 milliards en 1918 ; la flotte commerciale jauge 1 300 000 t, contre 325 000 t en 1914. Dans le domaine diplomatique, le rôle principal appartient à Wilson, qui a imposé aux Alliés les « quatorze points ». Celui-ci vient en personne à Paris pour négocier les traités de paix et élaborer le pacte de la S. D. N. Voulant dépasser le conflit entre bolchevisme et capitalisme, il s’efforce d’« américaniser » les relations entre les nations. Ses compatriotes le désavouent ; le Congrès refuse de ratifier son œuvre diplomatique. C’est que beaucoup d’Américains craignent que leur pays ne soit entraîné dans les affaires de la « cynique Europe ». La plupart, enfin, s’intéressent davantage aux problèmes intérieurs des États-Unis : l’inflation, la dépression qui suit la guerre, l’agitation révolutionnaire qui déclenche une immense peur des rouges, la recrudescence des tensions raciales.

Aspirant à un retour à la normale, les Américains rejettent leurs responsabilités mondiales. Le successeur qu’ils donnent à Wilson est un républicain médiocre, Warren Harding.


La prospérité et la crise

De 1920 à 1933, les présidents sont des républicains. Harding meurt en 1923 ; le vice-président Coolidge lui succède et est élu pour son propre compte en 1924 ; en 1928, Hoover, qui était secrétaire au Commerce depuis huit ans, parvient à la magistrature suprême. À vrai dire, la vie politique est terne ; cela tient à la médiocrité des présidents (Hoover excepté) et à l’esprit du temps. L’objectif essentiel des Américains est alors de s’enrichir.

Ils ne s’en privent pas. Après la courte récession de 1920-21, le produit national brut, calculé en dollars 1929, est passé de 62,5 milliards pour les années 1912-1916 à 104,4 milliards pour 1929, ce qui correspond à un revenu par tête de 632 dollars dans le premier cas et de 857 dollars dans le second cas. Les salaires des ouvriers ont augmenté de 26 p. 100 de 1919 à 1929, mais les profits industriels se sont accrus de 62 p. 100.

Cette prospérité, qui a laissé son nom à l’époque, n’est plus, comme avant la guerre, le résultat de l’essor démographique. De 1920 à 1930, la population a augmenté de 17 millions seulement. Cet accroissement, relativement faible, s’explique par l’urbanisation, la mobilisation économique des années 1917-18, l’émancipation des femmes et la limitation volontaire des naissances. L’exode rural s’accompagne du déplacement vers l’ouest du centre de gravité : la Californie connaît un essor démographique de 100 p. 100 entre 1920 et 1940 ; la côte pacifique et les États du Sud-Ouest (le Texas par exemple), un essor de 25 à 50 p. 100 ; la Floride, à l’extrémité sud de la côte atlantique, bénéficie d’une remarquable mise en valeur sur le plan touristique et accroît sa population de 96 p. 100.

Le fait nouveau, c’est l’arrêt de l’immigration. Depuis le début du siècle, un mouvement « restrictionniste » n’avait cessé de prendre de l’ampleur. Il triomphe au lendemain de la guerre, en même temps que le concept d’« américanisme à 100 p. 100 ». De 1921 à 1929, une législation de plus en plus restrictive aboutit à l’instauration du système des quotas : 150 000 immigrants par an peuvent entrer aux États-Unis ; chaque groupe national dispose d’un quota qui varie selon l’importance numérique de ses membres déjà installés aux États-Unis en 1920 ; les Latino-Américains, les femmes et les enfants des citoyens américains sont admis hors quota. En 1931, Hoover réduit encore le nombre des entrées. Par cette législation, les Anglo-Saxons, les Allemands et les Scandinaves sont favorisés aux dépens des Italiens, des Russes, des Polonais.

Deux traits caractérisent la réussite des États-Unis. Ceux-ci entrent dans l’ère de la production et de la consommation de masse en recourant aux principes technologiques prêches par Taylor ; une véritable révolution du « management » se produit. Ford installe une chaîne de montage, fixe puis mobile. Des machines automatiques de précision produisent des pièces interchangeables. Pour réduire les coûts de production et tirer parti des sous-produits de l’industrie, les entreprises consacrent des sommes importantes à la recherche appliquée. Aussi l’accroissement de la productivité accompagne-t-il la modernisation des conditions de travail.

Cela est particulièrement vrai pour les industries de pointe. L’automobile remporte un succès triomphal : 4 000 véhicules fabriqués en 1900, 1,5 million en 1921, 4 700 000 en 1929. Le modèle « T » de Ford se vend 950 dollars en 1908, mais seulement 290 dollars en 1929 ; 83 p. 100 de la production américaine sortent des usines Ford, General Motors et Chrysler. En y incluant les industries sous-traitantes, l’automobile fournit du travail à 3 700 000 personnes.

L’électrification progresse au point que les quatre cinquièmes des foyers américains utilisent l’électricité. Les appareils ménagers font leur apparition. La radiodiffusion, l’aviation, le cinéma bouleversent la vie quotidienne.

L’Amérique des années folles manifeste une confiance totale dans sa réussite matérielle : Babbitt règne en maître. Elle recherche le confort avant tout et accepte avec enthousiasme la philosophie de l’individualisme. Seuls des écrivains et quelques militants politiques, en marge de la société, souffrent du matérialisme ambiant.