Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
E

États-Unis (suite)

En 1898, les États-Unis déclarent la guerre à l’Espagne pour « libérer » Cuba, Porto Rico, Guam et les Philippines. En 1904, Roosevelt définit la politique du big stick : les États-Unis se chargent de maintenir l’ordre dans les républiques latino-américaines ; mais, en conséquence, les puissances européennes ne se mêleront pas des affaires du continent américain. Les États-Unis jouent plusieurs fois leur rôle de policeman, avant de s’empêtrer de 1913 à 1917 dans la complexe révolution mexicaine.

L’Asie, et particulièrement la Chine, les préoccupe. En 1899-1900, les États-Unis ont tenté d’imposer à l’Europe la politique de la porte ouverte en Chine. En 1905, ils servent d’intermédiaires entre les Russes et les Japonais : la paix est signée à Portsmouth (New Hampshire). L’Europe, enfin, ne les laisse pas indifférents, puisque Roosevelt envoie un délégué à la conférence d’Algésiras en 1906.

La période progressiste est, à vrai dire, complexe. Les États-Unis se cherchent. Devenus la plus grande puissance économique du monde, ils ne veulent pas suivre la voie des autres pays industriels. Ils ont une mission à remplir. Dans une large mesure, le progressisme est une forme du nationalisme américain.


Les États-Unis dans les deux guerres mondiales


La Grande Guerre

La guerre européenne, qui éclate en août 1914, surprend les États-Unis. Mais, sans hésitation, ils se rangent dans le camp des neutres, bien décidés à n’en pas sortir. En effet, pour les Américains, les relations internationales se fondent sur des principes moraux ; or, dans ce conflit, qui sont les vrais responsables ? Tous les belligérants ont recours à des arguments solides. D’ailleurs, le déclenchement de la guerre résulte de mécanismes diplomatiques auxquels les États-Unis n’ont pas pris part.

Quant au peuple américain, il est divisé. 15 p. 100 des Américains recensés en 1910 sont nés à l’étranger. Irlando-, Italo-, Germano-, Judéo-Américains hésitent entre les intérêts de leur patrie d’origine et ceux de leur patrie d’adoption. Seule, peut-être, la France n’a pas d’ennemis : elle demeure pour les Américains la patrie de La Fayette et de Rochambeau ; mais ses amis ne sont que des sympathisants. Aussi est-ce avec l’approbation de tous que le président Wilson recommande à ses concitoyens, le 18 août 1914, de rester neutres « en actes et en pensée ».

De cette neutralité, les États-Unis tirent d’abondants profits. Ils vendent aux belligérants du coton, des matières premières, des munitions, du fer, de l’acier, des médicaments, du blé, de la viande, du sucre. De 1914 à 1917, la valeur des exportations a triplé ; la balance du commerce extérieur, excédentaire de 435 millions en 1914, donne un excédent neuf fois plus grand en 1917. De débiteurs de l’Europe, les États-Unis sont devenus ses créanciers, car, pour payer leurs achats, les Européens ont dû liquider 2 milliards de valeurs sur le marché américain, et ils commencent à s’endetter auprès des banques de Wall Street.

Mais la neutralité des États-Unis, malgré qu’ils en aient, est différentielle. Les Anglais détiennent la maîtrise des mers : ce sont eux et leurs alliés qui profitent des ressources américaines. De 1914 à 1917, le commerce avec la France et la Grande-Bretagne quadruple, tandis qu’avec l’Allemagne il a pratiquement disparu. Malgré une anglophilie notoire, le gouvernement de Washington ne cesse de protester contre les pratiques anglaises en matière de blocus. Comme les Allemands tentent de combattre l’encerclement britannique par la guerre sous-marine, le commerce neutre subit des pertes sensibles. En 1916, le président Wilson tente d’imposer sa médiation, mais les États-Unis manquent de force persuasive. En dépit d’une faible minorité qui voudrait mettre le pays sur le pied de guerre et anime le Mouvement de la Préparation, la majorité des Américains souhaitent le maintien de la neutralité et, en novembre 1916, réélit Wilson sur le slogan « He kept us out of war » (Il nous a maintenus en dehors de la guerre).

La situation change brutalement en 1917. Le 31 janvier, les Allemands annoncent qu’ils mèneront une guerre sous-marine à outrance, sans distinguer navires neutres et navires ennemis. Pour remporter la victoire sur l’Entente, ils se résignent à courir le risque d’un conflit avec les États-Unis, dont la puissance militaire est trop faible pour les inquiéter et le concours économique inexistant. Wilson rompt les relations diplomatiques avec Berlin le 3 février. Le mois de mars est décisif : Washington apprend les intrigues allemandes au Mexique ; des navires américains sont coulés ; la révolution russe fait de l’Entente le camp des démocraties. Passant outre à l’opposition des pacifistes et aux objections de quelques financiers et industriels, Wilson persuade le Congrès de voter, le 6 avril, la déclaration de guerre à l’Allemagne (la guerre contre l’Autriche sera votée en décembre).

Participant au conflit, les États-Unis ne sont pas l’allié des Alliés, mais leur associé. Ils se battent, proclament-ils, pour l’établissement d’une Société des Nations, qui sera le fondement de la nouvelle diplomatie. Ils n’ont aucune revendication territoriale ou économique. Leur programme de paix sera exposé par Wilson dans le discours des « quatorze points » du 8 janvier 1918.

Mais ils sont décidés à faire la guerre jusqu’au bout. Le gouvernement fédéral mobilise les esprits en créant un comité d’information que dirige George Creel (1876-1953). L’influence allemande sur la langue, la culture, la vie quotidienne des États-Unis subit un net recul. L’intolérance s’installe très vite, appuyée sur un patriotisme que l’on s’emploie à exacerber et sur un moralisme qui parvient à imposer la prohibition des boissons alcoolisées.

Le gouvernement prend en main la direction des chemins de fer et des constructions navales, s’occupe du financement des achats alliés et nationaux, contrôle les allocations de matières premières et la production, règle les relations entre patrons et ouvriers. À la tête de la Food Administration, Herbert Clark Hoover (1874-1964) est le « tsar » du ravitaillement.

Les besoins de la guerre crée une prospérité qui permet aux travailleurs d’augmenter leurs revenus réels de 25 p. 100 entre 1915 et 1918. Les fermiers tirent aussi parti des circonstances, bien que le prix du blé et celui du maïs soient taxés. Mais les bénéfices sont en partie absorbés par l’inflation, la ponction fiscale et la souscription aux emprunts nationaux.